la chancelière Angela Merkel La nouveauté, à la faveur de la visite de Youcef Chahed qui s'est empressé de rejeter en bloc toutes les demandes de l'Allemagne, c'est que la chancelière Merkel veut aujourd'hui aller plus loin dans la réceptivité tunisienne... Depuis plusieurs mois, l'Allemagne de la chancelière Angela Merkel multiplie les pressions sur les pays du Maghreb, la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, qu'elle veut classer comme «pays sûrs» afin de pouvoir refuser les demandes d'asile de leurs supposés ressortissants et d'expulser ces derniers qui devront être accueillis par les trois pays «concernés» de façon automatique. Si Alger a été prompt à rejeter les manoeuvres venant aussi bien de l'Allemagne que de la Belgique, plus récemment, arguant que le pays «a les moyens biométriques qui lui permettent d'identifier ses ressortissants», la Tunisie a eu droit à de violentes accusations dès le lendemain de l'attaque au camion bélier à Berlin dont l'auteur serait, affirment les autorités allemandes, un Tunisien inféodé à l'organisation autoproclamée Etat islamique. Pour Berlin, la Tunisie «doit cesser de bloquer les expulsions de ses ressortissants et aider à juguler la migration vers l'Europe». C'est d'ailleurs le message que la chancelière Angela Merkel devait adresser hier à son homologue tunisien Youssef Chahed qui effectue une visite officielle. Tirant argument de l'attaque au camion-bélier commise par Anis Amri pour le compte de Daesh sur un marché de Noël en décembre dernier (12 morts), les autorités allemandes tentent depuis de mettre la pression sur les capitales maghrébines, accusées d'empêcher leurs efforts d'expulsion des éléments salafistes. Le cas d'Anis Amri est ainsi devenu emblématique, classé comme «dangereux» par les services de renseignements allemands, mais que le gouvernement Merkel n'est pas parvenu à fourguer à la Tunisie pour cause d' «atermoiements» procéduriers.Vivement critiquée par l'extrême droite, mais aussi dans son propre camp, la chancelière a besoin de donner des gages de sa volonté de se montrer ferme sur la question, quitte à user de moyens de rétorsion peu diplomatiques. Agitant la carotte et le bâton, elle tente d'amadouer son hôte tunisien en promettant une hausse conséquente de l'aide au développement, convaincue d'avoir «reçu des signes positifs depuis l'attentat» de la part des autorités tunisiennes. La nouveauté, à la faveur de cette visite de Youcef Chahed qui s'est empressé de rejeter en bloc toutes les demandes de l'Allemagne, c'est que la chancelière Merkel veut aujourd'hui aller plus loin dans la réceptivité tunisienne, parlant de la création de camps en Tunisie pour y accueillir les migrants sauvés au cours de leur traversée de la Méditerranée et empêcher ainsi leur arrivée en Europe. «Nous devons parler, calmement et respectueusement, des possibilités qui existent dans ce domaine», a-t-elle affirmé à ce propos! Or une telle initiative aurait pour conséquence de créer sur la rive sud de la Méditerranée les conditions chaotiques qu'on a observées dans les mêmes zones installées en Turquie et en Grèce, sans que soit résolue pour autant la tragédie des migrations. On «comprend» qu'en pleine année électorale, la thématique de l'accueil des migrants - au nombre d'un million, environ, pour la seule Allemagne - soit devenue brûlante pour Mme Merkel, mais de là à rechercher les scénarii du pire. Le parti populiste anti-islam AFD a évidemment profité de la politique gouvernementale pour monter en puissance, reprochant à Mme Merkel d'avoir introduit les loups dans la bergerie allemande.En outre, le branle-bas de combat fait autour de cette question des expulsions de ressortissants supposés maghrébins est plus que douteux si l'on se réfère au pourcentage des demandeurs d'asile (statistiquement Tunisiens, Algériens et Marocains n'obtiennent le statut de réfugié que dans respectivement 0,8%, 2,7% et 3,5% des cas). Lors des agressions qui ont eu lieu la nuit du Nouvel An à Cologne, la presse allemande avait sonné l'hallali contre les ressortissants des trois pays du Maghreb pour donner davantage de poids au reproche de la chancelière concernant les «lenteurs» des capitales maghrébines. Reprenant à son compte les arguments déjà opposés par Alger, le Tunisien Youcef Chahed a affirmé que son pays n'a «fait aucune erreur» et qu'il «attend des autorités allemandes des preuves limpides», dès lors que «les migrants clandestins utilisent de faux papiers», rendant difficile et longue la procédure. Surtout, il a minimisé l'ampleur de l'enjeu qui concerne «un nombre très restreint, 1000 personnes», tout au plus.