Les déclarations du premier responsable du RND, second parti dans l'échiquier politique algérien, proche du pouvoir, s'il n'est pas lui-même une partie immergée du pouvoir, sur les migrants subsahariens en Algérie étonnent. Car Ahmed Ouyahia, une des personnalités algériennes la plus constante dans sa démarche politique de ces 20 dernières années, n'est pas homme à faire des déclarations à l'emporte-pièce. Il a toujours des réponses aux questions qui fusent çà et là sur le contenu ou les sous-entendus de ses déclarations. Samedi, il a fait des déclarations pour le moins étranges, sinon inexplicables, à chaud, venant de la part d'un homme à double casquette, même si ses propos ont été faits au siège du parti et non comme directeur de cabinet du chef de l'Etat. Ouyahia raciste ? Ouyahia xénophobe ? Ou bien les deux à la fois ? Dans le fond de ce paradigme politique que veut se construire Ouyahia sur le dossier des migrants, on sent parfaitement les contours d'un avertissement adressé à la politique migratoire que veut prendre le gouvernement de Tebboune sous la pression internationale et de lobbies algériens. Ouyahia, en déclarant la guerre à 'l'anarchie'' à travers cette volonté du gouvernement d'octroyer des cartes de séjour aux réfugiés subsahariens, leur ouvrant le droit au travail, met en garde, en invoquant la sacro-sainte souveraineté nationale, ce même gouvernement sur les conséquences d'une telle démarche populiste censée améliorer l'image de l'Algérie auprès des instances internationales de défense des droits humains. En fait, la réalité dans ce dossier des migrants est pourtant du côté d'Ouyahia, car s'il a parlé de 'crimes, de trafic de drogue et d'autres fléaux'', il en a les preuves, et que ne démentirait pas Saïda Benhabyles, présidente du Croissant-Rouge algérien (CRA), qui a évoqué fin juin dernier les réfugiés subsahariens, 'jugés et condamnés pour dépassements, de crimes et de trafic de drogue '. L'accusation n'est pas fortuite, même si elle a pris des contours politiques qui dépassent le RND et mettent sur la sellette le gouvernement. Car Ouyahia ne se contente pas de réclamer pratiquement l'abandon par le gouvernement de son projet de 'régulariser'' les Subsahariens en situation illégale et de leur donner l'opportunité de travailler, mais pointe du doigt les politiques migratoires de l'Europe, qui tente de contenir les flux de migrants en exerçant de terribles pressions politiques sur les pays de la rive sud de la Méditerranée dont l'Algérie. La posture d'Ouyahia, même si elle est «condamnable» car ouvrant la voie à tous les excès contre les Subsahariens, est générale, une vue d'ensemble du phénomène des migrants en Algérie. En cela, il a troqué les habits d'un leader politique pro-gouvernement, pour celui d'un opposant à l'intérieur même du système, en déclarant la guerre aux migrants et à la politique 'assimilationniste'' du gouvernement. Ouyahia n'est pas seul dans cette posture et ne ferait qu'exprimer le ras-le-bol de certains milieux influents, qui tentent de faire faire au gouvernement machine arrière dans sa gestion du dossier des Subsahariens. En clair, le message d'Ahmed Ouyahia, et peut-être de certaines officines proches des centres de décision, est que le gouvernement Tebboune ferait une grave erreur s'il persiste à légaliser une présence illégale et coûteuse des Subsahariens et, pis, octroyer une carte de séjour à des réfugiés qui ne le sont pas. Le reste, Ouyahia le laisse pour les ONG des droits de l'homme, qui pourront le critiquer à loisir. Autre fait à méditer : une déclaration contre les migrants au siège du RND, qui tombe comme une commande à travers une chaîne TV.