Enfin ! La Banque d'Algérie reconnaît avoir «déprécié» la monnaie nationale entre 2014 et 2016 pour faire face aux effets dévastateurs de la baisse des cours du brut. Une décision qui a en même temps fait flamber le cours des devises, notamment l'euro, sur le marché noir. C'est le gouverneur de la Banque centrale, Mohamed Loukal, qui l'a affirmé jeudi en marge d'un meeting africain sur l'économétrie. «Face à la détérioration des fondamentaux de l'économie nationale, la Banque d'Algérie a procédé à une dépréciation du taux de change du dinar vis-à-vis du dollar de près de 20%», a expliqué M. Loukal. Pour lui, «le taux de change a donc joué dans une large mesure son rôle d'amortisseur et de première ligne de défense» face aux effets catastrophiques sur l'économie nationale d'une baisse soudaine et de moitié des recettes des hydrocarbures dès juin 2014, et dans la foulée de la fiscalité pétrolière sur le budget de l'Etat. Le gouverneur de la Banque d'Algérie a souligné que la forte chute des prix du brut qui a commencé en juin 2014 avait eu un «impact considérable» sur les équilibres macro-économiques de l'Algérie, avec des déficits budgétaires de 15,3% du PIB en 2015 et 13,7% en 2016. Il faut remarquer que le terme utilisé par le premier responsable de la Banque d'Algérie est «dépréciation», mais cela équivaut à une dévaluation, puisqu'il explique clairement qu'il y a eu une action directe de la Banque centrale pour «déprécier» le dinar face au dollar. Entre 2013 et 2014, avec une hausse remarquable de la valeur des principales devises face au dinar, l'euro et le dollar, un démenti officiel avait été apporté aux rumeurs rapportées par la presse sur une dévaluation du dinar. Dans une intervention reprise sur le site officiel du ministère, le ministre des Finances de l'époque, Karim Djoudi, avait notamment affirmé que «la Banque d'Algérie ne peut pas, en tant que telle, procéder à une dévaluation du dinar. La dévaluation est une décision du Gouvernement qui doit avoir l'aval du Parlement». «Ce qui se passe par contre sont des fluctuations-appréciations ou dépréciations du dinar sur la base d'une observation continue du marché international», a-t-il précisé. Il poursuit que «si la dévaluation constitue un phénomène définitif, voire structurel, la dépréciation d'une monnaie est un phénomène cyclique, qui peut durer une journée, deux ou trois jours avant qu'une évolution dans le sens inverse puisse être opérée». Le gouverneur de la Banque d'Algérie a rétabli une vérité sur les tabous de la finance algérienne, dont la dévaluation est devenue «un secret d'Etat», comme dans les années 1990, avec le rééchelonnement de la dette extérieure, qui était d'actualité dans les principales places financières, sauf en Algérie. Par ailleurs, la baisse des recettes pétrolières a induit également «une fonte» des réserves de change, a expliqué M. Loukal en les situant actuellement à 108 milliards de dollars contre 114,1 md usd à fin décembre 2016 et 121,9 md usd quatre mois auparavant. Après avoir atteint les 195 milliards usd à fin mars 2014, les réserves de change de l'Algérie ont commencé, depuis, à décliner, passant de 193,27 md usd à fin juin 2014, puis à 185,27 md usd à fin septembre 2016. Entre 2006 et 2013 la courbe des réserves de change était ascendante, au plus fort d'un baril entre 120-140 dollars. De 77,8 md usd à fin 2006, elles passent à 110,2 md usd à fin 2007, puis à 143,1 md usd à fin 2008, à 147,2 md usd à fin 2009, à 162,2 md usd à fin 2010, à 182,2 md usd à fin 2011, à 190,6 md usd à fin 2012 et à 194 md usd à fin 2013. Le «pic» étant atteint, le matelas de devises du pays a commencé à se dégonfler à partir de juin 2014, sous le double effet d'une hausse vertigineuse des importations, jusqu'à 60 md usd et une chute vertigineuse des recettes pétrolières, à moins 40 md usd en 2015. L'autre effet de la baisse des recettes pétrolières sur l'économie nationale s'est traduit par des déficits de la balance des paiements et une contraction des ressources des banques, réduisant la liquidité bancaire de près de 67% en deux ans, a souligné M. Loukal. Il a rappelé que cet état critique de l'économie nationale a pu être géré convenablement avec une certaine aisance financière, grâce au Fonds de régulation des recettes (FRR), mis en place dans les années 2000, notamment pour développer une ligne de défense contre les chocs financiers externes. Cette épargne avait en 2014 atteint 70 milliards de dollars, et a permis de financer la totalité des déficits de 2014 et de 2015 et partiellement ceux de 2016, a expliqué M. Loukal. Dans le même temps, les dépenses publiques étaient en hausse et le PIB continuait de croître à un rythme de 3,8% en 2015 et de 3,5% en 2016. Pour autant, le gouverneur de la Banque d'Algérie rappelle que «l'économie algérienne fait face à un double défi, celui des ajustements pour rétablir les équilibres et la stabilité du cadre macroéconomique, ainsi que la diversification de l'économie» nationale.