Est-ce que les Algériens d'aujourd'hui vivent mieux que leurs parents sous l'occupation coloniale ? La réponse est à coup sûr positive. Se contenter de la réponse et s'en réjouir c'est faire preuve de naïveté, voire de crédulité, de baliverne et d'ânerie caractérisée ceci en supposant que la bonne foi de l'intention n'est pas mise en doute, le contraire fera de cette posture synonyme de trahison , la manifestation de manœuvres occultes à des fins de diversion, d'occultation de la réalité. La colonisation est la pire des situations, une tare occidentale, un scandale historique, une infamie de tous les temps, la prendre comme référence, comme modèle pour comparaison est absurde encore plus criminel car potentiellement vecteur de fourvoiement, d'égarement et de perte de repère ; c'est tout simplement une insulte à la mémoire des morts et à l'intelligence des vivants. Pourrons-nous parler de vie sous la colonisation pour les Algériens sujets de l'empire, les indigènes exotiques pour vouloir les comparer aux Algériens souverains, indépendants, et citoyens du XXIe siècle ? Il est évident que la question est porteuse de biais, elle est insolente, déplacée, contre-productive à plus d'un égard ; le véritable questionnement n'est pas dans la quête du chemin parcouru, il est plutôt dans l'identification des occasions inexploitées, des rendez-vous ratés. Vouloir s'évaluer, se connaître, se remettre en cause est plus que nécessaire, c'est l'exercice le plus louable que nous devons faire en permanence sans complaisance ni malveillance. Se mentir et s'auto-berner dans une satisfaction béate et se convaincre d'avancées spectaculaires et de prétendues réalisations ne sont que fumisteries et contre-productif ; nier le chemin parcouru et la remise à niveau réalisée est également une erreur et un égarement qu'il faut éviter. Dans le cadre de cette article, je ne veux être ni cet avocat à la solde d'une dossier ni le détracteur acharné au service d'un quelconque objectif occulte, mais juste un Algérien parmi les autres, un observateur et acteur malgré lui des mutations de la société, qui sous les coups conjugués de la technologie, de la géopolitique, de la démographie et bien s'autres domaines vit des transformations structurelles défigurant dans bien des situations des pans entiers des composantes de la société, une lame de fond insoupçonnée façonne en profondeur notre quotidien de façon insidieuse et sûre. Reprendre l'étendue des différents chantiers en cours nécessite la mutualisation des forces vives et sociétés savantes de la nation, je me contente de mettre en exergue un seul point, que je vous soumis à l'appréciation et à l'évaluation, il s'agit de la notion des droits de l'homme, qui ne cesse de prendre de l'ampleur dans notre quotidien, on en parle, elle fait désormais partie du langage consacré dans la presse et les mass media de façon globale. Qu'en est-il exactement ? Comment s'est-elle imposée ? Quelles sont les implications du respect des droits de l'homme ? Quelles sont les implications des droits de l'homme sur notre quotidien ? Sont-ils bien assimilés et correctement définis ? Quel bilan pourrons-nous faire quant à son respect ? Plusieurs questions nous interpellent et exigent des réponses urgentes car notre avenir en dépend. La première remarque qu'il est utile de signaler est que la question n'est pas de se référer à un point de vue, à une position, mais de faire autant que faire se peut de cet espace l'occasion de soumettre le questionnement de la portée des droits de l'homme sur notre vie à un discernement apaisé sans idées arrêtées ni approche dogmatique, l'objectif est justement de se libérer de toute attache doctrinale dont le poids asphyxiant est handicapant. Universellement la proclamation des droits de l'homme est l'expression d'un refus d'un monde où l'homme fut dépossédé de sa valeur et dignité humaine, de ce qui le différencie du règne animal. A travers les âges et les civilisations, l'homme a souvent été pour son prochain, à quelque rares exceptions, persécuteur et exploiteur sans vergogne ni pitié perpétuant une tradition de mépris, de tyrannie et d'oppression. La proclamation des droits de l'homme constitue l'amorce d'un monde nouveau, l'émergence d'une conscience collective où les êtres humains seront libres de s'exprimer, de parler de leurs préoccupations et de croire à leurs idéaux, libérés de la terreur et de la misère, et de la peur de l'oppresseur, qui peut s'incarner dans le pouvoir politique, le pouvoir économique ou toute autre forme de pouvoir. Instaurer les droits de l'homme c'est l'esquive contre la tyrannie et l'oppression. La propagation des droits de l'homme c'est historiquement faite en la succession de trois étapes donnant forme à trois générations ; la première qualifiée de génération de droits négatifs, la seconde de génération de droits positifs relatifs aux droits économiques et sociaux, et la troisième de génération de droits collectifs. Pour faire simple, les droits négatifs concernent les droits civils et politiques. Le caractère négatif fait référence à la non implication de l'Etat sur ses citoyens pour qu'ils puissent en jouir (le droit à la liberté d'expression, le droit de vote, le droit à l'intégrité physique et morale le droit de ne pas être torturé, ), contrairement aux droits positifs qui impliquent