Image ■ Avec ses murs décrépis, ses ruelles humides et ses terrasses qui portent loin sur la mer, la Casbah d'Alger offre toujours ce qu'elle a de plus beau de son histoire millénaire: le café Malakoff, où résonnent encore aujourd'hui les voix mélodieuses des maîtres du chaabi. Par la rue de Bab El Oued, dans la basse Casbah, on va directement vers ce café mythique du vieil Alger, où se donnaient rendez-vous chaque soir des noms illustres du chaabi : Hadj M'rizk, El Anka, Titiche, El Ankis, Boudjemaa Ferguène ou Mohamed Gamba. Le café Malakoff était le lieu culte des jeunes mélomanes de chaabi, mais surtout servait tout aussi bien aux grands maîtres du chaabi qu'à la génération montante de cette musique urbaine typiquement algéroise, plus tard elle sera reprise à l'ouest du pays (Mostaganem et Oran), puis vers le Maroc, notamment à Casablanca, de se rencontrer. Aujourd'hui, ce café mythique de la Casbah des années 1950-1960, qui a par ailleurs servi aux moudjahidine et aux Moussebiline de la Zone autonome d'Alger, n'est plus qu'un simple café hors du temps, vestiges d'une époque qui s'estompe, que visitent des nostalgiques du chaabi. Des photos de chanteurs célèbres jaunies par le temps, des objets souvenirs sont collés aux murs, et des images d'Alger du début du siècle, exposées aux visiteurs et aux curieux, qui, le temps de siroter un thé à la menthe ou au citron, se replongent dans cette atmosphère si particulière du monde de la musique chaabi au temps des grands maîtres du genre. Dans la basse Casbah, près de la rue Médée, où trônait le café du Widad Athlétic de la Casbah (WAC), il y avait, à l'opposé du café Malakoff où se rassemblaient les soirs d'été les chanteurs du chaabi mais également d'autres genres musicaux, le célèbre café des «F'nardjia» (allumeurs de gaz). Ces travailleurs de la mairie d'Alger se rencontraient dans ce café proche du marché de la rue de la Lyre (actuelle rue Bouzrina), chaque fin de journée, y prenaient un thé avant d'aller avec leurs longs becs à gaz allumer les lampadaires du front de mer, de la Grande Poste à l'ex-rue de la Marine, près de l'Amirauté. «Aujourd'hui, il ne nous reste que la nostalgie de ces cafés du vieil Alger, qui bruissaient de mille voix, de marins racontant leurs aventures aux quatre coins du monde, aux musiciens qui y venaient le soir échanger des Q'cidates, ou apprendre auprès des cheikhs», lance Hassan, un natif de la rue du Diable, dans la haute Casbah. Sur le front de mer d'Alger, «il reste cependant quelques bribes de ces temps perdus, de ces moments de bonheur qu'on prenait à prendre un thé, en face de la baie et du port, après une dure journée de travail», tempère-t-il. Le café Tlemçani, même s'il a perdu de son lustre d'antan, est là, encore présent pour représenter «cette belle époque où ses clients venaient en costume cravate se détendre sur la terrasse», et, surtout, «profiter de la brise marine en été pour respirer les mille et une odeurs de la ville, bercé par «Lehmam» d'El Anka, où les satires de Mohamed Touri. Aujourd'hui, épave parmi les épaves, le café Tlemçani n'est plus qu'une relique d'un passé que certains vieux algérois ne veulent pas oublier, un lieu qui leur rappelle que des moudjahidine, comme Rabah Bitat, avaient fait de ce café un lieu de rassemblement des militants de la «ZA». Un peu plus bas sur le boulevard, il y avait le café Gourari, qui battait le rappel dans les années 1980 et 1990 des vieux algérois, des gens de la Casbah, des nostalgiques du chaabi et des supporters des vieux clubs algérois. A l'opposé, à la rue Didouche Mourad, à la rue Larbi Ben M'hidi, ou la rue Hamani, c'est une autre faune qui peuplait des cafés et des glaciers particuliers, dont certains font partie de l'histoire de la révolution armée.