La décision, qualifiée par une partie de la presse américaine «d'irresponsable», de Donald Trump de se retirer de l'accord sur le nucléaire avec l'Iran met au pied du mur les autres pays signataires, plongés dans une situation inédite. La France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, sonnées mais pas encore groggy par la volte-face de Washington sur un accord conclu au forceps et après une dizaine d'années de négociations, commencent à s'organiser contre le principe de l'extraterritorialité que veut imposer Trump au titre de la réintroduction de sanctions économiques contre Téhéran. L'extraterritorialité des lois américaines, en vertu du Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) datant de 1977, donne le droit au département de la Justice américaine de poursuivre toute entreprise internationale s'adonnant à des activités frauduleuses lorsque cette entreprise possède un quelconque lien avec les Etats-Unis. Le retrait des Etats-Unis de l'accord sur le nucléaire et le rétablissement des sanctions économiques contre l'Iran dans un délai de 90 à 180 jours met dès lors les trois pays européens, mais également tous les pays qui maintiendraient leurs relations commerciales avec l'Iran et donc braveraient le FCPA, dans le collimateur de Washington et donc eux aussi susceptibles d'être l'objet de sanctions américaines. Un diktat ou un fait du prince qui met la France, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, moteurs de la croissance européenne, dans une position sans équivoque, celle de refuser, pour l'instant, de s'aligner sur les Etats-Unis de Trump. La réaction commune de ces trois pays est que le principe de l'extraterritorialité est «inacceptable» et qu'ils refusent en fait de suivre les Américains dans cette pente dangereuse. Aussi bien à Paris, où on estime qu'il n'est pas «acceptable» que les Etats-Unis se placent en «gendarme économique de la planète», qu'à Berlin où les milieux d'affaires dénoncent l'illégalité au regard du droit international du FCPA, après que la chancelière Angela Merkel ait asséné que «le temps où l'on pouvait compter tout simplement sur les Etats-Unis pour nous protéger est révolu». A Londres, où le commerce extérieur fait vivre et prospérer la Grande-Bretagne depuis le règne d'Anne Stuart, il n'est pas question, cette fois-ci, de céder aux lubies du vieil allié d'outre-Atlantique, le gouvernement de Theresa May ayant annoncé qu'il n'a «aucune intention de se retirer de l'accord avec l'Iran». Dans cette soudaine révolte d'une Europe, qui a du mal à s'affranchir de l'influence américaine, il n'y a pas l'ombre d'un désir soudain de sauver le monde d'un conflit artificiel inventé dans les officines du renseignement américano-sioniste ou d'une quelconque menace contre la sécurité du monde «occidental». Ou que les autres pays signataires de l'accord sur le nucléaire, la Russie et la Chine, aient redécouvert soudain les vertus de la protection du faible contre le plus fort, ou qu'ils veuillent défendre le principe inaliénable du droit international. L'opposition au retrait US de l'accord de 2015 sur le nucléaire avec l'Iran a ses raisons bien simples, à la limite sordides, au regard des conséquences géopolitiques que l'irresponsabilité de la décision du président américain fait dorénavant peser pour la paix et la sécurité au Moyen-Orient. En réalité, le «non» des Français, des Allemands et des Britanniques au président US se décline en milliards de dollars de contrats juteux pour leurs entreprises. Et qu'ils ne veulent pas perdre en quittant l'accord sur le nucléaire avec l'Iran. Cela a juste le mérite de donner un illusoire affranchissement de la domination US.