l'intervention de l'Etat pour que ses citoyens puissent en bénéficier (le droit à la sécurité, le droit à l'éducation, le droit au travail, le droit à la santé ). Pour ce qu'est des droits collectifs, ils s'intéressent au développement des personnes appartenant à des minorités, au droit à la paix, au droit à l'autodétermination des peuples, au droit des minorités Il est utile que l'ensemble de ces droits reposent sur le principe d'égalité et de non discrimination, et sont interdépendants. La Déclaration universelle des droits de l'homme est le premier texte qui proclame l'universalité des droits de l'homme. Elle y décrit 30 droits fondamentaux que les Etats signataires se sont volontairement engagés à respecter et à appliquer au sein de leur territoire. En plus de ce caractère d'engagement collectif, les Etats se sont astreints à des degrés divers à les rendre siennes en les désignant dans leur constitution, malgré le caractère non contraignant de l'engagement. Théoriquement, la Déclaration universelle des droits de l'homme est considérée comme un idéal vers lequel tendre, et n'est donc pas officiellement de nature obligatoire. Cependant, acceptés par tous, les droits inscrits dans la Déclaration sont aujourd'hui reconnus comme droit international coutumier. Une question s'impose quant au caractère non contraignant de la Déclaration des droits de l'homme. Les Etats ont-ils vraiment le choix de ne pas les prendre en considération ? Et encore, la prise en considération peut-elle n'être qu'au niveau du discours ? Les droits de l'homme peuvent-ils n'être que l'expression de bonnes intentions sans plus ? Sont-ils le subterfuge pour se donner bonne conscience, l'arbre qui cache la forêt ou simple phénomène de mode ? En Algérie, on se félicite de vouloir être un Etat de droit, de propager la culture des droits de droits, d'œuvrer pour leurs préservation ; et c'est tout à notre honneur. La constitution et les différents textes régissant la vie au quotidien s'y rapportent expressément et sans la moindre ambiguïté, reste à savoir quel impact cette volonté affichée trouve application sur le terrain ? Les avancées sur certains secteurs sont indéniables, pour d'autres très peu perceptible voire carrément insignifiant où une régression très préjudiciable est à signaler. Plus de détails sont présentés ultérieurement au fil de l'argumentaire et la présentation des faits pour plus de clarté et de cohérence dans les propos. En effet, tout observateur intègre concédera que l'Algérie a connu depuis l'indépendance un développement indéniable et parfois spectaculaire en ce qui concerne certains droits de première et deuxième génération ou droits négatifs et positifs les droits civiques, économiques et sociaux - le droit de vote, La démocratisation de l'enseignement, l'accès à la médecine gratuite, la politique du logement sont des marqueurs qui témoignent de cette avancée. Il est utile de préciser que cette embellie dans la rétrospective de l'histoire de l'Algérie indépendante est à considérer dans le cadre de son bilan réel loin de toute complaisance. Exercice non concerné par le présent article les bilans des différents scrutins, du système éducatif et de celui de la santé montrent des disfonctionnements et des rendements loin des standards d'efficacité et d'efficience. Malgré ce bémol, il n'en demeure pas moins qu'ils sont à inscrire comme réalisations, comme manifestations de promotion des droits de l'homme. Les évaluations et les appréciations reflètent les positions des uns et des autres, expriment les tendances en présence. Ne voulant pas en être l'écho et évitant de s'enliser insidieusement dans une quelconque querelle de chapelles instrumentales, je mets l'accent sur un seul aspect des droits de l'homme, je focalise sur l'interprétation et la manifestation des droits auxquels les justiciables sont censés être soumis voire en bénéficier. En parlant de justiciables, on fait généralement référence à la victime et à l'auteur de l'acte répréhensible. Une question nous interpelle : Qui d'entre la victime et le coupable en bénéficie ? Peuvent-ils mutuellement en bénéficier sachant qu'ils sont diamétralement opposés ? Répondre à ce questionnement n'est guère un exercice théorique, un luxe sans portée réelle, un débat de salon pour intellectuels en panne de thématique, à mon sens, il est à considérer comme une urgence, un travail d'investigation d'un réel qui ignoré menace sérieusement et sûrement les fondements de la société. Ce caractère d'urgence signalée et d'importance absolue exige de nous la prise en considération de toutes les précautions pour éviter les méandres du subjectivisme et l'inculture des idées toutes faites. Pour reprendre les différentes questions, théoriquement les réponses ne peuvent être que positives. Il est inconcevable qu'en parlant de droits de surcroît de l'homme, on décrète une quelconque injustice, on favorise une partie au détriment d'une autre, la logique, le bon sens, la morale à l'unisson concourent pour que les intérêts de tous soient préservés. Pourrons-nous être aussi catégoriques en ce qui concerne l'application sur le terrain ? Avec la promulgation de la démocratie comme voie structurante de la vie publique en Algérie, les droits de l'homme se sont vus propulsés au-devant de la scène, objectifs à atteindre et surtout indicateurs