Le jeûne et la fatigue n'ont pas eu raison de la mobilisation en ce dernier vendredi du Ramadhan, le 15e depuis le début des manifestations le 22 février dernier. À Alger, plusieurs dizaines de milliers de manifestants ont battu le pavé entre la place du 1er Mai, place des Martyrs, la rue Didouche Mourad, et ce qui reste de l'espace non occupé par l'armada des camions et policiers anti-émeutes à la Grande Poste. Les premiers manifestants étaient déjà aux environs de la Grande Poste, dès 10h du matin. Des dizaines au début, avant que leur nombre n'augmente sensiblement deux heures plus tard. Ramadhan oblige, le niveau de fréquentation des rues d'Alger n'était pas celui précédant le mois sacré. Ce n'est qu'après la prière du vendredi que les flux humains sortaient de toutes parts en provenance des rues et ruelles pour se diriger vers les grandes artères de la capitale. Vers 14h30, la rue Hocine Asselah et le boulevard Zighoud Youcef reprennent vie avec l'arrivée des premiers manifestants respectivement en provenance de Bab El Oued et la Casbah, et de la place du 1er Mai et la rue Hassiba Ben Bouali. Après des moments d'hésitation, les manifestants décident de se diriger vers la place des Martyrs, appelant ceux qui sont déjà montés vers la Grande Poste à les rejoindre. « Koulouha, Koulouha » (Mangez-là, Mangez-là) scandent les manifestants à l'adresse des policiers qui interdisaient l'accès à la Grande Poste en fermant plusieurs accès menant vers la placette. Durant leur marche vers la place des Martyrs, les manifestants ont chanté les slogans habituels exprimant le refus des élections du 4 juillet et tout scrutin organisé par El 3issaba. L'exigence du départ des «3 B», ainsi que «Djeich Chaab Khawa Khawa» et «Gaïd Salah m3a El 3issaba» n'ont été aussi réitérés. Au niveau du siège de la wilaya d'Alger et de l'APN, les manifestants chantent «Klitou Leblad Y'a Serraqine ». Le rassemblement à la place des Martyrs a duré une vingtaine de minutes avant que les manifestants (particulièrement ceux en provenance du 1er Mai) ne rebroussent vers le boulevard Zighoud Youcef à la vue des camions de police anti-émeute venus protéger les alentours de la Grande Mosquée où devait se dérouler le soir même la cérémonie de Leïlat El Qadr, probablement en présence de Abdelkader Bensalah, le président de l'Etat, vu le dispositif installé dès la prière du vendredi. Dans leur repli, les manifestants « annoncent » qu'ils marcheront le jour de l'Aïd El Fitr: « Nhar El Eïd Kayen Massira » qui coïncidera avec le mardi ou mercredi prochains. Jusqu'à 17h, on entendait encore des slogans à la place Audin, ainsi que le bruit incessant des hélicoptères. Mais une bonne partie des manifestants était déjà sur le chemin du retour. RDV est pris pour l'Aïd, peut-être, mais certainement pour vendredi prochain , le 16e de la série. Dégagez Le fait de sortir manifester par cette journée, du vendredi 31 mai, relativement chaude, surtout quand on reste exposé au soleil, c'est déjà un signe de bonne santé du « Hirak », estiment des manifestants, en réaction au constat d'une participation pas assez nombreuse des citoyens en ce 15e vendredi consécutif des manifestations. Il n'y avait pas grande foule, hier, dans le centre-ville de Constantine, dont les rues constituent des lieux de prédilection des manifestants. Tout juste quelques carrés bien organisés, dans les rangs desquels les manifestants ont réitéré leur plaidoirie en faveur du départ des symboles du système, Bensalah et Bedoui, dont les noms scandés sont suivis par «Dégagez». Des banderoles, il y en avait également, et dont les écrits portent sur cette exigence du départ du gouvernement et de l'organisation d'une élection sans fraude. D'autres manifestants, qui marchaient en silence, avaient placé des bouts de papiers sur leurs bouches, pour exprimer leur choix de ne rien dire. «Ne pas parler jusqu'à la chute du système», pouvait-on lire sur les bouts de papiers en question, ainsi que sur des écriteaux exprimant la même position. Est-ce une autre manière de refuser le dialogue, dans les conditions actuelles, auquel appelle le chef d'état-major de l'armée? « Après la chute du système, on peut toujours parler, se concerter, dialoguer, mais pas avant », nous dira carrément un manifestant interrogé sur le sens des écrits exhibés. Bien évidemment, les slogans « cultes » des manifestations n'ont pas été en reste lors de ce 15e vendredi des manifestations, à l'enseigne de « Klitou lablad ya sarrakine » (vous avez dépouillé le pays voleurs), « Algérie libre et démocratique », « Etat civil et non militaire », ainsi que d'autres chants patriotiques.