«Le dispositif de la retraite proportionnelle et sans conditions d'âge constitue une menace sur les équilibres financiers de la CNR et doit, de ce fait, faire sa mue». Le message, on ne peut plus tranchant, plaide pour l'adoption d'une nouvelle de conduite, exigée du reste par les circonstances économiques, dont les signaux ont viré au rouge depuis la chute des prix du pétrole. Les pouvoirs publics tiennent dans ce sens à convaincre les masses laborieuses, les syndicats réticents face à cette mue notamment, que «la retraite avant l'âge de 60 ans n'est plus possible». Chiffres à l'appui, cette fois-ci, le ministère du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale révèle dans un document rendu public jeudi dernier lors d'une rencontre d'information sur le projet de loi relatif à la retraite, que «le bilan cumulé de l'application du dispositif 97-13 (ndlr, retraite sans conditions d'âge), de 1997 à 2016, montre que près de 890.000 retraités sont des bénéficiaires de retraite avant 60 ans, soit 52% du nombre total de pensions de retraite directes servies par le système national de retraite, avec une charge financière annuelle de plus de 405 milliards de dinars». Pour rappel, le dispositif de retraite proportionnelle et sans conditions d'âge a été institué en 1997 par l'ordonnance n° 97-13 dans les circonstances particulières du programme d'ajustement structurel élaboré par le gouvernement suite à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Ce dispositif a entraîné, pour un nombre important de travailleurs, des départs à la retraite anticipée à partir de 50 ans, ce qui a entraîné pour la Caisse nationale des retraites (CNR) «un manque à gagner pour les recettes de cotisations et surtout une augmentation significative de la dépense de retraite». Revenir à l'âge légal de départ à la retraite Durant 16 ans, au moins, la CNR n'a éprouvé aucune difficulté en procédant au règlement des pensions «avec le sourire», mais ces deux dernières années, en l'absence de la taxe rentière naguère prélevée sur les rentrés financières des hydrocarbures et versée dans les caisses de la CNR, le poids est devenu insupportable. Le ministère avancera dans ce contexte que les difficultés financières structurelles de la CNR ont été prises en charges en 2015 et 2016 par «la solidarité inter-caisses», notamment celle de la caisse nationale des assurances sociales des travailleurs salariés (CNAS). Actuellement, il y a un risque avéré de «cessation de paiement» qui plane sur les caisses de la CNR, selon des avis d'experts. Le ratio du nombre de travailleurs cotisants pour un retraité est actuellement à 2/1 alors que la norme pour garantir la viabilité d'un système de retraite est d'au moins 5 actifs cotisants pour un retraité. Le système national de retraite sert actuellement plus de 3 millions de pensions et allocations de retraite pour une dépense globale annuelle de plus de 870 milliards de DA. Ainsi, dans le souci de préserver le système de retraite et de garantir sa pérennité pour les générations futures, et en application de son programme approuvé par le Parlement en 2014, le gouvernement a engagé un projet de réforme après une concertation avec les partenaires sociaux (UGTA-Patronat) lors de la 19ème tripartite du 5 juin 2016. Cette réforme vise à revenir à l'âge légal de départ à la retraite, fixée par la loi et à abroger l'ordonnance 97-13 relative à la retraite sans condition d'âge et à la retraite proportionnelle. A cet effet, le projet de loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi 83-12 du 02 juillet 1983 relative à la retraite, qui prévoit essentiellement 5 mesures phares, a été élaboré. Entrée en vigueur des nouvelles dispositions à compter du 1er janvier 2017 Il porte sur le maintien de l'âge minimum de la retraite à 60 ans et le maintien de la possibilité de départ à la retraite de la femme travailleuse à sa demande dès 55 ans. Aussi, le projet de loi permet aux travailleurs de poursuivre volontairement leur activité au-delà de l'âge minimum de 60 ans, dans la limite de 5 années. Cette disposition permettra aux travailleurs concernés de valider des années de travail supplémentaires au titre de leur retraite et d'augmenter le montant de leur pension. Les travailleurs dans les métiers pénibles, qui restent encore à définir, pourront également bénéficier de la retraite avant l'âge de 60 ans. Un décret exécutif définira les différents métiers concernés, selon la même source. Il s'agit de permettre aux travailleurs qui ont été exposés, à l'occasion de l'exercice de leur métier, à certains types de facteurs de risque pendant une durée donnée, de bénéficier de la possibilité de départ anticipée à la retraite. Cette mesure prendra en compte des critères scientifiques et médicaux, la haute pénibilité de certains postes de travail liée à des contraintes physiques, environnementales ou à des rythmes de travail particulièrement éprouvants. Ce projet de loi compte également des «règles spécifiques» concernant les travailleurs exerçant des professions hautement qualifiées ou des métiers déficitaires qui pourront bénéficier, à leur demande, d'un recul de l'âge de leur retraite avec, en contrepartie, des avantages spécifiques liés aux modalités de liquidation de leur pension. Ces règles qui seront précisées par un décret exécutif, visent à «favoriser et à inciter le transfert intergénérationnel du savoir et du savoir-faire», note la même source. Il est à rappeler que le projet de texte qui a été approuvé par le Conseil des ministres, sera débattu au Parlement et soumis prochainement au vote des parlementaires et prévoit l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions à compter du 1er janvier 2017. M. El Ghazi, qui a présidé avec Sidi Saïd, jeudi dernier, la cérémonie d'ouverture d'une rencontre d'information sur le texte de projet de loi en question, a fait savoir que ce projet de loi est dicté par les «difficultés financières» et vise à «éviter toute crise que la caisse pourrait rencontrer à l'avenir». Hélas, cela ne semble pas trop apaiser la grogne de plusieurs syndicats autonomes.