1. Le bilan du nombre d'opérations indique que si le principe de la privatisation des EPE a été retenu dès 1995, ce n'est qu'à partir de 2004 et surtout 2005 que la privatisation devient une réalité et qu'ainsi se forge la pratique algérienne ; ceci, avant que tout le processus ne soit gelé à partir de 2008. En 2001, le principe de la privatisation était bien confirmé par le gouvernement et la loi 01-04 du 20 août 2001 appuyée par des textes réglementaires organisait sa mise en œuvre mais l'affrontement entre le gouvernement et les responsables de l'UGTA et d'autres intérêts moins vocaux, créaient un climat d'instabilité délétère, à une période où l'objectif stratégique était d'assurer la réconciliation et la cohésion sociales. La privatisation ajoutait à la situation de déstabilisation, en conséquence, il fallait la ralentir. Les résolutions prises avant 2005 indiquent que celles-ci concernaient principalement l'organisation et la structuration du SPM, les méthodes de privatisation; les dossiers de privatisation, proprement dits étaient rares. Une privatisation importante est à noter, celle du complexe d'El Hajjar en 2001 A partir de 2005, on assiste au lancement d'un programme conséquent de privatisation: le nombre de dossiers traités et agréés annuellement atteignaient un volume critique. Cet état de fait peut se lire dans le tableau ci dessous présentant le bilan des opérations de privatisation. On constate que sur 454 opérations entre 2003 et 2008, 75% des décisions de privatisations ont été prises entre 2005 et 2007. Cependant, l'abondance des recettes pétrolières s'accumulant, à partir de 2008, l'intérêt de la privatisation semble avoir été perdu. On constate que le nombre de privatisations recule d'une manière sensible. Le programme de privatisation sera définitivement gelé en 2009. Depuis cette date, les dossiers examinés par le CPE ne concernaient plus, en général que des décisions concernant les dossiers de consolidation et de redéploiement du SPM, de restructuration des EPE et d'étude de projets de partenariat (joint venture). LES OPERATIONS DE PRIVATISATION - Le Bilan des opérations de privatisation selon leur nature (Bilan 2009. MIPI) (Unités) 3. Ce tableau présente le bilan des opérations de privatisation arrêté à fin 2009 par le Ministère de l'Industrie et la Promotion de l'Investissement (MIPI). Un autre bilan, global, a été établi fin 2011 par le Ministère de l'Industrie. - Bilan des opérations de privatisation (Unités) Les deux tableaux arrivent au même résultat global. Sur 602 décisions, le nombre total de privatisations et partenariats réalisés atteint 454. Les opérations sont cependant distribuées d'une manière différente. L'écart s'explique par le traitement des actifs isolés et cédés à titre onéreux. La nature d'actif isolé n'est en effet pas précise. L'intérêt du bilan établi en 2009 est qu'il permet d'avoir une vue historique de l'évolution de la privatisation. Le deuxième est qu'il nous donne les résultats actualisés à fin 2012 des résultats en termes d'encaisses reçues par le Trésor public, d'emploi et d'endettement. 4. En termes d'acquéreur par nationalité, l'un ou l'autre tableau arrive aux mêmes constatations : - Bilan par origine du capital (Unités) Au total, 77% des entreprises privatisées ont été acquises par les investisseurs nationaux. 78% des cessions totales ou majoritaires d'entreprise (et près de 80% des actifs isolés (silos, matériels, bâtiments) ont été acquis par des investisseurs nationaux. Avec plus de 90% d'acquisitions à 100%, les investisseurs nationaux semblent avoir référé ne pas entrer dans une association avec la SGP cédante. A l'inverse, les investisseurs étrangers semblent avoir préféré entrer dans une association avec l'entreprise publique cédante soit dans le cadre de privatisation partielle soit sous forme de "joint-ventures" avec les EPE. - Bilan par origine du capital (En %) 5. Par secteur d'activité, le tableau ci-dessous montre que plus de 40% des acquisitions ont porté sur les entreprises agroalimentaires et les BTPH dont 85% par les entrepreneurs nationaux; les