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Elections présidentielles: L'Algérie dans un «champ de mines»
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 24 - 04 - 2019

La complexité de la crise politique que vit le pays oblige au report des élections présidentielles annoncées par le chef de l'Etat pour le 4 juillet prochain.
La conférence de « dialogue et de concertation » organisée lundi dernier, au palais des Nations de Club des pins a placé à la tête de ses exigences le report des élections présidentielles. Le rapport final de la rencontre a recommandé un report de « quelques semaines ». Maître Miloud Brahimi poussera la remarque jusqu'à rappeler, avec insistance, une évidence qui oblige à ne pas tenir des élections présidentielles dans à peine deux mois. «N'oubliez pas que les missions du chef de l'Etat prennent fin le 9 juillet prochain, il est impossible de tenir des élections le 4 du même moins. Sinon, on se demande si vous vivez réellement en Algérie ou ailleurs ? » Par ces propos, le bâtonnier a synthétisé une situation de crise qui mine le pays. L'Algérie vit, en effet, depuis deux mois, à un rythme effréné d'événements, les uns plus étonnants que les autres. Les pressions exercées sur Abdelkader Bensalah sont telles qu'il est permis de croire qu'il sera obligé de « rendre le tablier » dans peu de temps. A la question sur cette éventualité de départ d'un chef d'Etat décrié par tous les milieux, la réponse a été simple. « Bensalah est connu pour être un exécutant docile et discipliné, il ne peut pas dire non à ceux qui l'instruisent », est-il affirmé. Mais, disent nos sources, « tenir des élections le 4 juillet relève de l'impossible, on n'est même pas arrivé à s'entendre sur la mise en place d'une commission chargée de les organiser alors que c'est une condition sine qua non ». Bensalah n'a pas la tâche facile, d'autant qu'il se trouve face à un pouvoir qui ne propose pas mais ordonne. L'état-major de l'ANP ne rechigne sur aucun moyen pour arriver à tenir en main une situation qui risque de sombrer dans une « anarchie créatrice » périlleuse. Les faits et propos de tous les fronts renseignent, clairement, sur la gravité de la crise dans laquelle l'Algérie végète depuis deux mois. Elle en avait tous les ingrédients nécessaires. Les institutions de l'Etat n'arrivent pas à innover en matière de « changement démocratique ». Elles activent pour plaire à un « hirak » qui profère plus la manipulation que l'esprit d'une culture politique racée.
La justice répond aux appels de l'état-major de l'ANP
Le jour de la conférence que le secrétaire général de la présidence de la République a coordonnée, des hauts cadres ont reconnu de tels faits, en notant que « le peuple qui manifeste les vendredis et nettoie sur son passage est le même que celui qui jette ses poubelles sur les trottoirs de ses quartiers, s'énerve et casse tout pour un rien (…) ». Les tentatives de lynchage de certaines personnalités témoignent d'une haine vengeresse qui fait craindre le pire pour le pays. Il faut croire que tout est fait pour que « les foules » s'échauffent davantage. Les annonces de décisions de la gendarmerie nationale et de l'appareil judiciaire d'auditionner des hommes d'affaires pour de lourds délits frisent le sensationnel. Rendus publics avec fracas, les cas auditionnés et bien d'autres, le cas Ouyahia, ont pourtant été depuis longtemps au centre de discussions interminables de petites gens. Mais la justice a fait la sourde oreille et s'est tue sous le fallacieux prétexte qu'elle avait les mains liées par « des instructions venues d'en haut ». Il serait très grave de se contenter d'un tel état de fait pour disculper une institution qui a gravement failli à ses obligations. Les magistrats et avocats ont manqué de courage pour briser l'omerta. Le silence est une forme flagrante de complicité. Ils n'ont élevé leur voix qu'une fois le « hirak » sorti. Au regard de ce soudain emballement de l'appareil judiciaire pour auditionner des hommes d'affaires présumés mafieux, il est permis de douter de la légalité des procédures engagées. Des hommes de loi l'ont prouvé par le détail. Pis, les promesses de Gaïd Salah de l'ouverture de procès par effet rétroactif et les interpellations, les auditions et les détentions préventives en cascade, cachent mal l'existence d'une relation de cause à effet. L'action judiciaire qui a fait « tomber » des personnes connues par le commun des mortels pour être « des hommes de Toufik » est intervenue une semaine après le discours du chef d'état-major de l'ANP où il accusait nommément l'ex-patron du DRS de manipulations et complots avérés. L'agitation judiciaire concorde étroitement avec les appels pressants de l'état-major militaire de juger « le clan». Sinon comment expliquer que depuis le déclenchement de la contestation populaire, seul l'appareil judiciaire a retrouvé comme par enchantement, sa totale liberté jusqu'à convoquer un ancien premier-ministre Ouyahia - en soirée et en violation de la légalité.
Des démonstrations de mauvais goût
Encore une fois, les avocats l'ont démontré en brandissant l'article 573 du code de procédure pénale. L'information des convocations judiciaires est, comme par hasard, fuitée à une échelle très large pour que les convoqués » soient accueillis par une masse populaire déchaînée et en colère. Les tentatives de lynchage sont devenues légion. Ramenés dans des fourgons de la gendarmerie nationale, d'anciens responsables et hommes d'affaires sont invectivés et accusés de tous les délits. Par ces démonstrations de mauvais goût, les institutions de l'Etat, à défaut de placer la loi au-dessus de tous, poussent l'opinion publique à piétiner la présomption d'innocence qui est un droit indéniable, à tout justiciable. Si la justice a toute latitude d'ouvrir des procès, de juger et de punir les malfaiteurs, l'on se demande pourquoi cette provocation publique de l'invective populaire. La culture de la haine a pris une ampleur effrayante, au vu et au su de ceux qui ont pris les commandes du pays. L'on rappelle que le « Hirak » avait, tout au début de ses mouvements, exigé le départ de plusieurs B. Seuls deux -Bouteflika et Belaïz- ont été destitués, à ce jour, par le pouvoir militaire. Pour le reste, il est suggéré au peuple d'être « patient et vigilant ». Gaïd Salah a repris langue, hier, avec le « Hirak » à partir de la 1re Région militaire. Il a fait, encore, état de « complots » en précisant, pour cette fois, qu'ils sont ourdis depuis 2015. L'année, faut-il le rappeler, où le général Toufik a été limogé par Bouteflika. Gaïd Salah préfère faire des rappels mais refuse de déloger les B en fonction, en raison de son obligation, a-t-il dit déjà, du respect du cadre constitutionnel. Bensalah devra alors attendre la décision militaire pour pouvoir partir. Des voix s'élèvent pour le faire remplacer par Taleb El Ibrahimi ou par Abdelmadjid Tebboune. Les porte-voix du Haut commandement de l'Armée défendent bien cet ex Premier ministre qui, soutiennent-elles « a été le premier à dénoncer la mafia et à appeler à la séparation de la politique de l'argent sale mais a été limogé par le clan, après 83 jours de sa nomination ». Reste à savoir si la justice aura le droit de remonter dans le temps - bien avant 2015 - pour « désamorcer les mines placées par l'ex DRS» comme dit par le chef d'état-major, et d'anciens clans du pouvoir qui se sont enrichis faisant noyauter la haute administration par leurs relais.


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