L'Union européenne toujours à la recherche du moyen de freiner l'afflux de migrants en Europe Les dirigeants européens recevaient hier après-midi à Bruxelles le Premier ministre turc, pour que son pays s'engage à endiguer le flux de migrants qui déstabilise l'Europe, en échange de contreparties financières et politiques. Le sommet entre les 28 pays membres de l'UE et la Turquie devrait confirmer les trois milliards d'euros que les Européens sont prêts à verser pour aider Ankara à accueillir les réfugiés syriens. Et pour éviter qu'ils ne cherchent à rejoindre l'Europe, dont l'unité vacille sous la pression migratoire. En quatre ans et demi, la guerre en Syrie a fait plus de 250.000 morts et près de 12 millions de déplacés et réfugiés. La Turquie, qui en accueille déjà plus de 2,2 millions sur son sol, «ne doit pas porter seule le problème migratoire», a lancé le chef du gouvernement turc, Ahmet Davutoglu, en quittant Ankara hier pour Bruxelles. Outre la question des réfugiés, l'UE veut obtenir l'engagement que la Turquie rendra ses frontières européennes plus imperméables aux migrants économiques irréguliers, alors que plus de 700.000 migrants au total ont emprunté depuis janvier cette porte d'entrée vers l'Europe, rejoignant la Grèce par la mer. Les Européens sont encore plus pressants depuis la révélation que certains kamikazes des attentats de Paris ont emprunté cet itinéraire. Et l'avion russe abattu par la Turquie sur sa frontière syrienne rend le contexte de ces tractations encore plus délicat. Les Turcs sont de leur côté décidés à récolter des fruits politiques, s'ils acceptent comme prévu d'activer le plan d'action commun négocié ces dernières semaines avec la Commission européenne. La rencontre d'hier devait être orchestrée par le président du Conseil européen, Donald Tusk, qui l'a convoquée malgré la menace terroriste qui continue de planer sur Bruxelles. Le sommet devrait déboucher dans la soirée sur la promesse d'accélérer les négociations en cours pour faciliter la délivrance de visas européens aux citoyens turcs. Et de «redynamiser» les négociations d'adhésion de la Turquie à l'UE, au point mort. «On nous a dit que le chapitre 17 des négociations (politiques économiques) sera ouvert vers la mi-décembre», s'était félicité jeudi le président Recep Tayyip Erdogan. Les Turcs veulent en ouvrir rapidement d'autres, explique une source diplomatique. Si l'Allemagne a beaucoup poussé pour la tenue du sommet, une source européenne souligne les réticences de la Grèce et surtout de Chypre. D'autres Etats membres craignent aussi de donner l'impression à la Turquie et à l'opinion publique que l'Europe abaisse ses exigences. «Les diplomates européens s'attendent à des négociations difficiles durant le sommet», a souligné hier une source européenne. L'UE a récemment fustigé «les graves reculs» de la liberté d'expression en Turquie, et juge «inquiétante» la situation de deux journalistes turcs, inculpés et écroués pour un article sur de possibles livraisons d'armes par les services secrets turcs à des islamistes en Syrie. Pour Reporters sans frontières, l'UE et ses Etats membres doivent «sommer les autorités turques de libérer immédiatement» ces journalistes, lors du sommet. «Il est hors de question de brader» les principes européens «sur l'autel des préoccupations migratoires», assure une source européenne, soulignant que la libéralisation des visas pourra se faire uniquement si la Turquie s'engage à réadmettre davantage de migrants ayant franchi illégalement sa frontière. Côté finances, les 3 milliards d'euros sont acquis. «Mais est-ce sur un an ou sur deux ans? Faut-il procéder par étapes? Le sommet laissera planer une ambiguïté», explique une autre source européenne. Les Européens ne devraient pas non plus trancher hier la question de la provenance des fonds. La Commission propose d'apporter 500 millions et demande aux Etats membres de verser le reste. Ils ne sont «globalement pas d'accord», prévient une source diplomatique.