Souvenirs, souvenirs ! Il était une fois à Tébessa. En prêtant son oreille à une quelconque discussion, on a l'impression qu'un certain sentiment de nostalgie plane sur les conversations. Un remake d'une époque révolue, plus ou moins lointaine, chez une catégorie de personnes, d'où l'on ressort des personnages tantôt décédés, tantôt qu'on ne les voit plus, des lieux éradiqués de la carte, des dates évocatrices d'événements heureux ou malheureux, enfouis dans l'oubli. Ainsi, les gens replongent dans les méandres du passé, pour se ressourcer ou se rappeler. En fait, c'est une fuite en « arrière », qui ne dit pas son nom, d'une actualité trop chargée. Par nécessité et par le truchement des souvenirs déterrés, on fait dans la rétrospective, « rappelez-vous, ammi Tahar qui venait s'asseoir chez le coiffeur Mohamed, Allah yarhamhoum tous les deux. Tahar était une « ch'kara » d'anecdotes, les unes plus drôles que les autres, joyeux, il nous égayait de ses histoires » et puis le laitier du coin, lui aussi disparu, sera évoqué par ses anciens clients « il accepta toutes les remontrances, sans broncher », dira de lui le vieux Messaoud, assis devant son ami de toujours Tayeb, en train de siroter son thé quotidien, au café Essaâda, un endroit chaleureux de la vieille ville de Tébessa. Certains monuments et vieilles bâtisses, ces boutiques désertées de la cité sont à leur tour passés en revue, des endroits pleins de nostalgie pour beaucoup de citadins. De nos jours, la donne a changé et les choses ont pris une autre tournure, les gens se fuient et les relations sont devenues précaires et distancées, voire tendues. Quelque part, dans un moyen de transport ou sur une terrasse du café, au cours d'une balade dans les ruelles pittoresques du centre-ville, certains retrouvent par enchantement ce besoin, le temps de faire une escapade dans le passé, une époque où tout ou presque était simple et simplifié, une vie rudimentaire, mais saine, selon les avis. A vrai dire, ce retour à travers la machine à remonter le temps, notre fertile mémoire, une sorte d'échappatoire, pour oublier un instant les difficultés d'une quotidienneté saturée, où les impondérables sont légion, où il est ardu de se situer dans une conjoncture aléatoire, trop pessimiste, diront les autres. Et son interlocuteur lui répond sur un ton encore plein de nostalgie, «le cheikh prédisait tout cela déjà, la malvie et les incertitudes !».