«Nous refusons que nos ressortissants en situation illégale en Allemagne soient rapatriés par des charters», a déclaré hier le 1er ministre. Cette précision, Ahmed Ouyahia l'a faite au cours de la conférence de presse qu'il a animée conjointement hier avec la chancelière allemande, Angela Merkel, au Centre international des conférences (CIC) Abdelatif Rahal, de Club des pins. Les réponses des deux responsables au nombre très limité des questions, quelles soient de la presse algérienne ou allemande, montrent, si besoin est, que la visite de Merkel à Alger revêt un caractère éminemment politique. En tête de liste a figuré, sans conteste, le rapatriement des ressortissants algériens en situation illégale en Allemagne. C'est d'ailleurs dans son intervention préliminaire à la conférence de presse que le 1er ministre a «remercié le gouvernement d'Allemagne pour la qualité de l'accueil et les conditions de séjour des 40 000 Algériens qui vivent d'une manière légale en Allemagne». Il rappellera que «nous avons signé un accord de réadmission avec l'Allemagne en 97» et l'Algérie, a-t-il dit, «ne pouvait que s'entendre avec le gouvernement allemand avec beaucoup de sérénité et d'amitié à propos de la demande d'extradition qu'il a présentée aux autorités algériennes». A une question allemande sur le rapatriement des 3.700 Algériens en situation irrégulière en Allemagne, le 1er ministre a affirmé que «nous allons recevoir nos ressortissants qu'ils soient 3.700 ou même un millier, je vous informe que l'Algérie récupérera ses enfants selon un certain nombre de règles, en premier, il faut une identification précise de nos ressortissants, nous l'avons fait convenablement à ce jour, nous allons le faire d'une manière plus efficace sur la base de documents biométriques et prises d'empreintes, deuxièmement, nous avons au moins 700 laissez-passer au niveau de nos services consulaires en Allemagne pour en faire bénéficier nos ressortissants illégaux et les faire revenir en Algérie, troisièmement, nous n'acceptons pas les charters, Air Algérie a 6 vols réguliers, elle en ramène 5 par vol, nous voudrions que la compagnie allemande Lufthansa qui fait 11 vols, accepte d'en ramener, le rythme et le nombre de rapatriés iront plus vite, les délais seront respectés parce qu'il y a une bonne entente entre l'Algérie et l'Allemagne». «L'Algérie est un pays sûr» Avant de répondre aux questions des journalistes, Ouyahia a noté qu'il y a eu hier «une excellence séance de travail entre les deux délégations algérienne et allemande, nous avons manifesté des deux côtés une forte volonté d'aller davantage vers plus de coopération économique, nous avons une coopération sécuritaire entre les ministères de la Défense et de l'Intérieur des deux pays». Il fera aussi savoir qu'entre les autorités algériennes et celles allemandes «il y a une très large concordance de visions sur les questions régionales et internationales». A propos du rapatriement des Algériens en situation illégale et sur l'émigration clandestine, Angela Merkel indiquera que «nous avons mené des discussions très intéressantes avec les autorités algériennes et ce, pour trouver les bonnes modalités pour faire rapatrier les sans-papiers, c'est la justice et le droit qui prévalent». Elle fera savoir qu'il y a des migrants illégaux de la Syrie et de l'Irak. «Nous avons besoin de partenaires et l'Algérie en est un», dira-t-elle. Elle précisera qu' «il y a des possibilités légales d'obtention de visas pour permettre aux jeunes Algériens de faire des études, des formations et pour une émigration légale». Tout en soulignant que «l'Algérie est un pays sûr», la responsable allemande relèvera que «vous êtes un pays d'accueil d'émigration irrégulière, nous voulons développer notre collaboration pour régler le problème des sans-papiers algériens en Allemagne». A une question sur l'existence de pressions allemandes ou non sur l'Algérie pour qu'elle ouvre des centres de rétention pour regrouper les migrants clandestins, le 1er ministre répondra que «nous n'avons pas abordé cette question mais l'Algérie est connue pour ses positions de principe, nous savons que nos amis européens sont très civilisés notamment l'Allemagne, ils savent que l'Algérie livre une bataille contre les migrants clandestins pour empêcher