Que faut-il faire des habitats en péril ? C'est l'une des questions qui taraudent l'esprit des spécialistes de l'habitat et de l'urbanisme de Tlemcen. « C'est un pansement sur une jambe de bois », nous affirment en résumé ces spécialistes de la situation de l'ancien bâti de Tlemcen, qui a vécu le passage de plusieurs dynasties, notamment les Almohades, les Mérinides et les Ottomans. Nombre d'habitations de Bab-Zir, Bab-Ali, Derb Sensla ou El Medress sont vétustes et les effondrements sont fréquents, parfois meurtriers. Selon un habitant du quartier Bab-Zir, qui alerte sur l'état des habitations de l'ancienne médina de Tlemcen, « malgré les dangers imminents que présentent ces vieilles bâtisses, de nombreuses familles restent dans leurs maisons aux pièces exiguës, très dégradées, difficiles à entretenir, sans isolation, ni électricité, ni eau, ni téléphone et sans cages d'escalier ou ascenseurs. Pire, certaines familles habitent même dans des immeubles avec une partie du toit effondrée, faute de moyen pour se reloger. Des maisons en ruine et squattées. Certains endroits sont devenus une décharge publique où l'on vient de loin y jeter ses ordures ». Récemment, le wali de Tlemcen, Benyaïche Ali, a attribué, dans une ambiance d'émotion mêlée à de la joie, quatre logements à des familles qui vivaient à même la rue sous une tente depuis le mois de novembre dernier. Un architecte privé avec qui nous avons abordé ce problème a déploré, lors d'une brève entrevue, l'absence de véritables opérations de sauvegarde et de mise en valeur de cet ancien bâti de la ville de Tlemcen. « Nous avons la chance d'avoir à Tlemcen une typologie architecturale riche et diversifiée. Si beaucoup a été fait en matière de création de nouveaux centres urbains, comme c'est le cas à Oujlida, Boujlida et Bouhanak, il n'y a pas, par contre, assez de grandes opérations de protection et de mise en valeur du bâti dans le centre ancien de la ville. Aujourd'hui, des effondrements continuent malheureusement à se produire de façon régulière, car très peu a été fait pour rénover l'ancien bâti. Les immeubles qui menacent de s'effondrer ne sont ni démolis ni restaurés. Il faut un véritable plan de sauvegarde et de mise en valeur de l'ancien bâti de Tlemcen », explique l'architecte. « Si un édifice est dégradé mais possède un intérêt historique, il faut le garder. Par exemple, dans un recoin de Derb Sensla, il y a le mausolée de Sidi El Habbak. Ces quartiers de l'ancienne médina contiennent de vieux édifices qui doivent inspirer le respect. Des habitations qui possèdent des particularités qu'il est indispensable de connaître avant de commencer des travaux de rénovation. On peut refaire des façades d'immeubles détruites avec les mêmes techniques pour conserver l'aspect architectural ancien. On peut aussi repaver le sol de la médina et installer des lampadaires, des panneaux et des fresques dans le cadre bâti de la vieille ville épousant joliment les contours de la cité moderne. On peut également aérer les quartiers pour attirer plus de visiteurs et de touristes. Il n'y a qu'à voir la Casbah où de belles choses sont en train de se faire pour la mise en valeur de ce riche patrimoine ». Pour un autre urbaniste qui a géré longtemps la ville de Tlemcen, « les risques d'effondrement de bâtiments et les décès que peuvent provoquer ces ruines nous interpellent avec insistance et nous rappellent l'impératif de s'attaquer au phénomène de l'habitat menaçant ruine qui fait l'objet d'une négligence flagrante de la part des autorités locales du fait que les responsabilités dans le traitement de ces questions ne sont pas clairement définies ou, à tout le moins, parce que les financements consacrés à la rénovation et la mise en valeur de l'ancien bâti sont insuffisants pour ne pas dire dérisoires par rapport aux enveloppes importantes dégagées pour les programmes de logements neufs, tous types confondus. Le ministère de l'Habitat doit réfléchir mûrement à cette problématique et lancer de véritables opérations de sauvegarde et de rénovation de l'ancien bâti des anciennes villes du pays ». Ainsi, face aux préoccupations environnementales, à l'augmentation du prix de l'immobilier et aux objectifs de redynamisation des anciennes médinas, la rénovation de l'ancien bâti représente un enjeu environnemental, sociétal et économique important pour la ville de Tlemcen.