Faut-il s'inquiéter de ces spasmes qui ont samedi mis à nu les tares du système quand ils n'ont pas franchement dénoncé en des termes crus le 5ème mandat ? Le fait est grave et mérite d'être relevé à un moment où la campagne électorale pour un 5ème mandat du président Bouteflika est pratiquement lancée avec en plus de gros moyens. Une direction de campagne qui n'hésite plus à annoncer de grandes décisions politiques qui viendraient couronner l'élection, éventuellement du candidat Bouteflika, en particulier des réformes qui revisiteraient la Constitution et l'actuel modèle économique. Face aux certitudes du pouvoir, épaulé selon certains candidats à la candidature par une administration pas tellement neutre, quant à la manière de gérer le pays après cette élection, dont l'issue ne fait plus aucun doute pour les observateurs, il y a ces contre-vérités, ces sorties dans la rue de jeunes qui revendiquent un autre sort à cette présidentielle. Cela devient même inquiétant avec cette colère que certains refuseraient de dire «spontanée» de jeunes dans certaines régions du pays qui ont dit «non» à un 5ème mandat. La sortie d'un stade de football à Jijel a été l'occasion pour des jeunes de manifester contre le 5ème mandat et la même revendication a été organisée près de Béjaïa, à Kherrata. La colère des jeunes est à prendre au sérieux au moment où de plus en plus de voix réclament sinon un autre sort à cette présidentielle qu'un 5ème mandat, du moins une élection démocratique avec les chances de réussite égales à tous les futurs candidats, après le tamis du Conseil constitutionnel. Or, ce qui se passe sur le terrain n'est pas tout à fait rassurant sur le climat politique ambiant, ni quant à la bonne tenue des préparatifs de ce scrutin, notamment des dépassements de l'administration rapportés par des candidats à la candidature quant à la collecte des signatures de parrainage notamment. D'autres candidats font état de pressions au moment où la campagne du président-candidat bat avant l'heure le rappel de tous les soutiens, organisations de masse, partis et personnalités. Plus grave, la direction de la campagne électorale pour un 5ème mandat s'est cependant piégée en affirmant qu'il n'y a aucune opposition à la candidature de M. Bouteflika, ce qui a été fortement contesté samedi par la sortie dans la rue de centaines de jeunes. C'est là le signal évident d'une exécrable tension politique que ne sont pas parvenus à récupérer et matérialiser les partis de l'opposition, au contraire des jeunes qui ne s'embarrassent pas de protocole. Et c'est cet appel poignant que le pouvoir doit prendre en considération, comprendre et catalyser, car il exprime mieux que les partis politiques l'extrême détresse de la jeunesse algérienne, ses espoirs perdus et son avenir hypothéqué. Peut-être plus par des promesses non tenues que par l'éventualité ou la fatalité d'un 5ème mandat qu'auraient dans la foulée avalisé les partis d'opposition en ne se présentant pas en rangs serrés face aux partis du pouvoir qui, eux, parlent d'une seule voix. Et, à bien des égards, il faut dès lors se méfier de la colère des jeunes, en particulier son instrumentalisation par quelque partie que ce soit.