La navigation à vue d'œil sur le plan économique est une bien triste réalité, confirmée par le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, à travers cette déclaration qui fait état d'une «évaluation de long terme par son département, pour la première fois, à partir de l'année 2000 et étudier ce qui s'est passé dans l'économie nationale». Et dans l'immédiat, indiquera- t-il, «nous sommes en train de préparer un rapport pour le gouvernement sur la situation du commerce extérieur de 2017 dans lequel nous allons expliquer pourquoi un déficit de plus de 11 milliards de dollars a été enregistré et pourquoi les importations n'ont pas baissé suffisamment». Interrogé à propos de cette difficulté d'endiguer les importations en dépit des différentes mesures prises durant ces toutes dernières années, M. Benmeradi explique, dans une déclaration à l'APS, qu'avec un taux de change tel qu'il est pratiqué actuellement, «l'Etat est en train de subventionner les importations dans le sens où les importateurs obtiennent, auprès des banques, des devises contre dinars à un prix qui n'est pas réel, c'est-à-dire ne reflétant pas la réelle parité entre le dinar et la devise. En plus, les produits importés sont très souvent subventionnés dans leur pays d'origine. Donc, il est préférable pour les opérateurs nationaux d'aller les acheter à l'étranger que de les produire localement». La deuxième principale raison de la persistance des importations à un niveau élevé est l'incapacité du secteur industriel privé de réaliser la diversification et de contribuer, significativement, à la couverture de la demande nationale, détaille encore le ministre qui déplore la «très faible» production industrielle du pays.»Nous avions pensé, pendant très longtemps, que le secteur privé allait faire dans la diversification, mais le gros de ses investissements a été réalisé dans les services et le bâtiment mais très peu dans l'industrie», note-t-il. Précisant dans ce contexte que lorsque le pays exporte 4 produits industriels, il en importe 100. «Mais comme ça, on va droit au mur», en convient-il, tout en soulignant que seule l'industrie pharmaceutique semble tirer son épingle du jeu. Rappelant qu'il y a une vingtaine d'année, plus de 95% des besoins nationaux en médicaments étaient couverts par les importations, le ministre relèvera que le gouvernement avait alors décidé de suspendre les autorisations d'importation de médicaments sauf pour la Pharmacie centrale des hôpitaux ou d'autres établissements publics. Ce dispositif a permis de booster les investissements dans l'industrie pharmaceutique en produisant localement l'équivalent de 2 milliards de dollars actuellement contre moins de 2 milliards de dollars d'importations, sachant que la demande est de 4 milliards de dollars: «Donc ça s'équilibre». «Aujourd'hui, nous sommes le pays qui compte le plus d'usines de médicaments dans l'ensemble de la région. Nous avons dépassé la Tunisie, qui nous devançait, ainsi que le Maroc, et nous sommes proches de l'Egypte», fait-il valoir. Concernant la longue liste de 850 produits interdits à l'importation, M. Benmeradi avancent des arguments «massues» pour plaider la bonne cause de cette mesure. «Cela devrait permettre à l'Algérie d'économiser un montant en devises de l'ordre de 1,5 milliard de dollars sur une année», devait-il relever dans ce contexte, en sus de la protection des producteurs locaux, auxquels nous avons offert «un marché sur un plateau». La levée de la suspension des importations dans 2 ou 3 ans ? M. Benmeradi précise que cela n'est pas une décision du ministère du Commerce mais qu'elle émane de la loi régissant le commerce extérieur qui prévoit que dans le cas d'un déficit de la balance commerciale, le gouvernement peut prendre des mesures de sauvegarde dont la suspension «provisoire» des importations. Il ajoute que le décret exécutif sur les 851 produits soumis au régime des restrictions à l'importation précise aussi que les produits concernés sont «temporairement» suspendus à l'importation jusqu'au rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements. Selon lui, d'autres mesures visant à rééquilibrer les deux balances seront prises prochainement. Sur un ton alarmiste, le ministre du Commerce dira qu' «il faut être conscient qu'il y a le feu à la maison. Hormis la balance commerciale énergétique qui est à l'avantage de l'Algérie, toutes les autres balances sont déficitaires. Le tarif douanier contient 99 chapitres dont 95 sont déficitaires avec tous les pays du monde y compris les pays arabes. Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois ans nous n'aurons plus les ressources financières pour importer quoi que ce soit y compris les céréales». Soulignant dans ce sillage que le pays a perdu en trois ans 50% des réserves de change, soit 44 milliards de dollars. A la question de savoir si cette suspension d'importations ne risquerait-elle pas de créer des situations de monopole de producteurs nationaux en l'absence de la concurrence étrangère et au détriment de la qualité, le ministre juge que le pays «vit déjà une situation de monopole qui est celui des importateurs».