Le président du Conseil constitutionnel a démissionné sous les fortes pressions qu'a exercées sur lui le chef d'état-major, vice-ministre de la Défense, le général de corps d'armée, Ahmed Gaïd Salah et ce, en application d'une feuille de route «constitutionnelle». «Tayeb Belaïz a fait de la résistance avant d'accepter de remettre sa démission au chef de l'Etat», disent nous sources qui avancent que le désormais ex-président du Conseil constitutionnel «voulait s'assurer avant de quitter son poste de garanties qui protégeraient sa personne, sa famille et celle de Bouteflika». Le général de corps d'armée a cédé, hier, à la pression de la rue en renvoyant en premier un des quatre B (Bensalah, Belaïz, Bedoui, Bouchareb). Il est d'ores et déjà dit que le 1er ministre Noureddine Bedoui suivra de fait le même chemin que Belaïz. Sa démission est annoncée par plusieurs réseaux comme étant «imminente». D'aucuns la qualifient de «décisive pour être une réponse de l'armée aux revendications impératives du hirak». La démission de Bedoui serait, selon des observateurs, «une suite logique aux événements». L'on dit que Abdelkader Bensalah a voulu présenter sa démission bien avant Belaïz mais Gaïd Salah a refusé estimant que «le moment n'était pas encore venu». Le cadre constitutionnel sera dangereusement menacé par un départ de Bensalah sans alternative précise et obligera l'armée à agir comme pouvoir militaire de fait occultant tout pouvoir civil. «C'est la boîte de Pandore !» s'exclament des observateurs qui affirment craindre «le pire, le début d'une libylisation (Libye) de l'Algérie même si elle se fera très lentement». Gaïd Salah se trouve aujourd'hui devant un dangereux virage qui devra en principe l'obliger, pour «éviter le pire», à adopter une attitude des plus fermes face à toutes les pressions de quelque partie qu'elles soient. Ceci, s'il persiste à agir uniquement dans le cadre constitutionnel. L'universitaire Mohamed Laagab nous indique cependant que quelles que soient les démissions, le cadre constitutionnel sera préservé. Il nous en explique «la feuille de route» qui a été mise entre les mains du chef d'état-major. «Feuille de route» pour «transition exceptionnelleet complexe» «Avant de démissionner à son tour, et le plus vite sera le mieux, Bensalah devra désigner un nouveau président du Conseil constitutionnel en remplacement de Belaïz. Le nouveau président démissionnera tout de suite à son tour du Conseil constitutionnel et deviendra par la force de la Constitution chef de l'Etat en remplacement de Bensalah. Le nouveau chef de l'Etat nommera tout de suite après sa prestation de serment un nouveau président du Conseil constitutionnel et convoquera le corps électoral pour la tenue des élections présidentielles dans un délai ne dépassant pas 90 jours (art.120 de la Constitution). Bedoui démissionne à son tour ou avant Bensalah, peu importe, et c'est le nouveau chef de l'Etat qui a la prérogative de le faire remplacer par un autre. Et comme il ne peut faire partir ni désigner les membres du gouvernement, il faudra que les quatre ministres les plus décriés par l'opinion publique (l'Intérieur, les Finances, l'Education et la Culture) démissionnent de leurs postes, le chef de l'Etat pourra ainsi désigner leurs remplaçants. Si le ministre des Finances n'est pas remis à son poste de gouverneur de la Banque centrale, le nouveau chef de l'Etat pourra en nommer un nouveau, crise politique oblige», dit Laagab qui a déjà eu à rendre publics ces éléments. D'autres analystes continuent de croire que le remplacement de Belaïz devrait se faire par une personnalité, membre de la même institution. Une fois «élue» par les 11 autres membres du CC, elle sera installée par le chef de l'Etat, Abdelkader Bensalah qui, à son tour, sera remplacé après démission par un membre du bureau du Conseil de la Nation. Le nom de Salah Goudjil, doyen des sénateurs, est avancé sans hésitation. L'on nous apprend, par ailleurs, que des personnalités partisanes et universitaires dont les noms sont avancés ici et là depuis le déclenchement du mouvement populaire pour commander le pays, ont été approchées récemment par un «groupe de sages» pour se présenter «ouvertement et publiquement comme acteurs directs dans la gestion de la période de transition». Ces «intermédiaires» ont, selon nos sources, essuyé un refus catégorique parce que «les personnalités contactées leur ont fait savoir qu'elles préfèrent se mettre en réserve pour participer aux élections présidentielles et de là bénéficier de postes importants dans l'après-transition». Au nom du «hirak» Aujourd'hui, un nom est proposé avec force pour devenir chef de l'Etat durant la période de transition, en remplacement de Bensalah. C'est celui de Ahmed Taleb El Ibrahimi, cet ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur. Réputé «islamiste du courant de l'ex-Fis» mais aimant le jazz et la musique andalouse, El Ibrahimi est proposé comme «personnalité politique nationale racée, sage et sans tuteur de l'ombre». Le nom de Ahmed