Vendredi, le Conseil d'Etat français qui juge en toute indépendance de la valeur constitutionnelle des décisions administratives de toute instance exécutive, fût-elle municipale, a suspendu l'arrêté «antiburkini» pris le 5 août, entre autres, par le maire de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), Lionel Luca. Dans son ordonnance, la plus haute juridiction administrative écarte les «risques de troubles à l'ordre public» invoqués par la mairie et met en avant «une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales». La mesure s'impose à l'ensemble des maires qui ont pris de tels dispositifs «antiburkini». Et rappelons que n'importe quel citoyen ou citoyenne française ou étrangère sur le sol français peut dorénavant poursuivre devant les tribunaux administratifs l'un de ces élus s'il persistait dans sa démarche. Une trentaine de maires (de droite), notamment sur la Côte d'Azur, qui avaient pris de telles mesures, maintiennent néanmoins, oralement toutefois, leurs décisions municipales contre le Conseil d'Etat, continuant d'interdire l'accès de leurs plages au «burkini», (mot alliant de façon drolatique et absurde, les termes de burka et de bikini). Décisions parfois décrétées au nom de la «décence publique» ! Le quotidien anglais The Guardian s'était ironiquement interrogé il y a quelques jours en posant une question redoutable : «Qu'y a-t-il de plus décent sur une plage ? Une jeune femme en burkini ou une sexagénaire en string ?». Ces Anglais, incorrigibles String ou burkini ? C'est en effet du seul regard de chacun, ou plus précisément dans le cas précis, de chacune, et cela relève du respect absolu des libertés individuelles. C'est ce que le Conseil d'Etat a confirmé. La laïcité à la française, valeur à laquelle tient énormément l'auteur de ces lignes, se réduit à deux propositions formulées schématiquement en une seule phrase, simplette : la politique et les politiques ne se mêlent pas de religion, la religion et les religieux ne se mêlent pas de politique. Pour The Guardian, dans une édition plus récente, l'interdiction du burkini est le dernier «champ de bataille où l'on surveille et limite les choix de la population musulmane par un gouvernement qui proclame par ailleurs sa volonté de protéger le droit à la liberté d'expression». Isolé sur cette question dans sa propre majorité de gauche, le 1er ministre, Manuel Valls, qui avait soutenu la démarche des maires en question, persiste : «Cette ordonnance du Conseil d'Etat n'épuise pas le débat qui s'est ouvert dans notre société sur la question du burkini. Ce débat n'est pas anodin». «C'est un débat de fond», affirme le Premier ministre dans un message publié sur son compte Facebook. Alors que Najat Vallaud-Belkacem, sa ministre de l'Education nationale, s'est alarmée jeudi sur Europe 1 d'une «dérive politique dangereuse pour la cohésion nationale», le Premier ministre persiste à dénoncer le burkini, le 1er ministre s'embourbe : «Je veux répondre clairement: dénoncer le burkini, ce n'est en aucun cas mettre en cause une liberté individuelle. Il n'y a pas de liberté qui enferme les femmes ! C'est dénoncer un islamisme mortifère, rétrograde». Une autre femme ministre de Manuel Valls, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a également largement pris ses distances vis-à-vis de son chef, au travers d'une note de blog. « Faire comme si, en se baignant voilée ou en restant habillée sur une plage, on menaçait en soi l'ordre public et les valeurs de la République, c'est oublier que ces valeurs doivent précisément permettre à chacun de ne pas renier son identité». Rappelons à Manuel Valls que les baigneuses françaises jusque dans les années 1930 (voir illustration) portaient des tenues beaucoup plus proches du burkini que du string en vogue actuellement. Et que les nostalgiques des unes (quelles que soient leurs motivations) et les adeptes du bronzage intégral sont parfaitement en droit d'exprimer un droit fondamental : celui de vivre leurs libertés individuelles. Il faudrait décidément que Manuel Valls, adepte des coups de menton et des décisions autoritaires à tout propos, sauf sur les promesses électorales les plus importantes de son seul patron, François Hollande, comme celle de «l'inversion de la courbe du chômage» qui concerne, elle, tous les Français et Françaises, prenne enfin de vraies vacances. Longues, si possible. Qu'il se repose !