La désignation du futur président devant gérer la période de transition, pour les 90 prochains jours, devrait intervenir, en théorie, demain mardi, à l'issue de la réunion du Parlement siégeant, en chambres réunies. Un communiqué du Conseil de la nation a annoncé, samedi ,que « suite à sa notification par le Conseil constitutionnel de la vacance définitive du poste de président de la République, le Parlement siégeant en chambres réunies (Conseil de la Nation et Assemblée populaire nationale) se réunira, mardi prochain, au Palais des Nations (Alger) ». Cette réunion des deux chambres réunies pour désigner le prochain chef de l'Etat, qui doit assurer la transition après la démission de Abdelaziz Bouteflika, mardi dernier, a été décidée après la réunion, jeudi dernier, des bureaux des deux chambres du Parlement, au siège du Conseil de la Nation sous la présidence de Abdelkader Bensalah, en présence de M. Mouad Bouchareb, président de l'APN. Cette réunion intervenait en application des dispositions de l'article 102 (alinéa 5) de la Constitution et de l'article 101 de la loi organique 16-12 du 22 Dhou El Kaada 1437 correspondant au 25 août 2016, définissant l'organisation et le fonctionnement de l'APN et du Conseil de la Nation ainsi que les relations fonctionnelles entre les chambres du Parlement et le gouvernement. La réunion de ce mardi se tiendra, selon un communiqué du Conseil de la Nation, pour appliquer l'article 102 de la Constitution, qui stipule qu' « en cas de démission ou de décès du président de la République, le Conseil constitutionnel se réunit de plein droit et constate la vacance définitive de la présidence de la République. Il communique immédiatement l'acte de déclaration de vacance définitive au Parlement, qui se réunit de plein droit. Le président du Conseil de la Nation assume la charge de chef de l'Etat pour une durée de quatre-vingt-dix (90) jours, au maximum, au cours de laquelle des élections présidentielles sont organisées, sachant que le chef de l'Etat, ainsi désigné, ne peut pas être candidat à la présidence de la République ». Mercredi dernier, au lendemain de la démission de Bouteflika, le Conseil constitutionnel avait constaté la vacance définitive de la présidence de la République et l'acte de déclaration communiqué, le jour même, au Parlement. C'est, hier dimanche, que le règlement de la réunion de demain mardi des deux chambres du Parlement, pour l'activation de l'article 102 devait être élaboré par une commission mixte, présidée par Salah Goudjil, en sa qualité de membre le plus âgé du Conseil de la Nation. Cette commission avait été installée jeudi et composée des membres des deux chambres, avec pour mission l'élaboration du règlement du déroulement des travaux du Parlement pour l'application de l'article 102. Les travaux doivent, en fait, se dérouler en deux phases : la première pour la constatation de la vacance du poste de président de la République, et la seconde pour la désignation de son successeur, à savoir le président du Conseil de la Nation Abdelkader Bensalah, selon les dispositions de cet article. Ce dernier, selon la loi fondamentale, sera désigné par les membres des deux chambres réunies pour désigner le chef de l'Etat, pour une période de 90 jours, à l'issue desquels des élections présidentielles seront tenues. Mais, ce scénario constitutionnel a toutes les chances de ne pas aboutir. M. Bensalah, faisant partie des trois personnalités, avec Nouredine Bedoui et Tayeb Belaïz, décriées par la rue, qui revendique leur démission, est dans une position inconfortable, et des scénarios ont été déjà mis en branle pour contourner l'article 102 et éviter que le président du Conseil de la Nation ne prenne les commandes du pays, même pour une courte période. Vendredi, lors des manifestations populaires pour le changement, le nom de Bensalah a été décrié, tout comme Bedoui et Belaïz, appelés par les manifestants à démissionner. Désigner, dès lors, le président du Conseil de la Nation au poste de président de la République est, donc, une entreprise risquée, et pourrait même compliquer davantage la situation. Ce qui replacerait, en première ligne, l'ANP pour poursuivre son rôle d'arbitre entre la Constitution et les demandes de la rue et l'opposition. Un choix cornélien, car l'armée a été, jusqu'à présent, autant neutre dans le débat politique que décisive dans le départ de Bouteflika. L'option d'une démission du président du Sénat est sur la table pour contourner l'écueil de l'article 102. Selon plusieurs acteurs politiques, outre l'article 102, il faut également appliquer les articles 7 et 8 de la Constitution, qui accordent la primauté aux choix du peuple. Ali Benflis, président de Talaie El Hourryet estime qu'« il faut donc écouter ce peuple. La crise que vit l'Algérie est une crise de légitimité», et depuis le 22 février le peuple exige « le départ d'un pouvoir dépassé, éculé, pour ne pas dire plus » et l'installation d'un « nouveau pouvoir au service du peuple algérien ». Pour lui, il y a une solution pour sortir du piège en appliquant les articles, bien sûr le 102, mais surtout les 7 et 8 pour proposer une personne consensuelle, qui serait acceptée par le peuple pour diriger la période de transition. Car pour M. Benflis, si la démission du président a été réglée par l'article 102 de la Constitution, la suite de la procédure d'installation d'un président consensuel doit être l'application de l'article 7, car, explique t-il, le président du Sénat ne peut être désigné chef de l'Etat du fait qu'il a été un des défenseurs du 5ème mandat, et un des personnages politiques que la rue veut faire « dégager ». Dès lors, le président du Conseil de la Nation est non seulement disqualifié, mais fait partie des hommes du système que le mouvement du 22 février veut faire partir. Pour lui et dans l'immédiat, pour régler le problème de la désignation d'un président intérimaire, il estime qu' « il faut aller aux l'articles 7, 8 et 28 » avec l'application des demandes du peuple « qui veut le départ d'un système politique éculé et absolutiste ». Pour lui, et comme solution à l'impasse, il existe autre chose que l'article 102 pour assurer la transition jusqu'à l'élection d'un nouveau président de la République. « Trois institutions ne peuvent aucunement, en l'état actuel des choses, régler les problèmes de cette succession intérimaire », explique Benflis, citant le Sénat, le Conseil constitutionnel et le Chef du gouvernement. D'autre part, Ali Benflis, pour la gestion de la crise, estime qu'il faut une gestion de 3 à 6 mois de « la transition démocratique », et « une présidence individuelle ou collégiale, dirigée par une ou plusieurs personnes intègres et consensuelles, dont la mission sera la désignation d'un gouvernement de compétences pour diriger cette période, gérer les affaires courantes, préparer un nouveau Code électoral et une commission indépendante en charge de l'organisation, du suivi et de surveillance de l'élection présidentielle ». Le scénario de la désignation d'une autre personnalité politique autre que le président du Conseil de la Nation, se met doucement en place, et des voix avancent que M. Bensalah pourrait même démissionner avant la journée de mardi, où les deux chambres du Parlement devront se prononcer pour combler la vacance du poste de président laissée par la démission de Bouteflika. Des noms consensuels sont déjà avancés, mais, pour le moment, rien n'est sûr, et la situation évolue très rapidement, car il y a par ailleurs le président du Conseil constitutionnel, 3ème personnage de l'Etat, susceptible d'être désigné si le président du Conseil de la Nation est « hors course », d'une manière ou d'une autre. Le journal gouvernemental El Moudjahid', qui a longtemps défendu le 5ème mandat, puis observé un « black out total » des manifestations populaires durant 2 semaines de suite, a, mystérieusement estimé dans son éditorial de dimanche que l'article 102 peut ne pas être pris en compte pour désigner le chef d'Etat par intérim pour gérer la période de transition.