Il est clair, dans l'esprit de tous les Algériens, que le Front de Libération Nationale (FLN) historique originel, le fabuleux libérateur de notre pays, occupe une place privilégiée dans nos cœurs et nous lui vouons un respect sans limites. Dans la mémoire collective, il est couvert d'une sorte de sacralité. Il est totalement hors de propos de le lier, encore moins de le confondre, à la version postindépendance, galvaudée et souillée jusqu'à la laideur. En termes clairs, on a sournoisement dévoyé le vaillant parti pour le remplacer par son antithèse, hideuse. Alors, ne mélangeons pas serviettes et torchons. Aussi, par déférence à notre valeureux parti, je me refuse d'utiliser le sigle FLN pour la suite du présent article. Appelons le, tel qu'il est actuellement, Front Travesti, FT. Il n'est pas sans utilité de rappeler certains faits et réalités que l'on a tendance, par les temps qui courent, à éluder et faire oublier au citoyen. Que l'on ne cède pas aux chants des sirènes qui tentent à présent de redorer le blason d'un parti noirci, noyé depuis des lustres, jusqu'au cou, dans une mouise en putréfaction avancée, par la volonté d'une caste de dirigeants sans vergogne, escobars en titre. Restés trop longtemps sous la cape du pouvoir ou en partie à sa périphérie, syndrome de Stockholm faisant, les caciques et autres dirigeants du FT, entrainant des militants dans leur sillage, obéissent aveuglement aux «injonctions d'en haut» et adoptent des comportements et des positions dictés par la logique du régime. Les lectures politiques sont lisses, sans aspérités, et univoques. Il faut bien marcher au pas. Dans la chapelle partisane et au sein des appareils, règne généralement un ritualisme linéaire, rythmé de temps à autre de verbiages à l'esclandre. Ces derniers, lorsqu'ils n'ont pas de règlements de comptes ou de coups bas comme visée, servent de parades à une démocratie de façade que des vaudevilles attitrés sont chargés de vendre. L'exemple le plus illustratif de cet état d'esprit est le malheureux épisode de l'Assemblée Populaire Nationale, survenu durant le mois d'octobre 2018. Le spectacle était affligeant. Le président de l'APN, Said Bouhadja, au demeurant pur produit de la maison, a été illégalement destitué, chassé de la manière la plus humiliante. Le plus offusquant fut l'ignoble fait de cadenasser l'entrée de l'auguste institution. Le hic, l'inimaginable, est que le même scénario est en cours de montage pour déloger l'heureux élu d'hier, candidat de proue d'il y'a quelques mois seulement, Mouad Bouchareb, en l'occurrence. Qui ne se rappelle pas comment ce dernier a été plébiscité en grande fanfare pour remplacer son camarade. Le groupe parlementaire du FT a décidé, en ce mardi 21 mai 2019, de geler ses activités au sein de l'APN jusqu'au départ du poulain déchu. Rien que ça ! Décidemment, le FT ne changera point ! On ne le dira jamais assez. Embourbé dans ses contradictions et ses luttes intestinales, le parti, dit de la majorité, n'en finissait pas de nous servir des spectacles de bouffonneries de très mauvais goût. Les mascarades se succédaient aux kermesses folkloriques, ayant toutes pour titre de distinction commun l'allégeance absolue aux tenants du pouvoir, à 'Fakhamatouh'', et la génuflexion pavlovienne face à tout ce qui représente ou symbolise l'autorité de l'Etat. La chapelle FT a fait de l'affairisme, de l'intrigue, de la tromperie ... Sa religion. Vitrine légale au service du pouvoir, elle a toujours attiré les clientèles et autres charognards en quête de strapontins ou de privilèges. Les encartés du parti, plutôt que d'être dans un esprit de militantisme, sont, pour une bonne frange, dans une logique de retour d'ascenseur, voire de prédation. Le parti était convoité pour les privilèges qu'il pouvait offrir. Il était en même temps craint pour le pouvoir qu'il symbolisait. Une blague qu'on se racontait dans les années soixante dix, reflète parfaitement cette réalité, du temps du parti unique. Dans un autocar, plein à craquer, un homme se fait écraser le pied par son voisin, qui avait l'allure d'une personne socialement aisée. Bien que souffrant le martyre, le pauvre résista longtemps sans mot dire. N'en pouvant plus, il