Les manifestations du 22 février 2019, bien plus encadrées de l'intérieur à Alger que contrôlées/réprimées de l'extérieur dans d'autres wilayas , ne sauraient être euphorie que pour les profanes avides d'extérioriser une mal-vie sous-tendue par une angoisse de l'avenir incertain d'une Algérie talonnée et acculée par les retombées d'un Printemps Arabe qui a démantelé tous les acquis modernistes de Michel Aflak°1 et soufflé sous les ruines de Mossoul la deuxième génération de fondamentalistes sunnites à l'image d'un Saddam pendu haut et court le jour de l'Aïd par ses frères ennemis chiites ! Interviewé en février 1958 par Benoist-Méchin sur la versatilité de la foule en délire à Damas après la proclamation de la R.A.U, Michel Aflak répond : « La foule est une masse d'individus réunis par les circonstances. Le peuple est une entité permanente façonnée par l'histoire. Contrairement à la foule, le peuple sait ce qu'il veut. Il le sait même beaucoup mieux que la plupart de ceux qui le dirigent. Il ne sait pas comment y parvenir. Voilà la difficulté. C'est pourquoi il a besoin de chefs. Il se donne aveuglément à eux, tant qu'ils se donnent à lui. Mais lorsqu'ils se prennent, non pour des guides, mais pour des maîtres, lorsqu'ils trahissent ses aspirations, par bêtise, par cupidité ou par ambition personnelle, alors il les renverse !Il brûle ce qu'il a adoré et il a raison de le faire car il brûle ce qu'il a eu tort d'adorer. Il ne se donne pas des chefs pour qu'ils s'enrichissent ou se couvrent de gloire. Il ne s'en donne pas non plus pour qu'ils le conduisent au désastre. Il s'en donne pour qu'ils le fassent accéder à de meilleures conditions de vie. Ceux-là croyez-moi, il ne les abandonne jamais... Il les vénère. Seulement ils sont très rares !» in « Un printemps Arabe », Benoist-Méchin ,éditions Albin Michel,1974, p.283 . De là à se rappeler que si les trentes glorieuses furent françaises, nous constaterons que les nôtres dépassent le bicentenaire. Les démographes sont capables d'interpréter les indicateurs statistiques avec l'implication structurelle -Aurions-nous aimer-des ethno-psychanalystes et cybernéticiens sur nos plateaux TV déficitaires en matière grise à la limite inférieure des bustes de nos présentatrices fétiches... Le mimétisme national d'une populace née après l'Indépendance sous la bonne étoile d'un assistanat d'Etat populiste jusqu'à la suffisance de l'importation à outrance d'habitudes de consommation et de modèles de pensée a dépersonnalisé plusieurs générations jusqu'à la rupture avec la...réalité nationale ! Sigmund Freud°2 avait déjà souligné « le lien étroit qui relie le mimétisme au désir. La condition humaine est, entre autres, désirante : elle conduit à vouloir ce que les autres veulent, à agir comme les autres agissent. Il y a une forte composante d'imitation dans la conduite des sujets. Le mimétisme renvoie à cette tendance d'imitation qui, dans la plupart des cas, pousse à agir socialement sous l'influence des autres. Le caractère mimétique de la conduite passe inaperçu, comme une sorte d'instinct commun renforcé ou non par les cultures, selon les contextes ». Le modèle de bonne gouvernance ne saurait occulter l'érection d'une administration qui a reproduit les pratiques du Makhzen du clan d'Oujda et celui du Bec de Canard (On occulte souvent ces mouhadjirines de la frontière nord tunisienne à Oued Souf) tous deux issus de l'EMG délesté des vrais cadres de l'ALN après les ... purges . La problématique de l'élimination de Abane Ramdane est reposée de façon symptomatique dans cette interaction de la primauté du civil sur le militaire pour la pérennité des textes du Congrès du FLN de la Soummam du 20 août 1956 ! Deux régressions fécondes s'enchaînent l'une en réaction à l'autre, favorisées par la déliquescence d'un pouvoir ayant perdu l'élite pour assurer la continuité de la Révolution du million de martyrs ! La première s'accroche au seul modèle d'identification encore crédible à l'époque pour une génération frôlant le vide existentiel et la dépression suite à un déficit énorme en logements pouvant stabiliser la cellule sociale de base ; la seconde instrumentalisée par des apprentis sorciers en culturalisme et minorités qui voudraient officialiser un multi-dialecte oral millénaire pour sortir de l'emprise d'une langue écrite et séculaire! Insoluble dilemme pour les profanes issus de l'école fondamentale hallucinés par les effets spéciaux des réseaux sociaux qui feront le 22 février 2019 sans l'implication d'une opposition politique réelle. La rupture est là et totale ! De là les enseignements sont à tirer par les think tanks nationaux que nous formulerons sous les questions/hypothèses suivantes sans attendre cette conférence hypothétique après des élections : 1- Bouteflika n'est-il pas le souffre douleur d'une caste politico-administrative bi-centenaire qui voudrait justifier dans le déni du Président de tous les Algériens son incapacité à assurer l'Indépendance chèrement arrachée ? 2- L'hypothèse de l'avènement d'une deuxième République démocratique et sociale ne peut être validée que par un retour constitutionnel des textes du Congrès du FLN de la Soummam du 20 août 1956. 3- L'avenir planétaire de l'Algérie restera celui des institutions élues et non celui de l'homme providentiel. 4 -Le mode opératoire que certains surnomment Plan B reste évidemment d'actualité pour vérifier et valider les trois hypothèses ! * Ecrivain Références : 1- Michel Aflak né en 1910 à Damas dans une famille orthodoxe , mort en 1989 à Paris .Il fût le fondateur et le chef spirituel du parti de la résurrection socialiste arabe, appelé le parti Baath, pendant plus de 25 ans. Il a vécu en Syrie jusqu'en 1966 et, après avoir été contraint à l'exil, il a pris le pouvoir au sein du parti Baas en Irak. 2- Freud Sigmund, The civilization and its discontents, Londres, Hogart Press, 1930.