Tous les observateurs se tournent vers la 4ème région militaire où le vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée, le chef d'état-major se trouve depuis hier pour une visite de quatre longs jours. Après un vendredi -le 8e- qui n'a pas dérogé à la règle de la forte contestation et de l'immuable revendication qui se sont installées dans le pays depuis le 22 février dernier, l'opinion publique a pris en parallèle cette autre habitude d'épier le moindre propos de Ahmed Gaïd Salah. Il est en effet attendu qu'il transmette des messages à la Nation depuis Ouargla, à travers la réunion qu'il programme de tenir durant son déplacement, avec les responsables de la 4ème région militaire. L'insistance de l'opposition pour le voir décider de la suite à donner à l'application de l'article 102 de la Constitution ne manque pas à ce décor. Rejetée elle aussi par « El Hirak », l'opposition cherche à sauver sa peau en s'arrimant au chef d'état-major qui ménage, comme il peut, «tous ceux qui lui mettent la pression» pour trouver une solution à la crise politique du pays. Il est important de rappeler que c'est le vrai-faux communiqué signé soi-disant par le conseiller le plus discret de la présidence de la République qui faisait état, entre autres, du limogeage de Gaïd Salah par Bouteflika alors président de la République, qui est venu bouleverser les événements. Le chef d'état-major a pris la décision d'appliquer «immédiatement» l'article 102. Tout s'est précipité le 2 avril dernier, jour aussi où Bouteflika a remis, après la menace de l'armée, sa lettre de démission au Conseil constitutionnel. L'opposition continue son forcing sur l'armée pour lui faire prendre des décisions qui changeraient en un tour de main toutes les têtes du système. Le président du FJD (Mouvement de la justice et du développement) a été le plus clair dans son appel au chef d'état-major. « L'armée n'a pas à insister sur la légalité constitutionnelle, elle doit faire comme les armées d'ailleurs qui ont pris les choses en main, décrété une période de transition d'un an ou plus ( ) », a déclaré Saad Abdallah Djaballah il y a quelques jours. La situation qui prévaut au Soudan semble l'avoir inspiré pour proposer une solution à l'état-major de l'ANP. Après avoir destitué le président El Bachir, le Haut-Commandement de l'armée soudanaise a décrété l'état d'exception, instauré le couvre-feu de 22h à 4h et suspendu ainsi toutes les institutions et les libertés. Tout en insistant sur la solution politique, Djaballah réfute le recours à la légalité constitutionnelle et reproche à l'armée d'avoir été «jusqu'au-boutiste» dans l'application de l'article 102. Pour lui et l'ensemble des opposants, «il ne fallait prendre de cet article que la vacance du poste de président et passer à la solution politique». La pression est telle sur le commandement de l'ANP qu'il est douteux de voir les choses évoluer sereinement. Gaïd Salah sait qu'il est difficile d'agir quand de nombreux milieux appellent à sa propre destitution. Ceux qui veulent que l'armée se révolte contre son chef continuent de le dire à chaque prise de parole. Gaïd sait surtout qu'il fait partie d'un système dont «les symboles doivent yrouhou gaa» et que cette opposition qui s'appuie sur lui ne le porte pas sur son cœur. Abdallah Djaballah l'a fortement insinué. Au début du mois de février dernier, le président du FJD qui tracte les réunions de l'opposition, avait affirmé dans la presse que «l'Algérie est dirigée par un lobby composé d'abord de l'armée, qui détient la clé de la désignation du président de la République, de la bureaucratie administrative qui a des accointances avec l'armée et enfin le lobby financier dans lequel on trouve d'anciens militaires ou leurs proches et amis». Les propos ne sont pas faux. Bien au contraire, ils démontrent que ce n'est pas par sympathie à la personne du chef d'état-major que les opposants en appellent à l'aide de l'armée. Ils sont sûrs que la rue se chargera d'aligner des pancartes aux slogans qui pourraient renseigner sur la suite des événements à venir. Selon des sources informées, le chef d'état-major devrait intervenir aujourd'hui à partir de Ouargla. Son discours est très attendu au regard de l'impasse politique qui se précise de jour en jour. «Faire démissionner Bensalah serait très grave pour le pays, on ira vers l'inconnu, mais Belaïz et Bedoui peuvent démissionner pour apaiser le feu qu'on veut attiser par tous les moyens», pensent des observateurs.