Le café Essaâda est l'un des nombreux cafés cernant la cour ex-Carnot, aujourd'hui place de la Victoire, au centre de l'ancienne ville de Tébessa. Chacun de ces établissements a sa propre histoire, relatant d'innombrables évènements de presque un siècle, chacun a ses senteurs le caractérisant, ses personnages inamovibles, ses habitudes. Essaâda offre au visiteur, sous la conduite de son tonitruant gérant Chaouki, des moments de délice, le bonhomme et sa disponibilité et ses sollicitudes, rien que pour satisfaire aux désirs de ses fidèles clients, le connaissant parfaitement, ceux-ci trouvent toujours le moyen de le taquiner, en l'interpellant par le sobriquet de « ya ghoul ». Essaâda », c'est aussi l'endroit idéal pour se projeter dans le passé, remémorer, se ressourcer auprès de personnes à la mémoire fertile, un retraité de fonction publique, un enseignant qui vous parlera de ce qu'était l'école, un ancien maire qui vous indiquera comment il gérait la municipalité et ses prérogatives, de nos jours disparues. Ici, on retrouve de toutes les franges sociales de l'Algérie profonde, pas de discrimination, une ambiance festive et conviviale, on y vient chercher un instant de repos, déguster son café, autour de soi une atmosphère d'un microsome parfait où tous se sentent bien, une chaleur humaine qu'on ne trouve nulle part ailleurs. C'est l'hiver, dehors, il fait un froid glacial, la salle du café est déjà pleine comme un œuf, on s'empresse autour du comptoir, on fait sa demande au cafetier, les jeunes serveurs, Yacine, Aouar ou encore Salah, font de leur mieux. D'autres clients attablés fixent l'écran de la TV, les yeux rivés sur des images de guerre du drame de Syrie, les commentaires vont bon train. Le regard évasif, d'autres mettent à profit leurs rencontres pour évoquer leur quotidienneté souvent difficile, les charges de la vie, sa cherté et ses imprévisibles. Pendant ce temps-là, nos amis cruciverbistes sont occupés à scruter la grille des mots croisés de Cherifa Benghani. L'établissement, lui, continue de recevoir ses clients, la longue journée s'étale, une certaine routine s'installe, notre autre ami Bassem fait son apparition, avec son ton de plaisantin invétéré pour commenter l'actualité. Un lieu tout désigné pour replonger dans le temps, les gens, ceux qui se disent de vrais citadins retournent sur leurs traces, pour remettre au goût du jour, une séquence de ce qu'était leur cité, avec un brin de nostalgie d'une époque révolue.