finit par se résoudre à demander au bonhomme, poliment, du bout des lèvres, s'il était du parti. Pas du tout, monsieur, répliqua l'homme tout étonné. Notre héros, enfin soulagé, lança à son voisin, avec assurance : alors arrêtez de m'écraser le pied. Le sigle FLN et ce qu'il représente comme symbolique révolutionnaire a été, de tout temps, savamment, cyniquement, exploité pour asseoir un régime totalitaire. Les rivalités politiques se sont toujours disputées le contrôle de cet appareil, incontournable, en tant que soutien et légitimateur du pouvoir absolu. Toutes les errances politiques ont été couvertes de la sorte. Face à la dérive ahurissante du Front Travesti, les pères fondateurs du FLN, parmi ceux ayant survécu à la guerre de libération, à l'instar de Krim Belkacem, Mohamed Khider, Hocine Ait Ahmed et Mohamed Boudiaf, ont préféré se démarquer et quitter définitivement les rangs du parti. Durant le règne du président Houari Boumediene, le parti unique fut partiellement mis en veilleuse. Néanmoins il continuait à jouer le rôle de mobilisateur au bénéfice du pouvoir, de promoteur des actes et décisions politiques de l'époque et d'applaudimètre du fait du prince. En retour, ses dirigeants, certains constituant une bonne conjonction de forbans, gardaient des avantages conséquents et en glanaient d'autres. L'avènement du président Chadli Bendjedid à consacré le grand retour, en force, du FT. Pour contrôler la vie associative et verrouiller le jeu politique, on a inventé le fameux article 120 des statuts du parti, promulgués par le comité central au cours du congrès extraordinaire du mois de juin 1980. L'innommable article stipulait : 'Le parti du Front de Libération Nationale joue le rôle d'impulsion, d'orientation et de contrôle vis-à-vis des organisations de masse. Sans se substituer à elles ou affaiblir leurs capacités d'initiative. Ne peut assumer des responsabilités au sein des organisations de masse que celui qui est militant structuré au sein du parti. Le comité central arrêtera les étapes d'application de ce dernier principe''. C'est là l'expression, on ne peut plus clair, du Parti-Etat. En soit, l'article 120 était une sorte d'autorité invisible, une loi d'Etat à ne pas transgresser. Il contraignait même des commis de l'Etat, des ministres et autres responsables, tous secteurs confondus, à adhérer au parti. L'élite non encartée au parti, non soumise, la plus compétente et la plus intègre, fut systématiquement marginalisée, traitée en paria, privée de toute possibilité d'évolution de carrière dans les hautes fonctions de l'Etat. On a ainsi laminé un potentiel humain de qualité et privé le pays des services de ses meilleurs cadres, ses meilleurs enfants. Une sorte de néo-indigénat était instaurée dans l'Algérie indépendante. Triste et affligeante réalité, la fausse et perverse pâle copie du FLN a joué, on lui a fait joué vous dira-t-on, les plus mauvais rôles. Ce parti a été toujours impliqué, directement ou indirectement, dans la conduite des affaires de l'Etat et de la société. Sa responsabilité quant au bilan, bon ou mauvais, plutôt désastreux de l'avis général, est pleine et entière. Du fait de l'article 120, entre autres, les idéologies et les mouvances, autres que celles du FT, qui pouvaient s'exprimer tant bien que mal à travers certaines organisations de masse ou estudiantines, se sont trouvées muselées. Les seuls espaces qui leur restaient étaient, fatalement, la clandestinité ou la prison. Ce n'est qu'en juillet 1987, sous la présidence de Chadli Bendjedid, qu'un assouplissement de la loi sur les associations fut opéré. La tutelle légale du FT sur le monde associatif prenait fin. Le 'super-parti'' perdait une dent, mais pas sa nature. Le multipartisme fut consacré par la nouvelle constitution, adoptée en février 1989. Le vieux loup, pour paraphraser un proverbe anglais, perdait encore quelques dents mais gardait, et garde toujours, intacte sa nature. Congruent à toute situation, dotée de fortes capacités d'adaptation, de manipulation, de récupération, et autres valeurs du registre de l'intrigue, il a vite fait de mobiliser ses troupes pour exploiter la nouvelle situation à son avantage. Instrument du pouvoir, il fut