Résultat d'un malaise social et du chômage ou conséquences des difficultés économiques et politiques que traverse l'Algérie, l'émigration clandestine algérienne occupe actuellement tous les esprits, largement abordée à travers les médias et les réseaux sociaux, face à un mutisme intrigant des hauts responsables du pays. Et ce, malgré la hausse inquiétante du nombre de harraga avec malheureusement des scénarios dramatiques, des morts et des disparus en mer. La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) a encore une fois tiré la sonnette d'alarme dans son rapport annuel sur l'état des droits de l'homme en Algérie, de l'année 2018, publié dans le cadre de la célébration du 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, invitant le gouvernement à s'attaquer aux raisons qui font fuir les Algériens de leur pays. La LADDH prévient dans son rapport que « les nouvelles concernant les drames de l'émigration clandestine des Algériens à travers la Méditerranée continuent de se répandre comme une traînée de poudre ». Elle précise que des centaines, voire des milliers de personnes risquent leur vie et celle de leurs enfants et leur avenir dans l'espoir d'une vie meilleure. La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme a mis l'accent sur ce phénomène qui doit interpeller le gouvernement, vu la hausse du nombre de migrants clandestins qui prennent la mer depuis les côtes algériennes en direction de l'Europe. Sur la base des statistiques du commandement des gardes-côtes de la marine, la LADDH indique que « 2.402 tentatives d'émigration clandestine ont été déjouées par les gardes-côtes algériens sur un littoral de 1.200 km de longueur, du 5 décembre 2017 au 25 novembre 2018 ». Et d'affirmer que ces migrants clandestins algériens tentaient sur des embarcations de fortune et de la mort de passer de l'Algérie vers l'autre côté de la Méditerranée. Pour les rédacteurs de ce rapport, les statistiques des gardes-côtes de la marine ne reflètent pas le nombre réel des tentatives de rejoindre l'autre rive de la Méditerranée. Dans le même contexte, la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme affirme qu'elle reçoit entre 04 et 06 messages par jour de la part des familles de harraga disparus en mer. La LADDH cite quelques exemples qui doivent interpeler toutes les organisations et les autorités du pays. Le cas notamment d'une famille de la wilaya de Chlef qui a lancé un appel aux familles des harraga disparus il y a 10 jours et aux descendants des villes de la Marsa, afin de connaître le sort de ses enfants qui, après six jours de navigation de cinq bateaux avec plus de 41 jeunes hommes, se sont perdus en mer. Cependant, 30 harrags qui se trouvaient à bord de trois bateaux ont pu atteindre les plages espagnoles, tandis que deux autres embarcations avec à leur bord 11 personnes n'ont pas donné de nouvelle, selon la Ligue. En outre, M. Mahmoud Janan, secrétaire national chargé de la communauté et des relations extérieures de la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme, a déclaré qu'au niveau d'Annaba de nombreuses familles de harraga portés disparus depuis deux jours ont fermé la route dans un mouvement de protestation. « La plupart d'entre eux sont issus des quartiers populaires d'Annaba, tels que le Wad Al-Zahab (cimetière juif), d'autres sont originaires d'Alger, et aucune nouvelle les concernant n'a été rapporté », indique la même source. Les membres de la Ligue proposent leur concours pour lutter contre ce phénomène, en invitant le gouvernement à coopérer avec des associations actives sur le terrain, en particulier la Ligue algérienne de défense des droits de l'homme. Et de préciser que l'expérience des associations et de la Ligue peut bien apporter un plus pour juguler ce phénomène. La LADDH a appelé le gouvernement à réexaminer les besoins de cette catégorie de la jeunesse qui préfère fuir le pays. Les membres de la Ligue exhortent le gouvernement à accorder plus davantage aux jeunes tels que le transport, le logement, le travail et les installations de loisirs, de sorte qu'il n'y ait pas de tentation d'aller dans d'autres pays. Ils appellent le gouvernement à éliminer le népotisme et la bureaucratie et l'intégration du principe d'égalité et de justice. Fournir des opportunités d'emploi tout en assurant une juste rémunération. Encourager les jeunes à participer à la vie politique. Pour la Ligue, un travail de fond devrait se faire tout en s'attaquant aux raisons qui font fuir nos jeunes, entre autres l'échec des politiques sociales, économiques et politiques adoptées en Algérie, et la propagation de la corruption, ainsi que les conséquences de la baisse des prix du pétrole sur l'économie nationale et la chute (historique) du dinar algérien par rapport à l'euro et le dollar. Faut-il le rappeler, pour la première fois des actions de protestation ont été organisées pour dénoncer le mutisme des autorités par rapport au phénomène de l'émigration des jeunes. Des dizaines de jeunes ont investi la rue à Alger-centre, la semaine passée, pour exprimer leur mécontentement après la mort de plusieurs harraga en Méditerranée, des manifestations qui témoignent d'un malaise face à un phénomène qui est en train de prendre une tournure très inquiétante. Des actions qui doivent interpeller le gouvernement et la société civile.