Dans le cadre de la lutte contre l'immigration clandestine, l'Italie et l'Union européenne vont contribuer au financement des camps de Libye où sont retenus les candidats à la traversée de la Méditerranée, en vertu d'un accord conclu avec Tripoli. "Si la situation reste en l'état, nous serons dans quelques semaines face à une crise humanitaire et on commencera à montrer l'Europe du doigt en affirmant qu'elle ne fait rien", a souligné vendredi le Premier ministre maltais Joseph Muscat, dont le pays assure ce semestre la présidence de l'UE. "Par cet accord, il y a une première tentative décente pour apporter une gestion correction des flux migratoires via le centre de la Méditerranée", a-t-il ajouté. Le texte a été signé jeudi par le président du Conseil italien Paolo Gentiloni et le Premier ministre libyen Fayez Seraj. Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, qui étaient réunis vendredi à Malte pour une réunion informelle consacrée en partie à la crise migratoire, se sont dits prêts à le soutenir, bien que l'Agence de l'Onu pour les réfugiés (HCR) soit hostile au maintien de ces camps où les conditions de vie sont, selon elle, inhumaines. Les migrants y seront hébergés "jusqu'à leur expulsion ou leur retour volontaire dans leur pays d'origine" et leur gestion relèvera du ministère libyen de l'Intérieur, mais le personnel sera formé par les autorités italiennes, qui fourniront par ailleurs des médicaments et du matériel médical, disent les auteurs du texte. Rome y promet par ailleurs de soutenir fermement le gouvernement d'union nationale dirigé par Seraj, ainsi que les "institutions militaires et de sécurité" qui en dépendent. Les dirigeants européens ont pris un engagement similaire. Ce gouvernement formé sous l'égide de l'Onu, dont la légitimité est toujours contestée, ne parvient pas à restaurer l'autorité de l'Etat et le chaos qui continue à régner six ans après le renversement de Mouammar Kadhafi fait les affaires des passeurs. La traversée vers l'Italie au départ de la Libye, que 181.000 migrants ont effectuée l'an dernier, un record, est devenue la première voie migratoire vers l'UE. Plus de 5.000 autres y ont sans doute laissé la vie. Depuis mercredi, quelque 2.600 migrants tentant la périlleuse traversée entre les côtes libyennes et italiennes ont été secourus en mer. "Alors que des centaines de personnes ont déjà perdu la vie en 2017 et que le printemps approche, nous sommes déterminés à prendre des mesures supplémentaires pour réduire considérablement les flux de migrants le long de la route de la Méditerranée centrale et pour casser le modèle économique des passeurs (...)", écrivent les dirigeants européens dans une déclaration adoptée à Malte (1). Selon un rapport de l'Onu publié en décembre, les camps libyens sont le théâtre de toute sortes d'exactions, telles que la détention arbitraire, le travail forcé, les viols et la torture. "Conserver des camps en Libye, c'est maintenir les migrants dans des conditions inhumaines et les mettre encore plus en danger", a déploré Carlotta Sami, porte-parole du HCR, interrogée par Reuters. "L'Union européenne et ses Etats membres doivent se rendre à l'évidence: la Libye n'est pas un pays sûr. On ne peut en aucun cas considérer cela comme une approche humaine du phénomène migratoire", a renchéri Arjan Hehenkamp, de Médecins sans Frontières (MSF). Dans un communiqué diffusé après le sommet, MSF, présente dans plusieurs camps en Libye, a estimé que la réunion de Malte démontrait que les dirigeants européens "se fourvoient" quant à la situation en Libye. "Aujourd'hui, il ne s'agissait pas de sauver des vies; il est évident que l'UE est prête à sacrifier des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants vulnérables afin de les empêcher d'atteindre les rivages européens", ajoute l'ONG.