«Le «Bismillah» est un simple titre tout comme :«La République Algérienne Démocratique et Populaire.»... On peut le suprimer.»(Bouabdallah Ghlamallah, président du Haut Conseil Islamique, cité par le quotidien Echourouk, 12 septembre 2017) Tout d'abord, lorsqu'on veut restaurer un vieux bâtiment qui menace ruine, on ne commence pas par remplacer sa porte d'entrée vermoulue par une porte d'occasion, et par couvrir avec du ciment frelaté les trous béants qui parsèment ses murs. Esquiver les vrais problèmes ne les fait pas disparaitre On doit se demander, en premier lieu, s'il est réparable, ou s'il faut le démolir complètement et le remplacer à partir de ses fondations mêmes. Ensuite, pour panser les blessures de ceux sur lesquels sont tombés les gravats de ce bâtiment, le chirurgien est préférable au rhétoricien . Traiter le problème, comme si c'était une simple question d'esthétique extérieure ou de changement de rhétorique, ne va pas aider à le maintenir debout. Repeindre les façades ne prolongera même pas sa durée de vie. La restauration superficielle du bâtiment est une vaine entreprise. C'est pourtant ce type de démarche qu'ont choisi les autorités publiques face à une crise dont elles viennent seulement de «découvrir l'ampleur,» alors qu'elles ont en nié, pendant une décennie, l'existence avec consistance et persistance. Pourtant, il n'y a eu ni changement de régime, ni alternance au pouvoir, permettant d'expliquer pourquoi il a été décidé, il y a quelques trois semaines de cela, que «ça allait vraiment mal.» Malgré cette reconnaissance, si tardive soit-elle, ces mêmes autorités tentent encore de fausser les données réelles de la situation et de porter le débat sur les conséquences, et non sur les causes profondes de cette crise, dont l'ampleur est enfin reconnue, mais non assumée. La plus évidente de ses causes est l'ouverture économique effrénée, accompagnée de l'intensification de la distribution de la rente, et de bouleversements dans la structure sociale du pays, qui ont changé les données de base du système politique. La crise est économique, ses conséquences sont financières Cette politique, qu'on peut qualifier d'opportuniste, incompétente, incohérente, improvisée, et même d'irresponsable, quoiqu'elle ait été couverte, par les sycophantes de tout titre et de toute fonction, qui tiennent le haut de la pyramide du pouvoir, du qualificatif de «programme du Président,» est loin d'avoir assuré au pays une nouvelle structure économique, fondée essentiellement sur la production de biens et services utilisant le potentiel national: elle a, au contraire, stérilisé ce potentiel, et a facilité l'émergence d'une classe de «prédateurs» qui, grâce à sa proximité des réels détendeurs du pouvoir , a tiré avantage de cette politique de libéralisation sans limite, et a acquis une prééminence visible dans le gouvernement du pays. Cette classe ne veut dans la politique économique aucun changement qui réduise son influence sur la distribution de la rente pétrolière, plus ou moins réduite , ou qui mette en péril ses fortunes mal acquises. On constate, à lire les documents officiels portant sur les mesures de «redressement,» à venir qu'elle a réussi son pari de faire porter aux Algériennes et Algériens le poids de ces mesures. Qu'on se le dise bien: substituer la planche à billet à une politique de redressement des finances publiques allant au fonds des conséquences de la libéralisation sauvage, va dans le sens des intérêts des prédateurs, qui jouissent des moyens leur permettant de tourner à leur avantage l'inflation que l'émission monétaire sans contrepartie de production va accélérer, inflation déjà, selon les données officielles, triple de l'inflation mondiale. Une politique de redressement qui ressortit de la comptabilité On s'attendait à une attaque frontale contre les mécanismes qui ont conduit à la désindustrialisation et on permis à cette classe d'émerger comme force politique encore plus puissante que les partis «officiels.» Or, au lieu d'une politique visant à mettre un frein à cette prédation, voici qu'on dirige l'action vers un redressement qui ressortit plus de la comptabilité que de l'économie, qui substitue à la rente pétrolière la «rente monétaire,» encore plus dangereuse, et reflet de la capacité de l'Etat de créer arbitrairement de la monnaie non soutenue par une contrepartie en production, et qui laisse les prédateurs continuer à imposer leurs lois, au détriment de l'intérêt national bien défini. Pourtant, la réalité «commerciale» est là pour prouver la stérilité de cette classe et dicter des mesures dirimantes visant à corriger les incohérences de la politique économique qui a permis la naissance et le fleurissement de cette classe. On peut rapidement tester cette réalité en entrant dans n'importe quelle «grande surface,» ou «superette,» pour ne s'en tenir qu'aux aspects les plus visibles de cette stérilité qui frappe l'appareil de production national, pourtant ouvert aux lois du marchés et à l'initiative privée depuis maintenant prés de trente années. Ce n'est certainement pas en diversifiant la production nationale que cette classe de prédateurs a fait son argent! Alors que les ressources financières du pays s'amenuisent depuis ces neuf dernières années, ces super riches, jouissant de complicités dans le système de gouvernement, ont accumulé des fortunes immenses en dinars et en devises, sans contribuer au développement du potentiel de production et de diversification de l'économie du pays. L'influence de la classe des prédateurs fausse les fondements d'une vraie nouvelle politique économique L'influence de cette classe, quel que soit le nom qu'on veut lui donner, a dépassé la sphère économique, comme le prouve la tourmente que traverse le gouvernement, et il semble bien qu'elle exerce un certain contrôle sur l'appareil d'Etat, dont elle inspire les décisions les plus importantes dans la vie du pays. La volonté de statuquo, reflétée par la décision de mettre l'accent sur le redressement financier par la création monétaire arbitraire, ligne d'action suicidaire dans cette période de crise économique, et en dépit de l'urgence de mesures de correction économique profondes, révèle l'influence dominante de cette classe de prédateurs. Ils ont pourtant amplement prouvé qu'ils ne sont pas de la graine des entrepreneurs qui innovent et enrichissent leur pays tout en bâtissant leur fortune, tels les Krupp, les Thyssen, les Michelin, les Renault, les Rockefeller, les Bill Gates, les Steve Jobs, les Lee qu'ils soient de Singapour, de Séoul ou même de Pékin. Le cerveau du prédateur est dans ses dents Par définition et par nature, le prédateur n'est ni innovateur, ni créateur, ni même adepte du risque; Il est à l'affut, cherchant les occasions d'accroire sa fortune rapidement, exploitant tant ses accointances avec les hommes de pouvoir, que les failles des politiques de libéralisation sauvage. Le prédateur ne crée pas de richesses; il s'accapare de la richesse provenant de la rente pétrolière, et bientôt de la rente monétaire, sans contribuer de quelque manière que ce soit au progrès technologique et à l'avancement du peuple algérien dans la hiérarchie des Nations. Le prédateur veut, en fait, saigner à blanc cette victime qu'est l'Algérie. Il aime la dépendance extérieure extrême et la fragilité de la souveraineté nationale, car elles lui garantissent l'accroissement de son enrichissement, et la protection de ses richesses mal acquises. Les cerveaux des prédateurs sont dans leurs dents, et leur abandonner la gestion des affaires économiques du pays, comme cela apparait de plus en plus évident, lui enlève définitivement toutes chances de se transformer en une nouvelle Corée du Sud, une nouvelle Taiwan, une nouvelle Malaysia, et lui ouvre, au contraire, la voie vers le désordre permanent et la misère généralisée des «pays faillis Une politique «politicienne,» plus qu'une politique de redressement Cette nouvelle classe assure la survie d'un système politique à bout de souffle, que ses détenteurs, -ne parvenant pas à se créer une nouvelle source de légitimité plus appropriée à l'évolution de la société algérienne,- ont laissé se former et se renforcer, jusqu'au point de lui donner, comme manœuvre ultime pour assurer leur propre survie, une influence décisive dans la gestion des affaires du pays. Sûrs de leur pouvoir et de leur impunité, les prédateurs osent même se transformer en «maitres-chanteurs,» menaçant de créer des pénuries artificielles, lorsque leurs intérêts personnels sont immédiatement menacés par des réactions, même trop tardives, de correction de la part des autorités officielles du pays. En conclusion, il est temps, probablement de se demander si la fameuse devise «lincolnienne», adoptée d'antan, continue à être le socle solide sur lequel reposerait le gouvernement du pays, et qui lui servirait de source d'inspiration et de ligne directrice, mais qui devient un slogan creux et trompeur avec la montée programmée en puissance de la nouvelle classe des prédateurs. Forts du rôle qu'ils jouent dans ce périlleux «équilibre des appétits,» qui sert de philosophie de gouvernance, les prédateurs ont-il réussi la gageure de substituer, de manière subreptice, à la fameuse devise, la devise plus appropriée à leurs desseins, et qui est : «Des Prédateurs, par les prédateurs, pour les prédateurs?» Un dernier mot: Qu'on se le dise bien, et qu'on se le répète: il n'y a pas de grands entrepreneurs en Algérie, il n'y a que des grands prédateurs. Malheureusement, dans ce contexte de déliquescence économico-politique, si c'est vital pour eux, c'est que c'est mortel pour le reste du pays!