La chancelière allemande Angela Merkel est attendue, lundi 20 février à Alger, pour des rencontres à haut niveau avec, au menu, l'épineux dossier des sans-papiers algériens en Allemagne, entre autres sujets d'intérêts communs. Ce problème des sans-papiers maghrébins avait déjà été évoqué par Merkel avec Sellal lors de la visite du Premier ministre algérien en Allemagne et la partie algérienne avait donné des assurances de rapatriement pour peu que l'identité de l'émigré soit formellement établie. Et c'est sur ce point que les sans-papiers se basent pour éviter des expulsions d'office. Ainsi tout ressortissant de ces trois pays, s'il veut éviter une expulsion, n'a alors qu'à détruire ses papiers d'identité pour échapper au moins temporairement à la sanction administrative. Un dossier, véritable enjeu électoral pour Merkel à l'approche des élections législatives de septembre 2017, qui bute sur une défense partagée par les pays du Maghreb. Alger, Tunis et Rabat, même objectif pour Merkel, celui d'obliger ces trois capitales à ne plus freiner les expulsions des sans-papiers, en particulier les suspects liés à la mouvance salafiste. Attendu à Berlin, le Premier ministre tunisien a annoncé la couleur en rejetant en bloc les reproches allemands à l'endroit de Tunis, après l'attentat de Berlin, pour son manque de coopération en matière migratoire. Des critiques adressées également à l'Algérie et au Maroc. Le point d'orgue de cette offensive de Merkel, l'attaque terroriste du 19 décembre, au camion-bélier, pour le compte de Daech, d'un marché de Noël à Berlin. L'homme au volant était Anis Amri, ressortissant tunisien dont l'expulsion avait été bloquée en 2016. Dans une interview, parue hier, dans le quotidien Bild, Youssef Chahed défend l'action de son gouvernement, «les autorités tunisiennes n'ont fait aucune erreur», affirme-t-il. Le Premier ministre tunisien explique «avoir besoin de preuves limpides» de la part des autorités allemandes «que la personne est vraiment tunisienne», précisant que «les migrants clandestins utilisent de faux papiers et ralentissent la procédure». Youssef Chahed a également rejeté l'initiative de la chancelière allemande de l'installation d'un camp en Tunisie pour y accueillir les migrants sauvés au cours de leur traversée de la Méditerranée depuis la Libye et empêcher ainsi leur arrivée en Europe. L'attentat au camion-bélier de Berlin avait de nouveau placé la politique migratoire de Merkel au centre de toutes les critiques. Déjà stigmatisés dans ce qu'il est convenu d'appeler l'affaire du Nouvel an de Cologne où les migrants ont été accusés, à tort, d'avoir violenté sexuellement des femmes ; à chaque attentat terroriste, l'opposition les montre du doigt ou plutôt s'attaque à la chancelière allemande, la rendant personnellement responsables des morts enregistrés. Pourtant, et depuis cette fameuse nuit de la Saint-Sylvestre, Merkel se sachant vulnérable sur ce dossier, a décidé de durcir les conditions d'accès à l'asile. Le gouvernement allemand a ainsi apporté des restrictions au droit d'asile, en revoyant les conditions du regroupement familial et en donnant un statut limité de réfugiés aux demandeurs d'asile. La chancelière sait qu'elle joue gros sur ce terrain et devra y répondre pour ne pas perdre ses alliances traditionnelles en vue de sa réélection en septembre 2017. Pour cela, il est attendu que la diplomatie allemande va se redéployer derechef et presser davantage pour convaincre Alger, Tunis et Rabat de «récupérer» leurs sans-papiers. En effet, et alors qu'on croyait le dossier clos avec la décision de Berlin, au début de cette année, de classer «pays sûrs» les trois Etats du Maghreb pour dissuader les candidats au départ de ne plus tenter leur chance en Allemagne, décision entérinée par la chambre des députés où Merkel dispose d'une majorité écrasante, le texte a été bloqué par la chambre haute du Parlement, le Bundesrat, où la coalition au pouvoir ne dispose pas de majorité suffisante et a besoin du soutien d'une partie de l'opposition, un soutien refusé du reste par les Verts en particulier. Ce blocage ne permet plus de faciliter et d'accélérer le rejet des demandes d'asile ou d'imposer un lieu de résidence aux irréguliers pour être expulsés sans délais.