acquisitions d'entreprises de distribution ont été à 100% le fait d'investisseurs nationaux. Les acquisitions d'entreprises de services (transport essentiellement) constituent, avec 64 sur 454, 14% du total. Seuls 54 privatisations, incluant les entreprises opérant dans les branches de la chimie et de la pharmacie, ont concerné des entreprises industrielles -soit 10% du total. - Répartition des opérations par secteur d'activité LES REVENUS GENERES PAR LA PRIVATISATION Les paiements au Trésor Public 4. Le bilan 2012 du Ministère de l'industrie indique que sur 602 Résolutions du CPE autorisant les opérations de privatisation, jusqu'en 2011, seules les privatisations et les cessions d'actifs à titre onéreux, soit 454 opérations, ont donné lieu à des paiements. La règle générale en matière de modalités de paiement était le paiement d'un apport initial payable au comptant, le reliquat étant payable au comptant ou à tempérament (en moyenne 3 à 5 ans) pour les investisseurs nationaux. Les cessions aux salariés par le collectif de travailleurs ont bénéficié d'un dispositif particulier, permettant d'étaler le règlement de leurs échéances sur une période allant jusqu'à 20 années. 5. Sur les 454 opérations ayant donné lieu à des paiements, 169, représentant un taux de 36%, ont donné à un règlement et ont été clôturées soit par un paiement au comptant soit par un paiement par anticipation des échéances à venir. Les produits de cession des opérations de privatisation versés au Trésor Public sont évalués à 135,2 milliards DA dont 79,4 payés au comptant soit 59% et 55,8 milliards DA à tempérament. Tout le produit de cession n'a pas été versé au Trésor : Les 5 à 10% de la vente qui devait alimenter un Fonds de participation des travailleurs au capital s'est transformé en un paiement de 10% qui a été versé directement aux travailleurs par le repreneur (mais déduit de la somme due au Trésor). Les reliquats de régularisation sur le foncier ont été transférés directement à La Direction du Domaine. L'endettement pris en charge par l'Etat (règlement du foncier, dettes d'exploitation, volet social) sont reversés à l'acquéreur. - Répartition des produits de cession des opérations ( En milliards DA) En milliards de DA En milliards de DA 5. Le total des différentes échéances devant être réglées par les repreneurs au profit du Trésor Public est, ainsi, évalué à 100,6 milliards de Dinars. Le Trésor a déjà encaissé réellement, au titre du principal, un montant de 82,6 milliards de dinars, soit 82% du montant prévu. Par ailleurs, le Trésor Public a perçu, au titre des intérêts, TVA et pénalités de retard, un montant de 3,8 milliards de DA. Il reste à verser au Trésor 14.2 milliards au Trésor. - Répartition des produits de cession versés au Trésor Le cas des Reprises des Entreprises aux Salariés 5. Sur les 76 opérations de ventes aux salariés retenues par le CPE, 69 ont été effectivement réalisées. Ce sont, pour une grande majorité, de petites entreprises ; sur les 69 recensées, 57 (soit 83%) ont été cédées à moins de 100 millions de DA. Il faut rappeler que les EPE cédées dans le cadre de ce dispositif disposent un abattement de 15% sur le montant de la cession et des facilités de paiement (échéancier variant de 6 à 20 ans) -plus de 56 % des RES ont eu un délai égal ou supérieur à 15 années. Le montant total des prix de cession s'élève à 4,5 milliards de dinars. Selon l'importance des EPE cédées aux salariés, le montant varie de 3 à 290 millions de dinars. La faiblesse de ces montants est en relation avec la taille modeste de ces EPE, le caractère peu capitalistique des entreprises concernées et parfois la vétusté des équipements. Le paiement s'avère plus laborieux que pour les EPE cédées à des repreneurs. Sur le montant de cession global, 1. 