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La vaccination : une autre manière de l'aborder
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 09 - 03 - 2017

La polémique actuelle concernant la campagne vaccinale invite à chercher à résoudre cette problématique naissante de méfiance injustifiée scientifiquement mais bien réelle dans la société.
Du temps du parti unique et de la pensée canalisée, de l'unique chaine tv RTA, « el Moudjahid » et « el Djoumhouria » ou « el Chaab » les quelques journaux édités à l'époque et qui véhiculaient un seul et même message seules la langue et la forme changeaient ; il était alors plus simple et plus facile de faire adhérer la population aux messages relevant de la santé publique, la vaccination était perçue comme un acte d'émancipation et de modernisme, les campagnes étaient de véritables fêtes il suffisait de quelques spots radiophoniques ou télévisées pour provoquer la mobilisation et même l'engouement de larges couches pour l'acte vaccinal, il faut reconnaitre qu'à l'époque les esprits n'étaient pas comme aujourd'hui diront certains « illuminés » ou au contraire pour d'autres « pollués » par la masse d'informations véhiculées quasi instantanément et dans tous les coins aussi reculés qu'ils soient par une multitude de canaux ;chaines Tv ,réseaux sociaux, journaux numériques, données accessibles librement sur internet…
Depuis les temps ont changé le niveau d'instruction acquis exige de revoir toute la stratégie de communication.
Cependant malgré cette révolution la gestion du programme vaccinal est restée archaïque les mutations de la société n'ont pas eu raison sur les décideurs pour revoir leur copie inadaptée au contexte.
La vaccination est restée pendant des décennies du ressort du seul monopole de l'état concernant tout le circuit, de l'importation à la distribution à même l'information et jusqu'à l'administration dans des centres de santé par un agent formé pour la circonstance, d'ailleurs à ce jour ce schéma est toujours prédominant.
Tous ceux et celles qui ont eu l'occasion de faire vacciner leurs enfants connaissent parfaitement les circonstances de la pratique vaccinale ; souvent un monde fou ,une cohue indescriptible ,un agent vaccinateur dépassé pour faire un interrogatoire minutieux et non habileté à faire un examen pour pouvoir déceler d'éventuels contre-indications, au moindre doute le vaccin est reporté l'agent n'a pas les compétences requises pour prendre une décision .Certains parents ont du s'organiser pour s'absenter et ils devront revenir plus tard au risque d'être confrontés à l'absence de l'agent pour une raison ou une autre et voilà que le calendrier vaccinal est chamboulé.
L'acte vaccinal a été réduit et exclu du champ de l'exercice médical bien qu'il s'agisse d'un acte qui implique une consultation, un dialogue avec les parents pour leur expliquer l'intérêt, convaincre les plus réticents et surtout rassurer.
Ces derniers jours beaucoup de parents ne cessent de s'adresser à leur médecin traitant pour s'informer sur le vaccin RR (rougeole rubéole) qui a provoqué la crainte chez certains et carrément le boycott chez d'autres. Cette campagne apparemment mal préparée , le secteur libéral malgré son rôle crucial ayant été mis à l'écart, ne serait ce que sur le plan communication ;il n'a été destinataire de rien de la part des autorités sanitaires pour pouvoir expliquer aux parents désabusés et qui ont complètement perdu confiance dans les circuits habituels.
Le fait d'avoir exclu les médecins surtout ceux exerçant dans le secteur privé de la prise en charge vaccinale des enfants durant de longues années a fait que même les praticiens ne se sentent plus concernés par les polémiques qui sévissent depuis plusieurs mois et qui ont atteint leur apogée avec les décès apparemment imputés aux vaccins par l'opinion publique faute d'interlocuteurs convaincants.
La formation du personnel médical sur la vaccination élément important dans le programme de la prévention est complètement absente contrairement à l'intérêt qu'elle suscite auprès de toutes les sociétés savantes ailleurs en charge de la petite enfance.
Tardivement les médecins libéraux pédiatres en contact permanent avec les enfants n'ont été que récemment autorisés à pratiquer la vaccination dans leur cabinet sous réserve du respect d'un cahier de charges et même en le respectant scrupuleusement certains directeurs nostalgiques de l'ère des monopoles se dérobent pour délivrer ces autorisations. Contribuant ainsi à permaniser la deshumanisation de l'acte vaccinal et à aggraver les charges humaines et financières sur les structures de santé publique.
Toutefois les médecins ne se sont pas du tout empressés d'inclure cet acte dans leur activité quotidienne pour diverses raisons entre autres les problèmes d'autorisation, c'est l'approvisionnement qui reste du monopole de l'institut pasteur à Alger. Il va falloir pour les plus téméraires se déplacer pour passer commande chose qui n'est pas aisée pour un médecin exerçant en dehors de la capitale et même les annexes de l'institut ne sont pas approvisionnées.
L'autre écueil est la présentation multidose des vaccins certes économique pour les centres de santé ou les cliniques mais pas du tout adaptée à la clientèle d'un cabinet où le client préfère choisir lui-même le rendez vous qui lui convient sans perturber son emploi du temps ce qui exige des présentations monodoses plus couteuses mais qui évitent les gaspillages car il faut savoir qu'un flacon de 10 doses ne sert des fois à vacciner qu'un ou deux enfants dans un centre et le reste est mis à la poubelle puisque il ne peut être conservé une fois ouvert .La gratuité de l'acte a fait que les usagers et même les gestionnaires ne prennent pas en compte cet aspect financier au point que les prévisions ne sont jamais exactes soit qu'il en résulte des situations de pénuries ou bien des excédents qui risquent de se périmer.
Les vaccins devront être autorisés à l'importation par les opérateurs comme cela est le cas pour tous les autres médicaments avec le contrôle des pouvoirs publics quant au respect de la chaine de froid et de la composition à l'instar de l'insuline actuellement. Les parents pourront s'approvisionner directement dans les officines et faire vacciner leurs enfants dans les cabinets médicaux. Ceci humanisera l'acte et offre surtout une occasion pour le dépistage qui chez nous n'est pas encore systématique et qui concerne des pathologies malformatives ou congénitales (telle l'hypothyroïdie: déficit en hormone) dont les conséquences sont graves sur le développement mental de l'enfant et l' handicap lourd à prendre en charge par la collectivité d'autant plus que les consultations des premiers mois ne sont pas obligatoires comme c'est le cas dans beaucoup de pays.
Ceci ne veut nullement dire que l'Etat se désengagera complètement de son rôle de régulateur, il devra continuer à assurer une couverture vaccinale des plus démunis auprès des centres de protection maternelle et infantile (PMI) qui ainsi déchargés seront plus aptes à valoriser l'acte vaccinal.
L'acte vaccinal a été de tout temps un acte médical au même titre qu'une consultation sinon plus.
Il est temps de revoir toute la stratégie vaccinale et à y associer tous les professionnels qui prennent en charge les enfants et permettre de rétabli la confiance entre soigné et soignant au risque de voir émerger des épidémies d'un autre temps.
*Pédiatre


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