amplement aidé en cela par les tenants du gouvernail. Mieux encore, le foisonnement de partis politiques lui a rendu le meilleur service. Dans la nouvelle architecture politique, il est resté, démocratiquement parlant, parti unique que l'on appelle, sournoisement, parti de la majorité. Sur un plateau d'or, on lui offrit, gracieusement, une couverture politique afin de régner en maître absolu sur la scène politique. Dès lors, il pouvait tout se permettre au nom de la démocratie. La seule petite corvée qu'il avait à accomplir, démocrature oblige, était le truquage des élections, à son avantage bien entendu. Une sinécure dirions-nous, la machine des quotas décidés hors urnes étant très bien huilée. Ajouter à cela le fait, déterminant, d'avoir le bénéfice de la logistique de l'Etat et ses moyens de communication et de propagande. A la fois, servile serviteur du pouvoir et détenteur de certains pouvoirs, le parti s'autorisait turpitudes, reniements, incongruités, versatilités, coups bas, coups fourrés...la liste est longue. Allant de dérive en dérive, perdant tout sens de la mesure, le FT à fini par se couper du peuple. Il a réussi une prouesse unique dans les annales politiques : s'ériger en parti honni par la quasi-totalité du peuple qu'il est sensé représenter et servir. Il convient de souligner que le vomissement du FT par le peuple ne date pas d'aujourd'hui. Rappelons-nous comment les structures du parti, et tout ce qui le symbolise, ont été prises à partie lors des tragiques évènements du 05 octobre 1988, ayant ravi à la vie près de 500 personnes, en grande majorité à la fleur de l'âge. Le désagréable ressentiment citoyen envers ce parti s'est exprimé à diverses autres occasions. Lors des élections communales et départementales du mois de juin 1990, largement dominées pa le Front Islamique du Salut (FIS), le FT n'a obtenu que 28% des suffrages exprimés. Il allait encore être désavoué par les électeurs aux législatives de décembre 1991. Les urnes lui concèderont environ 24% des voix. On parlait alors de vote sanction contre le FLN, entendre FT. La raison n'est pas à chercher ailleurs que dans la nature perverse du couple pouvoir-FT, despotique, corrompu et corrupteur. Pour toutes ces raisons, et bien d'autres, le Front Travesti occupe de nos jours une place de choix, de premier plan, parmi les disqualifiés politiques les plus bannis. Il fait l'unanimité autour de sa radiation du registre politique. Résistera-t-il au tsunami populaire ? Omar Khayyâm, savant et écrivain persan musulman (1048-1131), disait : 'lorsque survient le temps des bouleversements, nul ne peut le fuir ou arrêter son cours, d'aucuns parviennent à le fructifier''. Cette citation trouve ses meilleurs adeptes parmi le personnel du FT et ses acolytes, RND and co. Décrié par les citoyens, obnubilé par l'idée de céder des espaces de privilèges indument acquis, d'être sevré de bénéfices de la rente, de perdre des pouvoirs illégitimement arrachés, de voire lui échapper l'ascendance sur la scène politique, le FT use de ses vielles méthodes, habitus consubstantiels à son existence, nouvelle version bien entendu. Pour se recycler, il use de toutes sortes d'expédients. Des 'zombies'', ayant une inclination maladive à la tromperie, sont à l'œuvre. Ils usent de tous les subterfuges pour mettre sous l'éteignoir le rôle capital joué par leur parti dans le soutien, la promotion et le maintien du système, avec un zèle sans commune mesure. N'en déplaise à tout ce beau monde, aujourd'hui, le peuple connait les siens. IL ne s'en laissera plus conter. Sa volonté est inexorable. Dans sa quasi-entièreté, il rejette le FT et exige que le FLN authentique rejoigne le musée de l'histoire. Tel était, par ailleurs, depuis fort longtemps, les vœux de bon nombre de chefs historiques de la révolution. Les usufruitiers en ont décidé autrement, hélas. Longtemps privé d'expression et de liberté, le peuple veut s'en abreuver, à satiété. La seule vue d'une figure dirigeante du Front Travesti, du RND et consorts, lui coupe l'appétit. Il leur dit, sans ambages : Vous ne nous tromperez plus, dégagez, il n'ya plus rien à gratter, vous nous pompez l'air. * Professeur-Ecole Nationale Supérieure de Technologie.