Attaf appelle à se mobiliser autour du peuple palestinien pour soutenir la consolidation du cessez-le-feu et les efforts de reconstruction    Le ministre de la Communication rend visite à l'ancien journaliste sportif, Benyoucef Ouadia    MWC Barcelone 2025 : l'Algérie renforce ses partenariats dans le domaine des technologies    Hidaoui reçoit la cheffe du Bureau de l'UNFPA en Algérie    Le CODESA lance son nouveau site web conçu pour documenter les violations du Maroc au Sahara Occidental    Quand France Télévisions sombre dans la désinformation    Port d'Annaba: la mise en œuvre du système de travail continu donne ses premiers fruits    Foot/Mondial-2025 (U17): l'équipe nationale entame sa préparation à Sidi Moussa    Foot: lancement de la troisième phase de formation des opérateurs VAR    Accidents de la route: 27 morts et 1623 blessés en une semaine    Des pluies parfois sous forme d'averses orageuses affecteront des wilayas du pays à partir de mardi    Education nationale: le calendrier des examens pour l'année scolaire 2024/2025 dévoilé    L'université de Batna 1 obtient deux nouveaux brevets d'invention    Il y a 67 ans, le faucon du Mont Zbarbar, le commandant Si Lakhdar tombait au champ d'honneur    La Télévision algérienne organise à Alger les soirées musicales "Nuits de la Télévision"    UNICEF: mise en garde contre l'obstruction de l'aide humanitaire à Ghaza    Le centre technique régional sera inauguré fin juin    Nouvelle victoire pour la cause sahraouie contre les complots de l'occupant marocain    La FA Cup introduit des pauses pour les joueurs musulmans pendant le Ramadhan    Un ministre provocateur    548 colons prennent d'assaut Al-Aqsa le deuxième jour du Ramadhan    Ghaza : Au moins 116 personnes tuées depuis le début du cessez-le-feu    La mercuriale en légère baisse dans les marchés    Opération de dons de sang    Lancement des opérations de solidarité pour le mois de Ramadhan    Des rencontres hebdomadaires avec les agriculteurs    Ooredoo remet les 20 voitures aux gagnants du ''Quiz 20 ans''    La 5e édition s'ouvre aujourd'hui avec la participation de plus de 50 exposants    L'insoutenable et indicible odyssée-tragédie des migrants aux portes de l'Europe, ou le temps venu des rêves confisqués    La ville rebelle    Les aspects spirituels du jeûne d'après l'Ihyâ' de Ghazâlî    Le Conseil de la nation prend part à la réunion du comité exécutif de l'UIP    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie en République de Madagascar    la Direction générale de la communication à la présidence de la République présente ses condoléances    Des partis politiques dénoncent la campagne française hostile à l'Algérie    « Le respect mutuel »        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La violence politique
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 13 - 12 - 2018

Reconsidérer la violence en Algérie, comme un phénomène produit par le politique dans ses différents espaces que sont l'Etat et ses différentes institutions, permet d'indiquer les limites d'une approche immédiate, spontanée, émotive de la contre-violence sociale, et non pas la violence (ce qui est très différent).
La violence fabriquée historiquement et politiquement va façonner la société algérienne. Elle se traduit par la privatisation de l'Etat (Hibou, 1999). Cette prise de force de l'Etat-pouvoir est un détournement du politique (Lazali, 2018). Il n'hésite pas à exclure et à éliminer ses concurrents, pour se reproduire, tout en usant parallèlement du statu quo, constante dans l'histoire politique de l'Algérie post-indépendante. Statu quo et violences plurielles se conjuguent et s'entremêlent, étant les deux faces d'une même pièce. Si on oublie d'intégrer en premier lieu la dimension politique de la violence structurelle, imprégnant durablement la société algérienne, le risque est de s'inscrire dans une sorte d'équivalence naturalisée et aveugle où la violence serait présente au même niveau dans les différents pans de la société. On oublie alors de répondre à la question centrale de l'origine de la violence qui impulse de la contreviolence dans les différentes institutions qui sont l'émanation directe du politique.
La violence politique
La production politique de la violence est indissociable de la déconsidération sociale et politique de l'Autre, au sens d'altérité. Nos travaux de terrain sur la santé (Mebtoul, 2015) montrent ce mépris institutionnalisé, banalisé, se traduisant par un regard distant et furtif à l'égard de l'Autre, précisément quand la personne est anonyme, sans capital relationnel. La violence politique s'affirme au quotidien, par le silence qui humilie la personne, devenant selon ses propres termes, « moins que rien », enfoncée dans sa marginalité, prête à tout, pour tenter de sortir de la « sous-vie », selon l'expression de Nabile Farès (2017). Pour le philosophe Paul Ricoeur (2004), le mot reconnaissance signifie deux choses : être reconnu pour qui on est, reconnu dans son identité, mais aussi éprouver de la gratitude à l'égard de l'Autre. Il montre que l'absence de reconnaissance à l'égard de l'Autre, aboutit à faire valoir la violence dans la lutte pour la reconnaissance.
La violence plurielle et récurrente structure le fonctionnement du système social et politique. Il importe donc de remettre à sa véritable place, la question de la violence qui va opérer comme le levier central dans une Histoire mythifiée et silencieuse, faites de non-dits, en s'insinuant de force ou par la ruse dans les méandres du pouvoir. Ce politique fait de violence, est au cœur de notre quotidienneté (Lefebvre, 1961).