332 millions de DA sont arrivés à échéance dont 815,3 millions de DA ont été payés au Trésor soit un taux de recouvrement de 61%. Le retard dans le paiement des échéances par certaines RES est dû essentiellement à leurs difficultés de trésorerie qui s'expliquent par des contraintes d'organisation, de gestion et d'environnement. Néanmoins, certaines RES ont procédé au règlement de la totalité des montants de cession par anticipation. Il s'agit de RES qui ont soit une bonne situation financière résultant d'un plan de charge conséquent (BTPH) ou se situant dans un marché porteur. L'INVESTISSEMENT 6. Le montant des investissements directs projetés est de 889 milliards de DA, et les apports au capital dans les Joint-ventures sont de 34,3 milliards de DA, dont 21,9 milliards d'apports Etrangers. A cela s'ajoutent 6,1 milliards de DA d'apports étrangers au titre d'augmentation du capital qui ne sont pas comptabilisés dans les recettes du Trésor. A la fin de 2011, les engagements d'investissements par les repreneurs totaliseraient 155 milliards ; 77% des engagements pris, soit 120 milliards de DA, étaient effectivement réalisés. Les investissements ainsi réalisés ont concerné des renouvellements et une modernisation des équipements. L'outil et le développement de l'activité qui, parfois ont dépassé les objectifs présentés dans le Business plan. Cela confirme, la dimension éminemment critique de la privatisation en tant que politique de relance économique et rejette sans appel l'argument répété par les syndicats que l'entreprise privatisée est appelé à disparaître. Parallèlement aux investissements ainsi réalisés, les opérations de privatisation ont permis de récupérer 225 Ha de terrains d'assiette qui ont été mis à la disposition de l'Agence National d'Intermédiation et de Régulation Foncière (ANIREF) pour leur attribution aux investisseurs directs. L'ENDETTEMENT. 7. La contrainte la plus importante que connaissent les entreprises publiques est l'endettement et notamment l'endettement à court terme. C'est un des facteurs opérationnels qui a amené les responsables algériens à recourir à la privatisation. Sur ce plan, L'endettement a été traité de manière à ce que les engagements qui concernent le capital soient pris en charge par l'acquéreur, les crédits d'exploitation ont été traités au cas par cas. Un montant total de 55 Milliards de DA ont été repris par les repreneurs dont 41 milliards de DA, soit un taux de 74,5 %, ont été effectivement remboursés. L'EMPLOI 8. La crainte la plus importante et l'argument avancé contre la privatisation des entreprises publiques est la cession des entreprises publiques était la perte d'emploi. Sur ce plan, le Ministère de l'industrie constate que : (i) L'emploi semble avoir été largement maintenu. A fin 2011, plus de 30 360 postes de travail étaient maintenus sur les 39 990 existant lors de la privatisation, soit un taux de 76%. Selon le Ministère de l'industrie, les 24% de pertes d'emploi s'expliquent entièrement par les départs volontaires, les mises à la retraite ainsi que les fins de contrats. (ii) Ces départs auraient été largement compensés par la création d'emplois nouveaux. A la fin de 2011, 93% des 14 725 postes de travail que les repreneurs s'engageaient de créer, l'étaient en effet. Cet objectif global ne revêt pas la réalité effective des entreprises; certains ont largement réalisé l'objectif, d'autres moins. Certains repreneurs ont été contraints d'ajuster le business plan agréé pour trois raisons : le marché, l'évolution de l'activité de l'entreprise privatisée, les besoins de financement liés au manque de souplesse des banques. LES CONTENTIEUX ET LITIGES 9. Selon les statistiques du MIPI, les opérations de privatisation ont donné lieu à de nombreux litiges ou contentieux. Sur les 454 opérations de privatisation, les contentieux et litiges ont compté plus du tiers (153). Trois types de contentieux sont cependant apparu le plus fréquemment et ont constitué 75 % des contentieux : la défaillance et /ou le désistement de l'entrepreneur ou partenaire à souscrire à ses engagements, les litiges de nature administrative et notamment avec l'administration des Domaines et les difficultés de financement du repreneur. D'une manière remarquable, le nombre de contestations impliquant le collectif ouvrier a été faible. De la même manière le nombre de litige tenant à la transaction proprement dite est faible. La très grande majorité des problèmes sont le fait de repreneurs nationaux. Dans de nombreux cas, la méconnaissance du droit et des pratiques commerciales et la certitude que traiter avec l'Etat était arrivé à des passe-droits. L'exécution des opérations par les investisseurs étrangers a été pratiquement sans problème. - Nature des litiges et contentieux 10. Beaucoup ont connu une solution à l'amiable très rapide. D'autres, notamment les problèmes de financement ont connu des péripéties nombreuses pour trouve enfin des solutions. REMARQUES CONCLUSIVES. 