Deux faits divers, aussi consternants que tragiques, viennent rappeler le pays à sa triste condition. Le meurtre d'un enseignant à l'université de Khemis Miliana, dimanche dernier, commis par deux frères jumeaux, des étudiants, l'un au centre universitaire de Tipasa et l'autre à El Affroun dans la wilaya de Blida, a jeté l'effroi parmi la population. Les deux présumés meurtriers ont massacré à coups de couteau et de marteau l'enseignant. La folie meurtrière est passée par là, projetant de nouveau l'université algérienne au-devant de la scène et des pires des manières. Les réseaux sociaux se sont emballés faisant le procès de cette université incapable de se réformer, laissée entre les mains d'une administration tatillonne dont les limites de gestion se payent cash aujourd'hui. Il n'est plus un secret de dire que l'état de déliquescence de l'université est tel qu'il est inconcevable, de nos jours, de la laisser agoniser. Les ministres qui se sont succédé à son chevet n'ont rien apporté de concret, se contentant de dresser des constats stériles et de proposer prosaïquement «leurs» solutions avec «leurs» hommes. Pourtant, on ne peut dissocier cette affaire du climat de violence générale qui ronge les soubassements mêmes de la société. Faire le procès de l'université, c'est avant tout mettre au banc des accusés cette politique de fuite en avant, érigée en véritable mode de gouvernance et financée à coups de milliards de dollars pour acheter la paix sociale. Le pouvoir a fait son choix, celui de sa survie, privilégiant la paix sociale au détriment de la justice sociale, encourageant un peuple d'assistés et jetant les plus honnêtes sur la route de la misère. La violence appelle la violence, professait le dramaturge grec Eschyle, et l'Algérie ne récolte, en fait, que ce qu'ont semé ceux qui sont censés la gouverner. L'autre fait divers est aussi symptomatique de cette dérive sociétale encouragée par une démocratisation bâtarde et irresponsable des réseaux sociaux. L'écrivain italien Umberto Eco disait à juste titre d'ailleurs que «les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d'imbéciles qui avant ne parlaient qu'au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd'hui ils ont le même droit de parole qu'un prix Nobel». L'affaire de l'enfant de 18 mois, suspendu du haut d'un immeuble à Alger, dont la vidéo a été postée sur Facebook est la parfaite caricature de cette citation. Si pour l'histoire l'homme a été condamné à deux ans de prison ferme, aujourd'hui le danger des dérapages sur la toile est là. Confondant souvent la liberté d'expression avec la violation de la vie privée, des internautes se croient tout permis, cachés lâchement derrière des pseudonymes. Une violence virtuelle qui n'a rien à envier aux coups de marteau si cela se trouve.