Dans les nouvelles cités, les batailles rangées, les saccages des commerces, les vols et les agressions sont devenus monnaie courante ! Comme par exemple dans la ville de l'Arba, dans la wilaya de Blida, qui a été le théâtre d'une bataille, à l'épée, à l'issue de laquelle un jeune de 16 ans y a laissé la vie. Les services combinés de sécurité ont usé de grenades lacrymogènes pour mettre fin aux accrochages mettant aux prises des jeunes habitants, tous recasés à partir de différents quartiers périphériques d'Alger. On a appris aussi que les gendarmes sont restés en place pour maintenir l'ordre, mais jusqu'à quand, a affirmé le chef de daïra de la localité. Ce type de violences, en milieu urbain, a fait l'objet d'un débat organisé, par l'Association de protection des mineurs de la délinquance et d'insertion au sein de la société (APMDIS), à Alger. Les experts ayant animé cette conférence ont été unanimes sur le fait que l'apparition de nouvelles cités représente des foyers potentiels de prolifération de la violence, notamment parmi les mineurs. Pourtant et selon le ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui, «les quelques incidents enregistrés dans certaines nouvelles cités sont des actes isolés qui ne peuvent être assimilés à un phénomène de violence». Il estime que «la situation réelle est loin de l'amplification médiatique et des rumeurs relayées sur les réseaux sociaux». Le ministre, qui s'exprimait lors d'une séance plénière du Conseil de la nation, a toutefois affirmé que le gouvernement «accorde une importance cruciale à la lutte contre la violence sous toutes ses formes, à l'instar de celle qui se produit dans les stades et la violence routière, à travers la prise de plusieurs mesures». Il n'en demeure moins que ces incidents ont tendance à se multiplier au grand dam des habitants des cités populaires et des quartiers du même nom. De grands ensembles d'habitat ont été livrés à des populations qui doivent s'habituer au « vivre ensemble » ; cela ne se fait pas sans quelques frictions. On parle d'une nouvelle gouvernance locale ce qui semble justifier la mise en place de moyens additionnels, notamment en matière de sécurité publique. Une police communale. Des responsables comme Tayeb Belaiz, ministre de l'intérieur et des collectivités locales d'alors, ou plus encore Abdelmalek Sellal ont mis le sujet sur la table. Simple effet d'annonce, ou va-t-on, vraiment, vers la mise en place d'une police communale ? Cette nouvelle force de sécurité serait placée sous l'autorité du « maire » comme l'aurait affirmé Abdelmalek Sellal lors de la réunion consacrée à la gestion de la wilaya d'Alger, qui a regroupé pas moins de 17 membres du gouvernement. Pas si sûr, au regard de la complexité de la tâche. Et aussi, du manque de formation de nos édiles, très peu aguerris à la « gestion des risques » ! Mais, l'idée n'est pas nouvelle, dès lors qu'un projet de mise en place d'une police communale dont la colonne vertébrale pourrait être formée par les éléments de la garde communale, particulièrement ceux stationnés dans les zones qui ne sont plus sous la menace du terrorisme, était dans l'air. Il s'agit, particulièrement et surtout, des grandes villes et des principaux centres urbains du pays. Seulement, faut-il le dire, beaucoup de responsables étaient contre l'idée de reconversion de la garde communale en police communale. Les motifs avancés tiennent du faible niveau d'instruction de ses agents, et de leur formation, ignorants que ce corps regroupait en son sein quelque 5 000 agents, tous détenteurs de licences universitaires et de surcroît, formés au maniement des armes et aux techniques de combat. La police communale qui, sans être un organe répressif, pourrait si le projet venait à être concrétisé, remplir le rôle d'une police de proximité appelée à veiller sur les citoyens : pour rassurer la population, gérer les litiges du quartier, permettre au président d'APC de faire exécuter les arrêtés qu'il prend en matière d'urbanisme ou de protection de l'environnement, La police communale pourrait, également, s'articuler, dans un premier temps, autour de quatre grands axes : 1. rassembler des informations susceptibles d'endiguer certains problèmes, détecter les nids criminogènes, ainsi que les personnes à risque ou celles en danger, 2. intervenir dans les conflits de voisinage, par exemple, pour les résoudre grâce au dialogue et à la médiation et éviter, ainsi, qu'ils ne dégénèrent, 3. être le relais entre la population, le maire et les forces de sécurité, 4. agir sur le préventif, le social et la tranquillité publique, D'un point de vue sémantique, la notion de police communale a du sens, puisqu'elle recouvre la réalité du terrain, celui de la commune principalement. D'un point de vue plus stratégique, sa mise en place soulève toutefois les questions cruciales de la doctrine d'emploi, de la spécificité des missions assurées dans la coproduction de la sécurité locale et, inévitablement, les problèmes de l'uniforme et de l'armement, sans compter les dotations budgétaires qu'il faudrait débloquer en ces temps de crise. En d'autres termes, il ne s'agit pas de « créer » une police communale, mais de définir son « statut » : 1. police du maire, son « bras armé », s'empressent de dire ceux qui craignent une utilisation « abusive » de cette force de sécurité par les édiles locaux. 