Les pays européens, en verrouillant leurs frontières aux migrants, en payant les pays de transit comme la Libye pour jouer le rôle de gendarmes, sont les premiers responsables de la résurgence d'un phénomène que tout le monde croyait disparu: l'esclavage et la traite des êtres humains. En fermant leurs frontières, ils sont responsables d'une véritable infamie. Le reportage d'une chaîne de télévision américaine sur la vente de Subsahariens sur des marchés aux esclaves en Libye a montré cette image hideuse que les pays européens ont provoquée et qu'ils tentent de ne pas voir. Car cela ne se passe pas sur le continent le plus riche de la planète. La politique migratoire de plus en plus musclée de l'UE a fait que l'esclavagisme reprenne ses droits dans un pays ravagé, détruit, disloqué et ruiné par le «printemps arabe» tant revendiqué et soutenu par ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, sont en train d'ériger des fortifications infranchissables de leurs pays. Le plus grave dans toute cette situation où les droits humains n'existent plus en Libye, un pays voué à toutes les dérives politiques et militaires, est que les pays européens sont au courant des atrocités qui se déroulent chaque jour dans la quarantaine de centres de détention et non de rétention gérés par des milices libyennes, ou dans les maisons, des garages et autres propriétés de bandits et de négociants d'esclaves libyens. Des ONG comme Oxfam et MSF ont déjà accusé l'Europe, l'ONU de savoir ce qui se passe dans ce pays et, plus grave, leur soutien aux différentes milices libyennes dans cette curieuse et condamnable gestion des flux migratoires. Le HCR est au courant également de ce qui se passe dans ce pays, devenu en l'espace de deux années, après le verrouillage des frontières marocaines, autant un passage de plus en plus fréquenté par les migrants pour sa proximité avec l'Italie, mais, surtout, une fin atroce et inhumaine du voyage vers l'Europe pour des milliers de «harraga» de tout bord. Y compris des Algériens qui ont été eux aussi victimes des traitements barbares des milices progouvernementales et des seigneurs de la guerre libyens. Ils ont croupi dans des conditions exécrables avec d'autres Maghrébins, des Marocains et Tunisiens notamment, mais également des Subsahariens et des ressortissants de pays asiatiques. C'est un immense drame qui est actuellement vécu par des centaines de migrants retenus prisonniers en Libye, beaucoup réduits à l'état d'esclaves, souvent changeant de propriétaires. Les Algériens ont été libérés il y a un peu moins de deux semaines dans la plus grande discrétion. Cela n'a pas donné lieu, hélas, à des protestations officielles, comme l'UE, protégée par une sorte d'omerta des pays de transit, ne peut être poursuivie pour crimes contre l'humanité. Le comble, ce sont les réactions «effarouchées» après les révélations de cette chaîne américaine, et dire que ce sont ceux qui dépensent plus pour se protéger de la «calamité» de l'immigration clandestine sont eux-mêmes les commanditaires de toutes les violations des droits de l'homme de ce côté-ci de la Méditerranée. En armant, en fournissant des équipements de surveillance sophistiqués, des armes de guerre, de l'argent aux Libyens, l'Europe ne pourra jamais dire qu'elle ne sait pas ce qui s'est passé, qu'elle ne pourra pas se reprocher, un jour, d'avoir été complice des pires violations des droits de l'homme à ses portes. Même les Etats du sud de la Méditerranée voient chacun «midi» à sa porte.