Nous espérons gagner 1,5 milliard de dollars sur une année Hormis la balance commerciale énergétique qui est à l'avantage de l'Algérie, toutes les autres balances sont déficitaires. Le tarif douanier contient 99 chapitres dont 95 sont déficitaires avec tous les pays du monde, y compris les pays arabes. La mesure de suspension à l'importation de 851 produits n'est pas sans conséquences positives sur le Trésor public. Ladite mesure permettra sur une année à l'Algérie d'économiser un montant en devises de l'ordre de 1,5 milliard de dollars. C'est ce qu'a indiqué hier le ministre du Commerce, Mohamed Benmeradi, dans un entretien accordé à l'APS. «Nous espérons gagner 1,5 milliard de dollars sur une année grâce à la suspension à l'importation des 851 produits comprenant 400 produits industriels dont l'importation avait coûté 1 milliard de dollars en 2016, et 451 produits agricoles et agroalimentaires», a-t-il estimé. S'exprimant en outre sur les craintes de certains opérateurs quant au risque de voir leurs activités entravées en raison de la suspension de l'importation de certains intrants, le ministre considère que s'il est légitime que ces derniers s'inquiètent, il n'en demeure pas moins qu'ils doivent savoir que le but est de les protéger. «Ceux qui sont en tain de contester cette mesure sont ceux qui activent dans des filières que nous avons totalement protégées puisque nous avons interdit l'importation du produit fini. Donc déjà, nous leur avons offert un marché sur un plateau», explique-t-il. Plus explicite, Benmeradi relève que le problème dans l'économie nationale réside dans le fait que des opérateurs, par méconnaissance de ce qui est produit dans le pays ou pour des objectifs inavoués, préfèrent importer les intrants alors qu'un certain nombre est produit localement. Les opérateurs économiques n'investissent pas en amont Selon lui, de nombreux opérateurs ont réalisé des investissements, mais sont restés dans l'aval de l'activité et ne remontent pas en amont pour développer les intrants locaux à quelques rares exceptions. A ce propos, il cite le cas, des premières conserveries de tomate: ces premiers investisseurs ont construit des usines pour la transformation de tomates, mais ramenaient le concentré de tomates de Turquie et ne faisaient donc que de la mise en boîte. Mais par la suite, relève le ministre, un certain nombre d'entre eux ont commencé à remonter en amont en travaillant étroitement avec les agriculteurs. Mais citant l'exemple de la filière boissons, il indique que les producteurs locaux utilisent l'eau comme seul intrant local et considèrent le sucre comme produit national par le seul fait qu'il soit raffiné localement, tandis que le reste des intrants est importé de l'étranger, y compris les arômes et les purées de fruits qui sont, pourtant, fabriqués localement. Par ailleurs, Benmeradi fait savoir que son département va lancer une évaluation de l'économie nationale en remontant jusqu'au début des années 2000. Questionné sur la difficulté d'endiguer les importations en dépit des différentes mesures prises durant ces toutes dernières années, Benmeradi explique qu'elles sont nombreuses dont, en premier lieu, le système de subventions indirectes et involontaires des importations. Avant d'expliquer qu'avec le taux de change actuel, «l'Etat est en train de subventionner les importations dans le sens où les importateurs obtiennent, auprès des banques, des devises contre des dinars à un prix qui n'est pas réel, c'est-à-dire ne reflétant pas la parité réelle entre le dinar et la devise. La suspension des importations peut être levée dans 2 ou 3 ans La seconde principale raison de la persistance des importations à un niveau élevé est l'incapacité du secteur industriel privé de réaliser la diversification et de contribuer, significativement, à la couverture de la demande nationale, détaille encore le ministre qui déplore la très faible production industrielle du pays. «Nous avons pensé, pendant très longtemps, que le secteur privé allait faire dans la diversification, mais le gros de ses investissements a été réalisé dans les services et le bâtiment, mais très peu dans l'industrie», note-t-il. Dans ce sens, le ministre préconise de travailler, systématiquement, sur la base de la balance devises par filière d'activités permettant une vraie intégration nationale comme c'est le cas, selon lui, de la filière médicament. Interrogé sur sa récente déclaration quant à la levée de la suspension des importations dans deux ou trois ans, il indique que cela n'est pas une décision du ministère du Commerce, mais elle émane de la loi régissant le commerce extérieur qui prévoit que dans le cas d'un déficit de la balance commerciale, le gouvernement peut prendre des mesures de sauvegarde dont la suspension provisoire des importations. Il ajoute que le décret exécutif sur les 851 produits soumis au régime des restrictions à l'importation précise aussi que les produits concernés sont temporairement suspendus à l'importation jusqu'au rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements. Selon lui, d'autres mesures visant à rééquilibrer les deux balances seront prises prochainement. «La mesure de suspension de l'importation de ces produits permettra de libérer les capacités nationales de production, sachant que la majorité des usines algériennes ne tournait qu'à seulement 20% ou 30% de leurs capacités réelles car leurs produits, finis ou intrants, n'étaient pas achetés malgré leurs prix très compétitifs», avance-t-il. C'est le cas, entre autres, des filières de la céramique et des boissons. Le ministre espère, cependant, qu'une fois ces mesures de suspension levées, les opérateurs ne vont pas retourner aux importations car le véritable enjeu, insiste-t-il, est d'ancrer la culture de consommer national. «Il faut être conscient qu'il y a le feu à la maison. Hormis la balance commerciale énergétique qui est à l'avantage de l'Algérie, toutes les autres balances sont déficitaires. Le tarif douanier contient 99 chapitres dont 95 sont déficitaires avec tous les pays du monde, y compris les pays arabes. Si nous ne faisons rien, dans deux ou trois ans nous n'aurons plus les ressources financières pour importer quoi que ce soit y compris les céréales. Interrogé si cette période de suspension d'importations de produits était suffisante pour développer et diversifier l'outil de production national, Benmeradi estime que le pays possède déjà un outil de production, mais il est sous-utilisé et que sa protection, à travers. ces mesures de sauvegarde, lui permettrait de monter en cadence. A la question de savoir si cette suspension d'importation ne risquerait pas de créer des situations de monopole de producteurs nationaux, en l'absence de la concurrence étrangère et au détriment de la qualité, le ministre juge que le pays vit déjà une situation de monopole qui est celui des importateurs». «Cependant, ajoute-t-il, nous veillerons, à travers des organismes comme le Conseil national de la concurrence et d'autres instruments, à savoir timeout.»