Construit sur le principe de consensus politique et de la solidarité économique, le projet de l'Union européenne est menacé par les périls des calculs de chacun pour soi. A Bruxelles, les dirigeants européens n'ont pris aucune décision politique substantielle. La réunion de jeudi et vendredi, à Bruxelles, des 28 chefs d'Etats et de gouvernements de l'Union européenne (UE) s'est plus apparentée à un forum d'échanges et consultations diplomatiques qu'un «Conseil européen» traditionnel sanctionné, comme de tradition, par des décisions fermes et unanimes qui engagent l'avenir de l'Union. Et pour cause, de plus en plus de fractures, divisions et calculs de chacun pour soi menacent, sérieusement, la cohésion politique de l'Union. Face à la Russie l'unanimité acquise lors des précédents Sommets pour des sanctions commerciales et politiques n'est plus de mise. L'Italie, la Grèce et bien d'autres pays se sont opposées à de nouvelles sanctions commerciales contre la Russie, au contraire de la France qui souhaitait élever d'un cran le degré de ces sanctions. Du coup, sur la question syrienne, les Européens n'ont pu proposer de solution politique sachant que l'issue de la guerre en Syrie dépendra, plus du Conseil de sécurité de l'Onu, particulièrement d'un accord américano-russe que d'une «délibération» du Conseil européen. Evidemment, la France de François Hollande qui, malgré son droit de veto, au Conseil de sécurité à l'Onu, reproduit la position américaine au sein de l'UE. Cela n'est pas du goût des pays comme la Suède, la Norvège, l'Espagne et d'autres pays plus prudents sur cette question même s'ils soutiennent, par principe politique, l'offensive de la coalition occidentale en Syrie. L'autre pomme de discorde et pas des moindres est relative à la signature du traité commercial «CETCA» avec le Canada, dont la ministre du Commerce était présente à Bruxelles pour le défendre. Voilà la Belgique, membre fondateur de l'UE, dans l'impossibilité de signer le traité qui requiert l'unanimité des 28 de l'UE. C'est que les régions Wallonne et celle de Wallonie - Bruxelles opposant un net refus à ce traité, dans sa forme et son contenu actuels. Or, la Constitution belge exige l'accord des trois régions belges ( rassemblées dans quatre entités fédérées) pour tout accord signé par le gouvernement fédéral. Avec ses quelque 5 millions d'habitants, la Wallonie -Bruxelles empêche les 500 millions de citoyens européens de parapher, le 27 octobre prochain le CETA, avec le Canada. Et puis encore l'autre «malaise» politique à ce Sommet: le Brexit. La Première ministre britannique, Mme Theresa May, a été, cette fois-ci, invitée au Sommet (son prédécesseur David Cameron a été exclu du précédent Sommet de l'UE), pour clarifier les modalités de sortie de son pays de l'UE. Mme May a confirmé engager la procédure de sortie de l'UE, au mois de mars prochain et rappelé à ses collègues européens que la Grande-Bretagne maintiendra ses accords commerciaux avec l'UE. En clair, la Grande-Bretagne préfère adhérer au marché économique commun ( le géniteur de l'UE) qu'à une union politique avec ses conséquence sociales et diplomatiques. Les Anglais veulent leur indépendance politique et diplomatique et profiter du marché économique européen. Dans ce sens, la question migratoire a été vite mise de côté. Les dirigeants européens ont juste constaté le tarissement substantiel des flux migratoires, eu égard à l'accord avec la Turquie qui joue le rôle de barrage aux migrants de Syrie, Irak, Afghanistan... en revanche, l'UE manifeste son «inquiétude» face à la migration africaine, plus spécialement subsaharienne, qui prend de l'ampleur. Au final, le Sommet de Bruxelles n'a abouti à aucun accord, ni projet d'accord. Les dirigeants européens se sont contentés de constats plus que médiocres et de vœux pieux, pour redonner du sens au projet de construction de l'Union européenne. Les hésitations de certains pays membres sur des questions, aussi essentielles que la fin de la guerre en Syrie, la relation avec le voisin russe, l'immigration, menacent la cohésion politique de l'UE. Les plus optimistes mettent cette «mollesse» politique de l'UE sur le compte de calculs politiques nationaux de conjoncture: en 2017, élections présidentielles en France, législatives en Allemagne, référendum populaire de modification de la Constitution en Italie, etc. En somme des raisons de politiques internes qui hypothèquent la cohésion européenne.