Le mérite du travail prodigieux réalisé par Karima Lazali (2018), psychanalyste, s'appuyant à la fois sur la psychanalyse, la littérature et l'histoire, est de montrer, entre autre, l'importance de la subjectivité des personnes qui ne se réduit nullement à l'intériorité, mais intègre toute leur expérience sociale, leurs confrontations aux différentes institutions. Le dedans et le dehors se conjuguent. La violence politique n'est pas étrangère à la production d'une subjectivité profondément bafouée, troublée, méprisée, peu prise en considération. Le « blanc » évoqué par Karima Lazali (2018), fait référence à l'épaisseur des interdits et censures inséparables des « assignations propagées par le dehors, le politique, le religieux, la famille. »
La subjectivité - souvent sous-estimée, à la marge d'un discours scientiste et en surplomb par rapport à la réalité quotidienne est intimement liée au politique (Balibar, 2001). Elle est un construit social et politique, qui intègre tout ce qui nous entoure dans le système social. L'histoire d'en bas, retravaillée quotidiennement par les sujets, gommée et sous-estimée, est pourtant essentielle pour nous dévoiler la part d'invisibilité du fait historique officiel et grandiloquent, faisant peu cas de ce que pensent les personnes. Force est de noter que l'arrière-plan de cette histoire, n'est pas indemne de violence. Celui-est dominé par l'accaparement, la captation, la «possessivité » (Lazali, 2018) de biens matériels et financiers. La violence de l'argent (Mebtoul, 2018) est un autre élément central au cœur du fonctionnement de la société, gommant toute autre valeur centrée sur la fraternité, la tolérance, pour laisser place à la perversion. Elle résulte fondamentalement de l'ambiance politique dominante marquée par une violence cachée, sinueuse, faites de ruses et de contournements constants, devenant bien une modalité du régime politique.
La violence comme encerclement de la pensée
La violence politique n'obéit pas uniquement à la logique de la captation de biens matériels. Elle est aussi encastrée dans un populisme ravageur et totalisant. Il s'agit de s'inscrire profondément et souvent inconsciemment dans une forme sociale d'égalitarisme qui interdit toute individuation, définie ici comme la reconnaissance sociale de la personne. Il faut être « tous les mêmes, », ne pas être l'Autre, différent, en pensant autrement.
Le tout politiquement indifférencié, homogène, conduit inévitablement à un encerclement de la pensée. La différence produit nécessairement du stigmate, de la sous-estimation de la part du collectif, d'où la difficulté de penser librement. « Car le singulier ne peut se réduire au collectif. Il le dépasse par des inventions intimes qui lui permettent de se construire un autre chemin dans le collectif tout en étant à la marge de celui-ci. Et pourtant de graves déflagrations dans le collectif viennent complètement empêcher l'émergence de singularités » (Lazali, 2018).
Cette forme de violence qui atteint les consciences, en jouant sur les peurs, le conformisme, la résignation, le faire semblant, la culpabilisation, (Mebtoul, 2018) est profonde. Elle « voyage » dans tout le tissu social et culturel, dictant de façon autoritaire ses multiples injonctions qui bloquent toute perspective d'émancipation culturelle et politique, puisque les pouvoirs pensent pour nous tous, mais sans nous.
Pour cacher cette violence politique faite d'interdits insidieux, le statu quo vient à la rescousse. Il s'agit de montrer que la société algérienne ne manque de rien, puisque le » peuple » n'a jamais été oublié, en s'inscrivant uniquement dans une sorte d'hégémonie alimentaire, qu'il s'agit de relativiser face aux multiples inégalités sociales.
Autrement dit, le pouvoir aurait « réussi » le pari de la « stabilité » définie ici comme la production d'un consensus qui ferait l'unanimité de tous et au profit de tous.
Que faut-il attendre par consensus ? Revenons donc à la philosophie politique. Pour Etienne Balibar (2001), « le consensus, loin de constituer une condition de la démocratie, constitue une forme redoutable de la violence politique, qu'il porte sur les opinions, les mœurs ou les valeurs culturelles ».
Violence politique et statu quo se conjuguent. Cette forme de « stabilité », consiste en réalité en une stagnation politique. Elle produit socialement du conformisme.
Le risque est nul. Il permet une reproduction à l'identique, qui n'est pas sans profits matériels et symboliques, pour les catégories sociales agrippées au pouvoir. Mais plus fondamentalement, le statu quo s'incruste dans les postures des personnes, devenant antinomique à toute émergence du citoyen (Mebtoul, 2018), au sens de l'individu différencié. On entendra souvent les propos suivants : « A quoi cela sert- t-il ? ». « Il vaut mieux rester tel que l'on est. » Le statu quo produit nécessairement de la léthargie politique, alors que la démocratie, est une forme d'invention perpétuelle élaborée dans la différence, pour tenter de produire un imaginaire collectif qui donne sens à notre vie, nous permettant d'être réellement partie prenante du fonctionnement de l'espace public et donc politique.
Références bibliographiques
Balibar E., 2001, Nous les citoyens d'Europe ? Les frontières, l'Etat et le Peuple, Paris, La découverte.
Farès N., 2017, L'ETRAVE.
Voyage à travers l'islam.
Hibbou B., 1999, (sous la direction), La privatisation des Etats, Paris, Karthala.
Lazali K., 2018, Le trauma colonial. Enquête sur les effets psychiques
et politiques de l'offensive coloniale en Algérie, Alger, Koukou.
Lefebvre H., 1961, Critique de la vie quotidienne. Tome II, Fondements d'une sociologie de la quotidienneté, Paris, Arche.
Mebtoul M., 2018, ALGERIE :
La citoyenneté impossible ?
Alger, Koukou.
Mebtoul M., 2015, (sous la direction), Les soins de proximité en Algérie, A l'écoute des patients et des professionnels de santé, L'Harmattan/GRAS Ricoeur P., 2004, Parcours de la reconnaissance.
Trois études, Paris, Stock.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.