entre 20.000 et 30.000 personnes de venir chez nous pour passer en Europe». Amnesty, migrants africains et homosexuels Le 1er ministre sera interrogé par la presse allemande sur le rapport d'Amnesty International accusant les autorités algérienne d'avoir maltraité les migrants clandestins africains, brimé les libertés en Algérie et les homosexuels. «Si quelqu'un connaît un pays dans le monde qui n'a pas été critiqué par Amnesty, j'aimerai bien le savoir, votre séjour est court, mais sinon vous auriez vu les articles de presse des 166 journaux et les caricatures contre le président de la République, le 1er ministre et l'ensemble des institutions de l'Etat», répondra-t-il. A propos des homosexuels, Ouyahia dira simplement que «l'Algérie a ses traditions, on n'est pas pris dans un courant universel d'évolution, nous comptons nous rassembler autour de nos valeurs et de nos traditions». Sa réponse à propos du rapport d'Amnesty sur «les mauvais traitements contre les migrants africains» entre autres celui «de les avoir abandonnés en plein désert», sera tout aussi simple. Il rejettera totalement ces accusations en rappelant que la caravane qui a rapatrié un millier de personnes vers leur pays d'origine, «n'a eu aucun problème, les déclarations des responsables des institutions onusiennes qui les ont accompagnés sont très positives». Réfutant par ailleurs le fait que les échanges économiques entre les deux pays sont très faibles, Ouyahia notera que «l'Allemagne est le 3ème fournisseur de l'Algérie, les échanges économiques atteignent 4 milliards de dollars, les entreprises allemandes sont dans l'industrie automobile (Sovac, Volkswagen ), le marché algérien ne veut pas avoir des monopoles, nous avons 20 dossiers de partenariat en discussion avec les Allemands( ).» La chancelière allemande a elle aussi souligné en préambule de la conférence de presse que «le partenariat entre les deux pays est très étroit, nous voulons intensifier nos relations dans plusieurs domaines, nous avons 200 entreprises allemandes présentes en Algérie, nous avons une coopération dans la formation professionnelle, nous accordons une grande importance à la jeunesse, nous souhaitons apporter notre contribution à la diversification de l'économie algérienne». Elle rappellera qu'«avec la chute du prix du baril de pétrole, vous avez dû parcourir un chemin difficile( ), nous avons une coopération dans l'énergie, une coopération étroite dans la défense, nous voulons la poursuivre dans la lutte contre le terrorisme». Merkel réclame «un plein droit» à l'Institut Goethe La chancelière indiquera en outre que « si on se rend en Algérie, on doit parler du voisinage, vous avez 6.000 km de frontières avec des pays où il y a de grands conflits, on a parlé de la réconciliation au Mali où l'Algérie s'investit, je partage aussi la position de l'Algérie à propos de la crise en Libye pour laquelle on doit trouver une solution interne parce que les partenaires étrangers ne peuvent pas apporter de solutions». Elle notera aussi que «l'Algérie se trouve juste en face de l'Union européenne, on pourrait renforcer ce partenariat avec l'Europe grâce à ma visite». Elle avouera qu'«on a besoin d'une société civile ouverte pour que la jeunesse puisse apporter sa contribution». Merkel ne laissera pas passer sa visite en Algérie sans aborder le problème «d'accréditation» que l'Institut Goethe traîne depuis de longues années en raison du refus des autorités algériennes de le lui octroyer. Elle a affirmé à ce sujet que «nous souhaitons finaliser un accord culturel pour que l'Institut Goethe ait son plein droit». Elle fera savoir que «le sommet informel du Conseil européen qui va se tenir à Salzburg (Autriche) planchera sur le Brexit et les politiques communes de migration». «L'Afrique est la priorité de l'agenda», dira-t-elle en précisant que «les propositions du sommet seront informelles puisqu'il est informel.» Il est clair que les deux responsables politiques ont préféré laisser le volet économique aux hommes d'affaires algériens et allemands qui étaient, au moment de leur conférence de presse conjointe, rassemblés au siège de la chambre algéro-allemande pour discuter partenariat. La chancelière allemande a rencontré en fin d'après-midi le président Bouteflika dans sa résidence de Zéralda.