L'accord de pêche signé entre Bruxelles et Rabat n'est «valide» que s'il n'est pas applicable au Sahara occidental et aux eaux territoriales sahraouies. L'arrêté de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) rendu hier stipule que «l'accord de pêche conclu entre l'UE et le Maroc est valide dès lors qu'il n'est pas applicable au Sahara occidental et aux eaux adjacentes à celui-ci». La CJUE avait été saisie par la Haute Cour de justice britannique qui devait répondre à une plainte déposée par Western Sahara Campaign (WSC), une ONG britannique plaidant le droit à l'autodétermination du Sahara occidental. La plainte dénonçait l'accord de pêche conclu par Bruxelles et Rabat ainsi que les actes l'approuvant et le mettant en œuvre pour autant que cet accord et ces actes s'appliquent au territoire et aux eaux du Sahara occidental. L'ONG accuse le Maroc de piller, à travers cet accord, les ressources naturelles du peuple sahraoui. Afin de pouvoir rendre son verdict, la Haute Cour de justice britannique s'est tournée vers la CJUE pour lui demander de répondre à trois questions : la Cour est-elle compétente pour apprécier la légalité des accords internationaux conclus par l'Union ? Une association telle que WSC est-elle habilitée à contester la légalité de l'accord de pêche ? L'accord de pêche est-il légal du point de vue du droit européen ? Le 10 janvier dernier, l'avocat général de la CJUE, Melchior Wathelet, a conclu que l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc est invalide du fait qu'«il s'applique au Sahara occidental et aux eaux y adjacentes». Dans ses conclusions présentées à la CJUE, il a estimé qu'«en concluant cet accord, l'Union a violé son obligation de respecter le droit du peuple du Sahara occidental à l'autodétermination». Melchior Wathelet a également souligné, en outre, que Bruxelles a violé également son obligation de «ne pas reconnaître une situation illicite découlant de sa violation et n'a pas mis en place les garanties nécessaires pour assurer que l'exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental se fasse au bénéfice du peuple de ce territoire». Ainsi, et dans son arrêté d'hier, la CJUE indique que l'inclusion du territoire du Sahara occidental dans le champ d'application de l'accord de pêche enfreindrait plusieurs règles de droit international général applicables dans les relations entre l'UE et le Royaume du Maroc, notamment le principe d'autodétermination. La Cour européenne a jugé en substance que comme le territoire du Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du Royaume du Maroc, ses eaux adjacentes ne relèvent pas de la zone de pêche marocaine visée par l'accord de pêche. Cet arrêté ressemble à s'y méprendre à celui délivré par la CJUE concernant l'accord agricole conclu entre l'UE et le Maroc qui avait poussé Rabat à menacer même l'Europe de représailles en ouvrant le robinet du flux migratoire vers l'Europe ou en se tournant vers d'autres partenaires économiques plus avantageux. Reste maintenant à connaître la position des Marocains et surtout le respect de cet arrêté par les parties en place. On se rappelle que deux semaines seulement après la décision de la CJUE affirmant que les ressources naturelles du Sahara occidental ne peuvent pas faire partie de l'accord liant Rabat à Bruxelles, l'Europe continuait d'ignorer ses propres lois quand il s'agit d'intérêts économiques. L'Observatoire des ressources naturelles du Sahara occidental (WSRW), un réseau international d'organismes et de militants qui recherchent et interviennent auprès des compagnies travaillant pour des intérêts marocains au Sahara occidental occupé, a été le premier à médiatiser ces dépassements, en dénonçant le transport par un navire européen de l'huile de poisson pêché dans les eaux territoriales sahraouies. La cargaison est acheminée vers la France, croit savoir l'ONG, Paris étant le premier défenseur de la marocanité du Sahara.