11. En définitive, la privatisation les opérations de privatisation n'ont concerné qu'une modeste partie du secteur public. Etant donné la nature de la politique de privatisation algérienne considérée comme une dimension de la stratégie de transformation et de relance de l'économie, le bilan, pour être significatif devrait aller au delà de résultats obtenus en termes d'opérations réalisés et de gains immédiats (investissements, emploi) pour évaluer les effets sur la croissance économique et l'intégration économique de l'appareil de production. Cette dimension est difficile car les opérations de privatisation n'ont pas atteint une masse critique suffisante. 12. La mise en œuvre sur le terrain a rencontré, selon les rapport du MIPI, deux types d'obstacles : -Des obstacles de nature administrative parmi lesquels : La non régularisation de la situation juridique et de la propriété des actifs cédés, notamment en ce qui concerne les assiettes de terrain. La reconversion par la Direction Générale des Domaines des contrats de cession en concession pour des opérations pourtant déjà passées, en application des de l'ordonnance n°08-04 du 1er septembre 2008. La main levée sur les opérations de privatisation, arrivées à terme, tarde à être prise alors que le repreneur a honoré tous ses engagements. Souvent, on n'arrive pas à connaître l'agence qui est responsable en la matière. Les organismes/agences publiques (Trésor, Domaines, Wilayas) qui constituent l'environnement de mise en œuvre ne mettent pas en œuvre ou avec réticence la concrétisation de nombreuses dispositions des résolutions qu'elles doivent prendre en charge. - Des obstacles liés au financement des opérations de privatisation. L'absence d'un véritable marché financier, resté à l'état embryonnaire en Algérie a lourdement pesé dans la menée de la politique de privatisation et partenariat. L'absence sociétés de capital investissement, de capital risque et de leasing réellement actifs a limité l'accès des investisseurs nationaux. Le comportement jugé particulièrement conservateur des banques en l'absence de mesures spécifiques. En effet, les banques publiques ont adoptées une attitude stricte de maitrise de financement : garanties excessives, délais de traitement des dossiers de crédit trop longs, taux d'intérêt trop élevés, l'accueil de la clientèle est insuffisant, les relations avec l'étranger sont insuffisamment prises en charge. Cela semble ne pas avoir épargné les sociétés reprises par les salariés (RES) qui avaient besoin d'un accès rapide au financement. 13. On constatera cependant, selon le seul rapport qui a été fait en 2009 par le MIPI, que: La préférence des investisseurs nationaux est allée des entreprises de services et en général des activités de consommation finale dont les rendements sont plus immédiats et les retours sur investissement rapides : briqueteries, minoteries, semouleries, biscuiteries, brasseries, huileries, laiteries, sucreries. Les entreprises de transformation industrielle intermédiaire, plus capitaliste et à rendement plus long n'ont pas eu de succès. Les repreneurs internationaux se sont orientés, notamment dans les cimenteries (participation minoritaire imposées à 35%), la sidérurgie, les câbleries, les plâtrières, les gaz industriels, les détergents, le verre, les engrais. Au regard des montants importants des reprises et les montants des investissements, peu de groupes nationaux étaient en mesure d'afficher des capacités financières suffisantes pour une reprise hors partenariat.