Jamais un décret US n'a suscité autant de colère et de condamnations dans le monde que la décision, prise le 6 décembre, par le président américain Donald Trump de reconnaître «officiellement Jérusalem comme capitale d'Israël». Et, en vertu d'un décret qu'il a signé mercredi, un décret gelé depuis le milieu des années 1990 par les précédentes administrations américaines au plus fort des négociations de paix entre Palestiniens et Israéliens, l'ambassade US sera transférée à Al Qods. C'est, en fait, le cœur du problème entre Palestiniens et Israéliens. Les Palestiniens revendiquaient en effet la partie est de la ville comme capitale de leur Etat, alors que les Israéliens, qui occupent la partie ouest, veulent eux annexer toute la ville et la déclarer capitale de l'Etat d'Israël. La décision de Trump de reconnaître Al Qods comme capitale de l'Etat sioniste, une de ses promesses électorales en fait, et qu'il a retardée en juillet dernier, a fatalement été mal accueillie dans le monde, autant dans les pays arabes, en Europe ou au sein des différentes confessions, les évêques de France ayant appelé eux aussi au respect du statu quo sur la ville. Jeudi la communauté internationale a appelé à une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU, prévue ce samedi. «Par ces décisions déplorables, les Etats-Unis sapent délibérément tous les efforts de paix et proclament qu'ils abandonnent le rôle de sponsor du processus de paix qu'ils ont joué au cours des dernières décennies», a affirmé le président palestinien Mahmoud Abbas à la télévision palestinienne. «On ne peut faire face à la politique sioniste soutenue par les Etats-Unis qu'en lançant une nouvelle intifada», a déclaré de son côté le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh, dans un discours prononcé depuis la bande de Gaza. La décision du président américain ouvre «les portes de l'enfer pour les intérêts américains dans la région», a pour sa part estimé Ismaïl Radouane, un haut responsable du Hamas s'exprimant devant des journalistes dans la bande de Gaza. L'Arabie saoudite a exprimé «de profonds regrets», alors que l'Iran a dénoncé une «provocation et une décision insensée de la part des Etats-Unis (...) qui va provoquer une nouvelle intifada et pousser à des comportements plus radicaux et à davantage de colère et de violence». «Prendre une telle décision met le monde, et spécialement la région, dans un cercle de feu», a déclaré le président turc Recep Tayyip Erdogan. Pour l'Algérie, c'est une décision grave, alors que le roi du Maroc a mis en garde Donald Trump contre ce transfert. Le statut de Jérusalem ne peut être résolu que par une «négociation directe» entre Israéliens et Palestiniens, a déclaré le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, en rappelant avoir toujours été «contre toute mesure unilatérale». «Il n'y a pas d'alternative à la solution de deux Etats» avec «Jérusalem comme capitale d'Israël et de la Palestine». De son côté, l'Union européenne exprime «sa sérieuse préoccupation à propos de l'annonce du président des Etats-Unis Trump sur Jérusalem et les répercussions que cela peut avoir sur la perspective de paix», a affirmé la cheffe de la diplomatie européenne Federica Mogherini dans un communiqué. Le président de la Commission de l'Union africaine, Moussa Faki Mahamat, «regrette cette décision qui ne fera qu'accroître les tensions dans la région et au-delà et compliquer davantage la recherche d'une solution au conflit israélo-palestinien», a-t-il fait savoir dans un communiqué. Quant au président français Emmanuel Macron, il a jugé «regrettable» la décision de Donald Trump de reconnaître Jérusalem capitale de l'Etat d'Israël et appelé à «éviter à tout prix les violences». Lors d'une conférence de presse à Alger, il a rappelé «l'attachement de la France et de l'Europe à la solution de deux Etats, Israël et la Palestine vivant côte à côte en paix et en sécurité dans des frontières internationalement reconnues avec Jérusalem comme capitale des deux Etats». Quant au gouvernement allemand, il «ne soutient pas cette position car le statut de Jérusalem ne peut être négocié que dans le cadre d'une solution de deux Etats», a déclaré la chancelière Angela Merkel, citée dans un tweet de son porte-parole Steffen Seibert. A Pékin, on estime que «le statut de Jérusalem» est une question «compliquée et sensible» qui doit être résolue «par le dialogue», selon le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Geng Shuang. Hier vendredi, la rue arabe était en ébullition. Des manifestations de protestation avaient été organisées dans l'ensemble des pays arabes pour dénoncer le décret américain établissant Al Qods comme capitale de l'Etat hébreu. En Algérie, des appels lancés à partir des mosquées avaient été faits pour des marches contre cette décision. Des pages facebook à Constantine ont publié des appels pour organiser une marche grandiose dans la capitale de l'est du pays pour dénoncer la décision américaine et apporter leur soutien au peuple palestinien. Le Mouvement de la société pour la paix (MSP) avait appelé ses militants et sympathisants à prendre part au rassemblement prévu hier vendredi à 14h00 devant son siège national à El Mouradia à Alger. Au Maroc et en Tunisie, des ONG et associations de soutien au peuple palestinien ont appelé à des manifestations et un sit-in devant l'ambassade US à Rabat et Tunis demain dimanche. Plusieurs marches et manifestations ont été également organisées un peu partout dans le monde, y compris en Europe.