Benbitour est aussi proposé «mais très loin derrière». Ceci n'empêche pas les réseaux occultes d'agir «efficacement» pour se repositionner et placer leurs hommes au fur et à mesure que les revendications du hirak portent leurs fruits. L'on s'attend d'ailleurs à ce que d'autres exigences soient formulées par la rue au fur et à mesure que les démissions deviennent effectives. Comme écrit dans ces colonnes, réseaux et lobbys d'ici et d'ailleurs font couler l'argent à flots à plusieurs niveaux et activent à travers des alliances contre-nature où se confondent régionalisme, clanisme et affairisme. «La technostructure qui est étatique est prise en otage par les oligarques depuis plus de 30 ans, il ne faut pas se leurrer, il n'y a pas que les oligarques qu'on pointe du doigt et qu'on veut juger, il y a toujours ces nombreux larbins qui travaillent dans les administrations et autres officines qui servent des milieux encore puissants», affirment nos sources. Ce sont ceux-là mêmes qui ont misé sur Liamine Zeroual et qui auraient, selon nos sources, été obligés de changer leur choix devant «les grands soucis de santé (entre autres problèmes d'élocution) qui handicapent l'ancien président de la République». Pour rappel, Zeroual a fait savoir il y a plusieurs jours à l'opinion publique par voie de communiqué qu'il a été contacté par Toufik, l'ex-patron du DRS, pour lui proposer de présider une instance de transition. Communiqué qui est, comme déjà écrit encore dans ces colonnes, une affirmation que Mohamed Médiène agit directement et comme il l'entend, dans la gestion et la manipulation de la crise du pays. Hier, le chef d'état-major l'a reconnu publiquement et a accusé nommément l'ex-patron du DRS. «J'ai déjà évoqué, lors de mon intervention du 30 mars 2019, les réunions suspectes qui se tiennent dans l'ombre pour conspirer autour des revendications du peuple et afin d'entraver les solutions de l'Armée nationale populaire et les propositions de sortie de crise», a-t-il noté. Gaïd accuse et menace Toutefois, dit-il, «ces parties, à leur tête l'ex-chef du Département du renseignement et de la sécurité, ont tenté, en vain, de nier leur présence dans ces réunions et d'induire en erreur l'opinion publique, et ce, en dépit de l'existence de preuves irréfutables sur ces faits abjects». Il rappelle encore que «nous avons affirmé, ce jour-là, que nous allions dévoiler la vérité, et les voici continuer à s'agiter contre la volonté du peuple et œuvrer à attiser la situation, en approchant des parties suspectes et inciter à entraver les solutions de sortie de crise». Gaïd Salah menace Toufik en faisant savoir qu'«à cet effet, je lance à cette personne un dernier avertissement, et dans le cas où il persiste dans ses agissements, des mesures légales fermes seront prises à son encontre». L'on s'interroge néanmoins sur les raisons qui l'empêchent d'agir vite puisqu'il a «des preuves irréfutables». A moins qu'il attende que la situation dégénère par les effets du «fait accompli». Mais les dégâts seront ravageurs même s'il a promis hier que «la décision de protéger le peuple, avec ses différentes composantes, est une décision irréversible et dont nous ne dévierons point». La forte confrontation entre le Haut Commandement de l'armée et «l'Etat profond» avec toutes ses forces apparentes et occultes internes et externes, celle de l'argent et de l'information entre autres, est dévoilée au grand jour. A ceux qui veulent le sortir du cadre constitutionnel, le chef d'état-major promet que «nous, en tant que Haut Commandement de l'Armée nationale populaire et face à la responsabilité historique que nous assumons, nous respectons parfaitement les dispositions de la Constitution pour la conduite de la transition, et je voudrai réitérer que toutes les perspectives possibles restent ouvertes afin de surpasser les difficultés et trouver une solution à la crise dans les meilleurs délais». Il estime qu'«ainsi, l'étape principale étant concrétisée, elle sera, certainement, suivie par d'autres jusqu'à la réalisation de tous les objectifs escomptés, et ce, sans perturber le fonctionnement des institutions de l'Etat, qui devraient être préservées pour permettre la gestion des affaires de l'Etat et les intérêts de nos concitoyens». De son rôle d'arbitre qu'il a tenu juste avant la destitution de Bouteflika, l'état-major de l'ANP a pris depuis totalement en main la destinée du pays. Rien ne se fait sans l'aval du pouvoir militaire avec en face une opposition qui attend d'être placée, des partis politiques qui se déchirent, un hirak de revendications sans fin et des frontières en feu. Gaïd Salah se place sur tous les fronts. Dans la 4ème Région militaire, il supervise depuis lundi des manœuvres militaires aériennes et terrestres avec minutions réelles. L'opération «Enedjm essatii (l'étoile étincelante)» n'est pas la première du genre qu'il mène dans les différentes régions militaires. Celle-là, elle l'est au titre de l'exécution du programme de préparation au combat pour l'année 2018-2019.