Choqués, consternés plus d'une cinquantaine de manifestants dont des journalistes se sont rassemblé hier, près du Tribunal de Sidi M'Hamed pour réclamer la libération des 17 détenus arrêtés, vendredi dernier, dont 13 ont été écroués, au motif qu'ils auraient commis des actes d'atteinte à la souveraineté nationale. Les 13 personnes arrêtées et écrouées sont poursuivies pour port de drapeau amazigh, lors des marches du 18ème vendredi de manifestation pacifique. Ils ont été placés sous mandat de dépôt et incarcérés à la prison d'El Harrach. Les mis en cause sont accusés de «porter un drapeau qui porte atteinte à l'unité nationale» selon les avocats. «Le peuple veut la libération des détenus» ont scandé les manifestants, devant l'impressionnant dispositif sécuritaire. En rappelant l'engagement des magistrats et des procureurs pour qu' «aucun manifestant pacifique ne sera jugé par eux». Les avocats de la défense se sont réunis hier dans l'après-midi au Tribunal de Sidi M'Hamed pour décider soit de faire appel ou de demander la liberté provisoire auprès du juge d'instruction dans l'examen du dossier dans le fond. Car, selon certains avocats, «la décision de mandat de dépôt peut prendre du temps». D'autres insistent, ils veulent faire appel en précisant que «l'article 79, bien qu'il relève du correctionnel, ses dispositions sont lourdes, car il évoque l'atteinte à l'intégrité du territoire national, les personnes poursuivies encourent un emprisonnement d'une durée d'un à dix ans», dira Me Imasseoudène Saliha. Les avocats de la défense ont tous attesté qu'il n'existe aucun soubassement juridique qui justifie l'arrestation de ces jeunes. «Ils n'ont pas brûlé l'emblème national, ils n'ont pas porté des armes, ils n'ont pas tenté de diviser le pays, au contraire la plupart avait les deux drapeaux», en s'interrogeant «où est l'atteinte à l'intégrité territoriale ?» Aouicha Bakhti a affirmé pour sa part que «c'est une affaire qui n'a rien de juridique mais c'est une affaire politique, d'où la nécessité d'avoir une grande mobilisation pour la libération de ces jeunes et de tous les détenus politiques». Me Imassaoudène Saliha a conclu : «on fait dans la diversion, on est tous là pour le port de l'étendard amazigh alors qu'on devait, normalement, se rassembler pour des questions de fond afin qu'on puisse édifier un Etat civil de droit» . Des partis politiques dénoncent les poursuites judiciaires «politiques» Le militant et cadre du Parti des travailleurs, Ramdane-Youssef Taazibt, présent au rassemblement, hier, a affirmé que son parti avait déjà affirmé, juste après l'arrestation de Louiza Hanoun incarcérée à Blida, que «son arrestation est un tournant dans la politique qui a choisi la voix de la répression et les arrestations». Et d'ajouter : «nos pronostics se sont avéré justes avec le temps, arrestation et répression des étudiants, les vendredis les accès vers Alger sont bloqués, il y a des pressions sur les médias, sans parler de cette dernière arrestation des jeunes qui ont porté le drapeau amazigh, une véritable aberration». Pour Taazibt, l'arrestation de ces jeunes «prouve, encore une fois, qu'on est face au même régime qui a toujours jouer la carte de la division». Le Front des Forces Socialistes a dénoncé, dans un communiqué, la mise en détention de citoyens algériens qui portaient le drapeau amazigh et condamne les poursuites judiciaires entreprises contre eux, basées sur des accusations dénuées de tout fondement. «Porter le drapeau amazigh est un acte qui atteste l'appartenance à l'identité et à la culture amazigh, facteur d'intégration de l'ensemble nord-africain et ne peut, en aucune manière et sous aucun prétexte être assimilé à une tentative d'attenter à l'unité nationale et à l'emblème national» lit-on dans le communiqué. Pour le FFS, «cette campagne est une véritable contre révolution menée contre le sursaut populaire pacifique engagé avec succès, depuis plus de quatre mois maintenant». Les membres du parti ont exigé la libération immédiate et sans conditions de ces détenus et l'annulation des poursuites judiciaires. Et de regretter : «l'instrumentalisation de l'appareil judiciaire dans cette opération montre, une fois de plus, que la justice est toujours sous l'emprise des injonctions et qu'elle échappe toujours à la seule motivation des lois». Pour sa part, le Satef a dénoncé l'arrestation de ces jeunes et leur mise sous mandat de dépôt «car ils ne sont responsables d'aucun crime», lit-on dans un communiqué. Pour le Satef, «l'identité amazighe est ancrée sur tout le sol algérien et consolidée dans la constitution algérienne, aucun article dans la constitution algérienne ne criminalise le fait de porter ce genre d'étendard». Le syndicat regrette qu'«au lieu de chercher à trouver des solutions à la crise que vit notre pays, le pouvoir réel joue dans la provocation et la diversion !