L'incursion à la mi-août dernier de l'armée marocaine dans la zone tampon du Sahara occidental créée sous l'égide de l'ONU suite à l'accord de cessez-le-feu en 1991 a instauré une situation explosive pouvant dégénérer à tout moment. Le Front Polisario ne pouvant en effet rester sans réagir à l'opération marocaine que ses dirigeants ont dénoncée comme étant une violation flagrante et sans précédent de l'accord de cessez-le-feu a fait se déployer l'ALS pour dissuader ses exécutants de la poursuivre. Il en a résulté un face-à-face dont l'on a craint qu'il s'en produirait une reprise de la guerre entre les deux parties en conflit. Sous la pression de l'ONU qui s'est exercée sur les deux parties pour qu'elles se gardent d'enclencher l'escalade qui les mènerait à la confrontation armée, il s'est instauré un statu quo dans le face-à-face opposant l'ALS aux militaires marocains dépêchés pour commettre l'incursion. Depuis, l'ONU tente de faire marche arrière au Maroc en le pressant de mettre fin à l'incursion de ses forces armées dans la zone tampon, considérée par elle aussi comme étant une violation caractérisée du cessez-le-feu et de renoncer à la reprise en cette partie du Sahara occidental du chantier de prolongement et de bitumage d'un axe routier à laquelle le Polisario s'oppose et auquel les Nations unies ont donné raison en sommant Rabat d'arrêter son projet. L'ONU fait toutefois fausse route en pensant que de simples remontrances vont forcer Rabat à cesser ses démonstrations de force qui sont autant de provocations auxquelles le Front Polisario ne peut rester indéfiniment insensible et sans réaction. Elle y persisterait en observant la même attitude à son égard après sa nouvelle violation de l'accord de cessez-le-feu qui a consisté en la reprise vendredi des travaux routiers à laquelle le Polisario est déterminé à s'opposer. Cette nouvelle violation qui a inévitablement fait monter la tension dans le face-à-face maroco-sahraoui dans la zone tampon a été portée par le président sahraoui à la connaissance du secrétaire général des Nations unies à qui il a demandé d'intervenir en urgence pour que le Maroc cesse « son comportement provocateur intentionnel » qui menace la paix, la sécurité et la stabilité de toute la région. Cette énième provocation à laquelle le Maroc s'adonne procède de la politique de la fuite en avant à laquelle les autorités du Royaume sont acculées et par laquelle elles escomptent faire contrepoids aux conséquences pour celui-ci de la série d'échecs diplomatiques qu'il subit en s'accrochant à la lune de la marocanité du Sahara occidental. Pour l'intérêt de la paix dans la région, il est temps que les Nations unies se départissent du formalisme qu'elles mettent à gérer le conflit du Sahara occidental et que les Marocains exploitent pour éterniser celui-ci avec le calcul qu'ils parviendront à imposer leur occupation de ce territoire comme un fait accompli qui de guerre lasse serait accepté comme solution au conflit. Jamais le Polisario et les Sahraouis qui adhèrent à sa revendication d'autodétermination n'accepteront que le Maroc continue ses manœuvres dans ce sens. La « hikma » dont ils font montre depuis 1991 a ses limites et ils ont tort ceux qui y voient une attitude que leur imposent leur impuissance et leur capacité à reprendre leur lutte de libération nationale par la voie des armes, la seule à contraindre le Maroc à réviser sa vision du conflit au Sahara occidental.