Le processus lancé par la commune d'Oran pour la création d'établissements publics internes, au statut d'EPIC ou de Régie, évolue par à-coup. Annoncés fin décembre 2016 au détour d'une session APC puis actés par voie de délibération communale, ces établissements municipaux n'ont toujours pas vu le jour. Renseignement pris hier auprès du cabinet du maire Noureddine Boukhatem, «le mécanisme est en phase préparatoire, avec les démarches, les procédures et les actes préliminaires à la mise en place de ces établissements communaux». Pour un dossier dont on disait en plénière «prioritaire et urgent», la concrétisation est très discutable. Elle n'est pas à la hauteur des effets d'annonce, en tout cas. La lenteur enregistrée dans la mise en œuvre du dispositif ne fait que conforter dans leurs préjugés les suspicieux quant à l'aboutissement de cette démarche, y compris ceux parmi l'Assemblée élue et le staff exécutif, qui se sont affichés dès le jour d'annonce comme ceux qui ont préféré s'exprimer sous couvert de l'anonymat. Certes, il n'y a eu aucune échéance avancée pour la mise en place et l'entrée en matière de ces établissements publics communaux, dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière, mais le discours officiel d'alors laissait entendre que c'était une affaire de quelques semaines, tout au plus, tant il soulignait en gras le caractère «éminemment urgent» de l'opération et insistait sur la célérité d'action dans le passage à l'acte. Mieux, les directeurs qui devaient prendre en charge les destinées de ces EPIC et Régies ont été désignés, tout comme les composantes des conseils d'administration respectifs ainsi que les sièges administratifs. A 3 MOIS DE LA FIN DU MANDAT, ON NE VOIT RIEN VENIR A trois mois de la fin du mandat - à quelques jours près - on peut dire que le compte à rebours est déjà déclenché. Sans préjuger de l'avenir, chaque jour qui passe sans voir venir au monde ces instruments, c'est un basculement de plusieurs degrés de plus vers le doute et l'incertitude quant à la création effective de ces établissements. Selon des sources concordantes et bien au fait du dossier, au plan administratif et technique, «rien ne peut justifier tout ce temps mis dans la mise sur pied de ces établissements internes, qui sont prévus par le code des collectivités territoriales en vigueur à travers ses articles 153 et 154, qui stipulent que pour la gestion de ses services publics, la commune peut créer des régies ou des établissements publics communaux à caractère administratif ou industriel et commercial, dont les règles d'organisation et de fonctionnement sont fixées par voie réglementaire». Selon les mêmes sources, «dès lors qu'il y a eu aval de la tutelle, qui n'a émis aucune réserve ni de fond ni de forme sur les délibérations portant création de ces établissements communaux, le reste n'était que de menus détails techniques: rédiger des statuts juridiques, désigner des conseils d'administration et des directeurs, élire domicile pour ces organes, ce qui ne veut aucunement dire les loger dans des bâtiments neufs et équipés de tout, les doter de petits moyens personnels et matériels rien que pour le démarrage, d'une petite subvention en guise de fonds de roulement de départ et d'un plan de charges, et le reste viendra au fur et à mesure». Et d'ajouter sur un ton ironique: «Ce n'est pas du nucléaire, mais juste de petites entités communales, aussi faciles à mettre sur pied qu'une microentreprise ANSEJ ou CNAC». LA « LENTEUR » DECRIEE PLUS DE L'INTERIEUR QUE DE L'EXTERIEUR Il faut rappeler que la création de ces établissements internes relevait, d'après le discours officiel du moins, du processus d'autosuffisance budgétaire et d'autonomie économique lancé par l'APC d'Oran. La session tenue le 22 décembre 2016 a en effet vu l'approbation par voie de délibération par l'assemblée générale de projets de création de cinq entités communales, à savoir: trois établissements publics à caractère administratif ou industriel et commercial (EPIC), pour les activités de tri sélectif et de recyclage, la démolition et la récupération, l'entretien de la voirie urbaine et la signalisation routière, ainsi que deux régies communales, dont une pour le recouvrement des recettes et l'autre pour l'art et la culture, sachant que la délibération relative à cette dernière régie a été approuvée lors d'un précédent exécutif. Au sein de l'équipe de Boukhatem, on ne fait pas mystère des raisons à l'origine de ce choix. La commune d'Oran estime en effet que ce serait de l'argent jeté par les fenêtres que de sous-traiter les services, pour lesquels elle entend créer ces entités internes, avec des sous-traitants - qu'ils soient publics ou privés -, au moment où il est demandé plus que jamais à la collectivité publique d'être près de ses sous. Les cas des deux EPIC faisant dans l'enlèvement des ordures ménagères et dans l'éclairage et la signalisation, Oran Propreté et Oran Ermes en l'occurrence, dont le rendement, la qualité du service et le mode de facturation sont fort décriés par la commune d'Oran, mais pas seulement, sont un élément majeur dans la décision de l'exécutif communal de Boukhatem à faire croix sur l'option «incongrue» des contrats-programmes avec des EPIC, qui «n'ont pas les moyens de leur plan de charges et sont plus promptes à notifier les additions qu'à faire leur boulot». DES EPIC INTERNES POUR EVITER UN REMAKE DU SCENARIO« A LA SEOR » Au débat ayant précédé le vote à main levée pour l'approbation de ces délibérations, le directeur de la commission des finances, dans ce qui s'apparentait à un plaidoyer en faveur de ces investissements «en interne», a fait un petit retour dans le temps, 10 années auparavant, pour dire tout le mal qu'il pensait de l'acte, à la limite du pillage selon lui, ayant permis alors au nouveau-né SEOR de s'approprier, sans formalité aucune, d'un gros lot du parc roulant municipal et autre matériel de DHA et de DVC. «Ce cas est plein d'enseignements. En 2008, la commune d'Oran a été carrément sacrifiée pour ravitailler une société par actions à l'état embryonnaire, qui a absorbé un sacré lot d'outils de travail de l'APC au nom de l'utilité publique et l'intérêt suprême de la wilaya. Nous ne sommes pas, loin de là, contre le principe lié à l'amélioration du service public lié à la gestion de l'eau potable et de l'assainissement. Mais qu'on ne prélève pas un organe d'un être vivant qui en a vitalement et fonctionnellement besoin pour le greffer sur un autre corps, qui de plus est appelé à se développer lui-même par lui-même. Dix ans plus tard, la politique actuelle de notre gouvernement, axée sur la commune de base à tous les égards, est une preuve, si besoin en est, de la maladresse d'une telle décision, qui n'est pas malheureusement un cas isolé dans l'histoire de la commune d'Oran», a souligné de son côté un vice-président.