Le «dégagez tous» scandé par les Algériens chaque vendredi depuis le 22 février a visé en premier lieu les piliers du régime de Bouteflika qui croient avoir détourné d'eux la vindicte populaire en lâchant ce dernier et en déclarant sans vergogne adhérer aux revendications portées par le mouvement populaire. Mais si la confusion persiste sur la question du processus d'une période de transition que ce mouvement populaire ne veut pas laisser aux mains de ces piliers du régime et de la classe politique traditionnelle, celle-ci ne sera pas épargnée elle aussi par ce slogan qui fédère et amplifie la mobilisation populaire. Par leurs positions équivoques sur la question, certains pans de cette classe politique font montre de retrait par rapport à la revendication qu'expriment chaque vendredi les manifestants d'une transition en dehors du cadre institutionnel subsistant du régime honni. Ce qui suscite contre eux colère et défiance au sein du mouvement citoyen même s'ils se sont rangés à ses côtés dès qu'il a brisé le mur de la peur et fait montre de sa détermination à en finir avec le règne de Bouteflika. Depuis la rupture intervenue entre le président contesté et l'armée qui a précipité la démission du premier, ces acteurs politiques émettent des signaux en direction de l'institution militaire lui donnant à comprendre qu'ils sont disposés à prendre leur distance avec le mouvement populaire qui conteste son choix d'une transition s'effectuant dans le cadre constitutionnel pour peu qu'elle leur fasse place dans ce processus. Ils ont forgé leur attitude au constat que sans les considérer comme étrangers à lui, le mouvement populaire leur a marqué la suspicion de chercher à le récupérer pour leurs fins politiciennes. En se montrant réceptifs à la façon dont le général Gaïd Salah et l'armée entendent piloter la période transitoire ouverte par la démission de Bouteflika, ces acteurs politiques espèrent en retour être agréés par eux en tant que porte-parole de la souveraineté du peuple. Ce que le mouvement populaire leur dénie absolument et ne manquera pas de le leur signifier s'ils persistent à faire cavaliers seuls et à rechercher des compromis qui contourneraient son exigence d'une transition conforme à la volonté populaire telle qu'exprimée par la rue. L'Algérie vit une situation exceptionnelle qui doit obliger ces acteurs politiques quelles que soient leurs ambitions à reconnaître la primauté de la volonté du peuple et à ne cautionner aucune démarche visant à la supplanter faute de quoi ils verront le « dégagez tous » les cibler tout autant que les piliers du régime en décomposition.