2. police placée sous la tutelle directe du ministre l'Intérieur. Dans la première hypothèse, il faudrait, inévitablement, prévoir l'amendement de l'article 93 du code communal avec toutes les réactions en chaîne qui en découleraient ! Et même si on venait, en haut lieu, à régler ce « casse-tête », il subsisterait, encore, les questions relatives à l'armement, l'uniforme, le volet de la formation ainsi que les rapports de cette police avec les autres forces de sécurité. Et parmi les autres questions qu'il faudrait trancher, il y a la dotation en armes, dont certains experts en sécurité affirment que c'est un moyen de protection indispensable face aux risques du métier, dès lors qu'il ne diffère pas, fondamentalement, de celui de la police ou celui de la Gendarmerie nationale. D'autres, en revanche, considèrent que ce n'est pas un gage de sécurité absolue et craignent que cela n'encourage une confusion des rôles avec les forces de sécurité classiques. En fait, la question de l'armement, tout comme celle de l'uniforme, revêt une portée plus que symbolique qui touche aux enjeux de reconnaissance d'un corps policier à la légitimité contestée, comme l'a été, par le passé, la garde communale. Pour résumer disons tout de même que la mise en place du corps de police communale suppose quelques préalables pour ne pas dire la levée d'un ensemble d'obstacles contenus dans les résistances culturelles, les clivages politiques et des contraintes d'ordre juridique. Il faut aussi s'assurer de l'accord de principe de la DGSN dès lors que la police communale et la police nationale font partie d'un même « creuset ». Mais pourquoi s'entêter, disent certains, à monter une police communale qui ne peut, en l'état des difficultés énumérées supra, trouver sa place dans le paysage sécuritaire, jusque là occupé intra-muros par la police nationale et extra- muros par la gendarmerie? Faute de moyens donnés à la police et à la Gendarmerie nationale, pour assumer la sécurité des citoyens, on crée donc une police communale ? À moins de clarifier la doctrine d'emploi de cette police communale, en dehors des missions de « prévention et répression » qui sont la raison d'être des forces de sécurité classiques. Il y a, aussi, une autre évidence à rappeler : « La police communale n'est pas supplétive de la police nationale ou de la gendarmerie, qui elles répondent à la tradition républicaine. Le recours à la force doit rester du domaine de l'Etat, et en conséquence, seules la police nationale et la gendarmerie doivent être armées ». Mais ces dernières années, la notion de tranquillité publique s'est durcie pour répondre à la montée des comportements inciviques, si bien qu'en réalité, la police communale sera « forcée » de se rapprocher de la police nationale, en intervenant, en soutien, de celle-ci, sinon, ses personnels développeraient le sentiment de n'être que des policiers de « seconde zone ». De ce qui précède, un débat sur la nécessité ou pas d'une police communale s'impose dès lors qu'il est admis qu'il existe encore de larges portions du territoire national que les forces classiques de sécurité publique peinent à couvrir en permanence, nonobstant leurs incessantes rondes : grands ensembles d'habitats, écoles publiques et stades par exemple. En France et à l'occasion des présidentielles à venir, les questions de sécurité et de délinquance figurent parmi les sujets les plus abordés. C'est d'autant plus légitime que, si l'on en croit un sondage IFOP de juillet 2016, les Français placent la lutte contre le terrorisme (67%), puis la lutte contre le chômage (60%), puis la lutte contre la délinquance (51%) au sommet des motivations qui influenceront « beaucoup » leur vote. Les sujets économiques ayant été discutés lors du précédent débat, on pouvait donc s'attendre à ce que la sécurité apparaisse au menu des suivants. En Algérie, on se prépare aussi à organiser des élections législatives. Les candidats se bousculent et les états-majors des partis croulent sous les demandes. Ceux qui seront retenus seront appelés à faire campagne, défendre leur programme et parler de ce qu'ils envisagent de faire pour améliorer le cadre de vie du citoyen, son bien être et aussi sa sécurité ? A en croire l'excellent El Yazid Dib qui s'exprimait sur ces mêmes colonnes, ces légitimes préoccupations des citoyens ne sont pas contenues dans les programmes des futurs députés « des têtes qui se prennent pour des crânes qui ne visent qu'à intégrer l'APN pour paraitre et s'afficher sur les remparts, impostes et les arcades ; être dans l'hémicycle et avoir cette proximité immédiate de renflouer davantage ses tiroirs est un objectif, disent-ils, managérial.» Voilà les électeurs avertis !