«Ce sont les entreprises qui créent la richesse et les emplois durables dont ont besoin nos concitoyens et pas les administrations publiques », a réagi, hier, le cercle d'action et de réflexion, autour de l'entreprise (CARE), au sujet des dernières mesures prises par le gouvernement pour faire face à la crise financière. Dans un document, transmis à notre rédaction, le CARE estime qu'à la base, le problème pointé du doigt depuis longtemps par l'ensemble des analystes de l'Economie algérienne tient dans un modèle de croissance trop fortement axé sur la dépense publique et sur l'investissement dans les infrastructures ou dans le secteur des hydrocarbures, et force est de constater, que même lorsque le prix du pétrole était au plus haut et que les ressources financières étaient abondantes, l'industrie - hors pétrole et gaz - ne représentait que la portion congrue (2 à 3%) de l'effort global d'investissement du pays. «Il n'est pas exagéré de considérer que la diversification de l'Economie n'a jamais, vraiment, figuré au rang des priorités de nos décideurs économiques et, dans ces conditions, l'enjeu des déséquilibres actuels du budget de l'Etat prend son véritable relief, celui d'une grave crise de la gouvernance publique », analyse la même source qui soutient qu'en d'autres termes, quelles que soient les solutions qui seront retenues, pour sortir de l'impasse budgétaire dans laquelle sont plongés, aujourd'hui, les comptes publics, elles n'aideront d'aucune manière, à renouer avec un processus de croissance sain et ne pourront offrir de voie de sortie de la crise profonde qui touche l'Economie algérienne. Le faux débat, qui semble être entretenu sous-couvert de dénominations techniques inappropriées (financement non conventionnel ; « quantitative easing » ; rachat des créances du Trésor, etc.) pour désigner ce qui n'est rien d'autre qu'un financement monétaire du déficit du Trésor public (ou planche à billets), n'a pas de réelle consistance estime, encore, cette organisation qui souligne, en ce sens, que c'est une confusion totalement malvenue que de relier ce financement monétaire avec les instruments traditionnels à travers lesquels l'institution d'émission intervient dans le financement de l'Economie. « La Banque centrale algérienne, à raison, ne s'en est pas privée depuis les trois dernières années, que ce soit à travers le taux de réescompte et le refinancement des banques primaires ou à travers le taux de réserve obligatoire qui a été abaissé à deux reprises pour être porté d'abord de 12% à 8%, puis de 8% à 4% », note le document qui ajoute, plus loin, que le débat peut apparaître, au premier abord, comme tout à fait surprenant, sachant que cela fait au moins 12 années, déjà, que le budget général de l'Etat algérien est voté régulièrement avec un déficit, extrêmement élevé, dépassant, à chaque fois, les 10% du PIB. « Le fait est que depuis l'institution du FRR (Fonds de régulation des recettes) à partir de l'année 2000, une partie de plus en plus substantielle de la fiscalité pétrolière était soustraite aux recettes du budget, pour être logée dans un compte spécial du Trésor, en vue, croyait-on, de les préserver à l'usage des générations futures », rappelle le CARE qui souligne, également, qu'à partir de l'année 2006, la possibilité fut ouverte de consacrer les ressources de ce même FRR au financement du déficit du Trésor public, ce qui a donné lieu à ce mode alambiqué de gestion des comptes publics, consistant à créer artificiellement un déficit du budget pour procéder, par la suite, à son effacement, à travers un simple jeu d'écriture. « C'est peu dire que toute cette machinerie, inutilement, complexe n'a pas vraiment contribué à la transparence de la gestion budgétaire nationale », de l'avis de l'organisation qui note, dans le même cadre, que l'élément nouveau qui survient brutalement sur la scène politique et économique nationale, depuis quelques semaines, c'est que, pour la première fois, l'artifice ne peut plus opérer dans la mesure où les autorités économiques ne disposent plus des moyens de couvrir les dépenses de l'Etat et se sont trouvées confrontées à une véritable impasse budgétaire. En effet, poursuit le CARE, le recours au FRR n'est plus praticable, ses ressources ayant fini par être totalement épuisées, au cours de cette année 2017 ; l'accaparement des bénéfices consolidés de la Banque centrale (montant provisionné estimé à 1.663 Mds de DA au 1er janvier 2016) par le Trésor public, qui a été autorisé par l'article 97 de la loi des Finances pour 2017, n'est pas une opération renouvelable ; l'expérience de l'emprunt national effectuée, en 2015, a montré ses limites et a contribué, surtout, à mobiliser les ressources disponibles dans les banques publiques ; la levée de fonds via la Bourse d'Alger n'est pas envisageable, à ce stade, sachant la faiblesse regrettable de cette institution ; malgré quelques déclarations, en ce sens, la mobilisation des ressources de l'informel semble être une voie sans issue, tout au moins dans le court terme ; enfin, le recours à l'endettement externe, outre qu'il est exclu par les autorités elles-mêmes, est sujet à des conditionnalités contraignantes et ne saurait servir à couvrir un déficit budgétaire. Le CARE estime que les perspectives qui se déclinent derrière les déséquilibres actuels de la gestion du budget de l'Etat et le choix déraisonnable du recours au financement budgétaire de déficits, de plus en plus, abyssaux sont loin d'être rassurantes. « La seule attente implicite qu'on y décèle est celle d'une remontée hypothétique et hautement improbable des prix pétroliers sur le marché mondial, une hypothèse qui, dans le meilleur des cas, ne ferait que reculer l'échéance d'une dérive qui mènera, tout droit, à l'ajustement structurel sous la direction d'institutions financières étrangères.