de l'existence de la démocratie elle-même. Ce caractère instrumental de la proclamation des droits de l'homme s'est effectué en urgence selon des circonstances empreintes de spécificités historiques dont l'exploration est édifiante à plus d'un titre, mais qui malheureusement ne peut être entreprise dans le cadre étroit de cet article car trop vaste pour pouvoir y être circonscrit. En effet, l'Algérie en adoptant les réformes structurelles s'est trouvée engagée dans un processus économique d'obédience libérale corolaire de système politique et idéologique basé sur la démocratie dont les fondements sont les droits de l'homme. Une analyse fine de leurs avènements permet de mettre en exergue que la proclamation des droits de l'homme dans les circonstances signalées n'était pas une fin en soi ; les décideurs de l'époque ne s'intéressaient pas aux droits parce que convaincus de leurs bienfaits mais parce qu'ils faisaient partie du lot, du pack indivisible de la démocratie, une sorte de vente concomitante que l'Occident imposait pour rescapés des affres du FMI. On se devait de faire la promotion des droits de l'homme, de les introniser comme référent structurel, de les décliner dans notre quotidien. Cette nouvelle approche a pris forme par la mise en place de textes de nature à concrétiser sur le terrain la culture et la pratique des droits de l'homme, qui incontestablement redistribue les rôles, les pratiques en redéfinissant les contours d'un nouveau modèle de société. Comme la préoccupation du présent article concerne uniquement les répercussions liées aux droits des inculpés (j'allais dire coupable) et des victimes, les autres formes, manifestations et domaines relatifs aux droits de l'homme sont ignorés. Notre attention axe sur les transformations que la mise en œuvre des nouvelles directives en la matière a exercées sur la perception des différents partenaires, sur le travail au quotidien de ceux qui ont la charge de la préservation des personnes et des biens, sur la portée des décisions de justice et leurs pouvoirs dissuasifs. L'observation au quotidien sans analyse approfondie permet de mettre en évidence que la mise en place de nouvelles dispositions concernant la manière d'agir des auxiliaires de justice dans la lutte contre la délinquance et la criminalité a considérablement avantagé les auteurs des actes délictueux, au nom de la présomption d'innocence et de la préservation de ces droits, le criminel de tout bord bénéficie d'une sorte d'immunité qui paralyse dans bien de cas l'action des représentants des pouvoirs publics. L'observation stricte et rigoureuse des textes et leur application, qui en principe doit être gage de légitimité, se transforme en écueils pour la préservation de la justice, une sorte de dérives qui conduisent à l'amalgame, à la confusion et le désordre. Les droits de l'homme en la matière en exigeant l'abolition de la torture, exigence que nous approuvons et qui ne doit souffrir d'aucune nuance ni exception, ont amorcé un processus que personne ne peut remettre en cause ou réfuter, ce qui par contre peut faire l'objet de bilan, d'évaluation, de débat serein et spécialisé c'est la manière d'être appréhendés, d'être appliqués. Parler des droits de l'homme de l'inculpé est en soi louable, légitime et sécurisant, mais ceci ne doit pas se faire au détriment de ceux de la victime. En effet, un auteur potentiel de délit de vol ou tout autre acte sachant que la seule peine encourue est la prison où les conditions de vie sont de plus en plus améliorées peut ne pas dissuader. La dimension dissuasion de la peine a perdu toute pertinence, la refonte du système carcéral est à adapter aux nouvelles exigences et configurations générées par les droits de l'homme le système pénitencier américain est édifiant à cet effet et pourtant on ne peut pas avancer que les USA ne sont pas une terre des droits de l'homme pour les Américains. Il est évident qu'il est difficile à faire admettre à une victime de viol, d'agression, de vol, d'enlèvement qu'on doit préserver et respecter les droits de l'auteur parce que c'est un homme , qu' on ne peut que le mettre en prison en veillant à ce qu'il manque de rien, que toutes les commodités lui soient accordées nourriture, hygiène, sport, distraction, formation Il est peut-être temps de repenser la forme et modalité du respect des droits de l'homme, non pas de remettre en cause, mais juste chercher l'équilibre, de donner au système une cohérence et une homogénéité qui préserve contre les dérives ; faire dans les extrêmes est à coup sûr contre-productif. La vie au quotidien est empreinte d'agressivité, un malaise quasi général est perceptible pour tous, la violence est banalisée, le rapt de l'espace public devient normatif, le recours en toute circonstance à la force et à la confrontation devient de plus en plus un caractère nous définissons, signe de dégénérescence et de risque d'éclatement que nous nous devons de s'en préserver. Pour y parvenir, le respect des règles élémentaires de la vie en communauté est nécessaire et indispensable, le respect de l'autorité qui se doit d'être légitime et pour l'être, elle doit préserver les droits de tous et veuillez à ce qu'ils s'acquittent tous de leurs devoirs. Il ne peut y avoir de droits que s'il y a des devoirs. *Docteur en psychologie des organisations et GRH