L'onde de choc des « Gilets jaunes» partie de France se propage de jour en jour dans le reste de l'Europe. « L'automne européen» s'annonce...chaud. La France à feu et pas seulement la France. L'onde de choc de la révolte des «Gilets jaunes» se propage désormais à plusieurs autres pays européens: Belgique, Hollande, Allemagne, Bulgarie. Les peuples européens se mobilisent, à des degrés divers, contre le poids des impôts et des taxes, contre l'exclusion de plus en plus des plus faibles notamment les travailleurs du bas de l'échelle sociale, contre l'expansion de la puissance des banques et de la finance, contre les élites politiques professionnelles, contre l'injustice sociale de manière générale. Sont-ce les premiers soubresauts annonçant l'agonie d'un système économique et politique arrivé à échéance? Les signes annonciateurs d'un bouleversement de la mécanique d'un libéralisme poussé ces dernières années dans une logique du jusqu'auboutisme, celle de l'ultralibéralisme ? L'étincelle jaillie en France suite à l'annonce d'une simple augmentation du prix des carburants s'est vite propagée en un incendie ravageur brûlant tout sur son passage, vomissant toutes les frustrations contenues jusque là : inégalités sociales, mépris des représentants politiques, rupture de la confiance avec les élus, progression des violences sociale, trahison des promesses électorales, discours politiques démagogiques...Ras-le-bol des systèmes de gouvernances européens dont la seule préoccupation est la rigueur budgétaire ordonnée par les puissants lobbies et places financières mondiales. Faut-il rappeler que les peuples européens (et bien d'autres) ont payé l'addition de la dernière crise financière mondiale de 2007-2008 dont les effets continuent de les presser comme des citrons? Les gouvernements ont volé au secours des banques privées pour plus de 345 milliards de dollars entre 2009- 2017 au nom et au crédit des peuples, sans leur demander leur avis. Du jour au lendemain, les peuples européens se sont trouvés en charge d'une dette virtuelle dont ils payent à ce jour les conséquences. Poursuivant dans cette logique infernale au service du capital international, le président français Emmanuel Macron s'est mû en courtier d'une gigantesque place boursière sur le dos de ses compatriotes. Partout en Europe les classes dites moyennes ont décroché pour rejoindre la cohorte des ouvriers et employés de troisième catégorie alors que dans le même temps les classes privilégiées, les riches gagnent de plus en plus. Le fossé entre riches et pauvres s'est creusé rapidement et plus profondément depuis la crise de 2007-2008. Les peuples d'Europe revendiquent un juste dû, un salaire décent et une plus juste répartition de la charge des impôts et taxes. En d'autres termes ils revendiquent du respect et de la dignité. On aura remarqué qu'aucune attaque ou revendication anti-immigré ne se manifeste depuis le début du mouvement des gilets jaunes. C'est un cinglant démenti aux théoriciens accusant l'immigration d'être à la source de la misère des européens, la cause du chômage et pire l'envahisseur menaçant leur identité. Ce sont bel et bien des français jeunes, vieux, travailleurs, chômeurs, retraités, artisans, cadre moyens etc. qui manifestent, crient, brûlent dans les quartiers les plus chic de Paris (et Bruxelles et ailleurs) et devant les institutions de l'Etat pour bien signifier d'où viennent leurs problèmes et misères. Miracle, point de casseurs venus des banlieues parisiennes et autres villes françaises. Idem en Belgique et Allemagne. Ou sont passés les commentateurs zélés, contempteurs des immigrés et banlieusards si prompts à occuper les plateaux de télés et à expliquer le mal français par la présence des immigrés fussent-ils français depuis deux générations? Novembre en France est « l'automne européen» comme fût mars le «printemps arabe» pour les arabes. C'est une lame de fond qui risque d'emporter bien de consensus sociaux, de situations acquises et d'équilibres de forces politiques. La différence avec les révoltes arabes qualifiées de «printemps», est celle de la tradition démocratique bien ancrée dans les sociétés européennes. Elles ont les moyens institutionnels et politiques de résoudre les conflits sans la violence extrême qui a marqué les pays arabes. La tradition démocratique et la présence d'une forte société civile organisée éviteront le pire aux pays européens. En revanche, plus rien ne sera comme avant. Les peuples européens ont acquis la maturité et la force nécessaires pour avoir plus de contrôle sur leurs gouvernants, pour exiger plus de transparence dans la gestion des affaires publiques et surtout plus de justice sociale. Mardi après-midi, le premier ministre français a annoncé un moratoire de six mois sur la hausse des prix des carburants et une suppression des augmentations des prix de l'énergie (gaz et électricité). Il a ajouté l'organisation de débats citoyens- élus -responsables administratifs aux niveaux régional et local pour diagnostiquer les besoins et moyens de reconstruire un nouveau «contrat social». Cela ne semble pas suffire à satisfaire les gilets jaunes qui, rappelons-le, ont une large majorité de leurs compatriotes qui les soutiennent. Le pouvoir politique français est pris au cou et craint que la révolte ne s'amplifie. Cela le peuple français l'a bien compris et négociera à la hausse ses revendications. Ailleurs en Belgique par exemple, la marche des gilets jaunes du vendredi dernier prend de l'ampleur sur les réseaux sociaux. Les gilets jaunes français promettent de venir en renfort le week-end prochain à Bruxelles. La révolte semble s'internationaliser chaque jour plus. Déjà sur le point de chuter en raison d'un désaccord de la coalition au pouvoir sur le «pacte sur l'immigration» de l'Onu qui doit être signé le 10 décembre prochain à Marrakech, le gouvernement belge n'est pas en mesure de juguler une crise sociale supplémentaire. En Allemagne et Hollande les réseaux sociaux s'enflamment et appellent à suivre l'exemple français. Tout porte à croire à un mouvement tectonique qui n'est pas près de cesser dans l'immédiat. Ce soudain réveil des peuples européens intervient à quelques six mois d'un rendez-vous politique majeur: les élections pour le parlement européen et pour certains comme les Belges , les élections générales. Du coup, en France comme en Belgique les partis politiques restés jusque là dans une certaine réserve vis-à-vis du mouvement des gilets jaunes vont certainement prendre le relais dans la surenchère et la course à l'électorat. La question est de savoir quelle offre politique, quel discours utiliser pour se réconcilier avec les peuples et assoir le consensus social et politique. Une chose est sûre: les discours du passé qui mettaient en tête de leurs agendas et discours la question migratoire et de sécurité n'ont plus de mise. Ce sera les problématiques du pouvoir d'achat, de la répartition des richesses nationales, de la transparence et de la justice sociale qui priment. «Quand les peuples s'éveillent...» « lorsque le peuple veut, un jour, la vie - la liberté-, force est au destin de répondre, aux ténèbres de se dissiper, aux chaînes de se briser» ( Abou El Kacim Echabbi, poète tunisien 1909 - 1934).