A Tébessa, cette wilaya longeant sur plus de 290 km les frontières est de l'Algérie, personne n'est indifférent à ce qui se fait dans cette partie du pays, habitants et visiteurs. Il y a ceux qui voient le verre à moitié vide, un regard plutôt pessimiste sur une contrée qui aurait pu prétendre à mieux, au vu des potentialités existantes, humaines et naturelles. Il y a aussi ceux qui, pour des raisons plutôt réalistes, jugent l'état des lieux d'un verre à moitié plein, d'un optimisme mesuré, ceux-là mêmes observent les quelques progrès réalisés ces dernières années comme un indice encourageant. Certes, une relance qui s'effectue dans la douleur, afin de rattraper quelque peu le retard accusé, tous secteurs confondus. En dépit des incohérences et de carences constatées dans la gestion des affaires publiques, l'élan amorcé pour se remettre débout existe, cela est vrai à travers les efforts consentis par les pouvoirs publics, programmes de développement accordés, dotations financières allouées à des centaines de projets, dans l'habitat, l'éducation, les ressources en eau ou encore pour ce qui des équipements publics dans les secteurs de la santé, les travaux publics et les opérations de l'aménagement urbain. Tébessa est de cette manière en état de perpétuelle ébullition, sa population profonde, sa jeunesse et ses enfants voudraient au plus vite se débarrasser de cette image tenace souvent à tort où tout est entaché de contrebande, de paradis de l'évasion fiscale et de blanchiment d'argent. Oui, sa situation de région frontalière l'expose plus que d'autres villes du pays au phénomène gangrenant du trafic tous azimuts, avec le temps et par la force des choses et la complicité de certains milieux maffieux, le passage obligé de toutes sortes de trafiquants dont la plupart proviennent de l'extérieur de la wilaya. Peut-on être autrement si on se retrouve, par le hasard de la géographie, sur le chemin des personnes aux activités douteuses, voire criminelles au nom de la loi, narcotrafiquants, contrebande d'armes, transferts illégaux de capitaux, ou fausses déclarations douanières dans les opérations d'import-export ? Dans la plupart des communes, notamment celles à vocation rurale, le taux de chômage bat son plein, et il faudrait aux responsables locaux plus que des mesures d'urgence souvent précaires, pour trouver la solution à même d'absorber un tant soit peu ce problème de non-emploi, par la création de postes de travail stables, à travers l'initiation effective et rentable de projets d'investissement, car c'est le seul palliatif pour pouvoir extirper des dizaines de milliers de jeunes des tenailles implacables de suceurs de sang et de sueur d'innocents au risque de leur vie. La faute d'une vision réductrice de résumer la wilaya aux seuls faits des activités de la contrebande, de ceux qui veulent s'enrichir par les moyens détournés, en exploitant le désarroi social de contingents de jeunes désœuvrés, piégés par le désir du gain facile, des miroirs aux alouettes. De Bir El Ater, Negrine et Ferkane au Sud, en passant par Oum Ali, Elma Labiod, El Houijbet jusqu'à Aïn Zerga et Ouenza au Nord, en s'enfonçant vers l'intérieur des terres à El Ogla, Cheria Bir Mokkadem ou encore Bir Dheb, Morsott et El Aouinet, les habitants des couches sociales les plus fragilisées sont lassés par tant de promesses et les entraves bureaucratiques qui ne font qu'accentuer l'état des choses. Des gestionnaires dépassés par l'ampleur de leurs tâches recourent à divers subterfuges pour retarder l'échéance et ainsi gagner du temps. En conséquence, le renvoi aux calendes grecques des décisions souvent décisives ouvre la porte grande béante devant les spéculateurs de tous bords. Tébessa a un regard tourné vers l'horizon, car elle croit en son destin de pouvoir s'en sortir. «Il manque cette volonté collective pour franchir le Rubicon, il n'est jamais trop tard pour faire de Tébessa non plus un eldorado surréaliste de la contrebande comme veulent la cantonner certains, mais un pôle économique de premier choix, à condition que la volonté politique existe chez les responsables pour lever toutes les pesanteurs et s'adresser dans un langage clair aux citoyens, loin de toutes surenchères et autres calculs mesquins», c'est en ces termes qu'un jeune universitaire résume et analyse la situation, un appel lancé à tous ceux qui croient encore à l'idée de doter la wilaya et sa population d'un socle fiable, lui permettant le décollage tant escompté. Et pour y arriver, il faudra, dès lors, se défaire des dissensions claniques et tribales, mises à contribution par des groupes d'influence aux intérêts inavoués. Qui sont ces gens-là qui, le temps d'une élection par exemple, piquent tels des rapaces sur leurs victimes expiatoires et viennent jeter la zizanie parmi les citoyens en leur miroitant l'irréel? Ces personnes représentent-elles vraiment les intérêts de la wilaya? Ou bien sont-elles là simplement pour les richesses de la wilaya, avant de repartir vivre sous d'autres cieux, fructifiant leurs affaires, loin du «ghachi» de Tébessa, en pensant déjà à la prochaine échéance, pour revenir comme toujours pêcher en eau trouble. «Tébessa a besoin de ses vrais fils, ceux qui n'ont jamais quitté leurs patelins le mauvais moment, en dépit des difficultés générées par la conjoncture, seuls boucliers contre les renifleurs de la charogne ! Une chose est sûre, nous ne sommes pas tous des contrebandiers, la rapine sévit partout et puis la contrebande n'est pas le propre de la seule wilaya de Tébessa, allez voir ailleurs, elle fait des ravages», dira en substance un habitant de la vieille cité.