Moins médiatisée que celle de 2018, l'édition 2019 du baccalauréat, marquée par un déroulement normal des épreuves, loin du stress de la fraude, même s'il y a eu une coupure des réseaux sociaux, aura été quand même un échec, de l'avis de certains syndicats denseignants. Les résultats communiqués jeudi par l'Office national des examens et concours (ONEC) ont déçu plus d'un au sein des milieux syndicaux des enseignants. En effet, le taux de réussite de la session 2019 a été de seulement 54,56% pour un nombre global de candidats de 674.831, dont 411.431 scolarisés et 263.400 libres, selon le ministère de l'Education nationale. Par contre, le taux de réussite de la session 2018 a été de 55,88%, soit un peu plus élevé comparativement à la session 2019, qui n'a pas connu par contre de gros mouvements de protestation sociale des syndicats, ni des perturbations de la scolarité induites par les manifestations populaires pour un changement politique radical dans le pays. Boualem Amoura, président du Syndicat autonome des travailleurs de l'éducation et de la formation (SATEF) estime que le taux de réussite de la session 2019 du baccalauréat «est un taux non satisfaisant, inacceptable». Il a expliqué au Quotidien d'Oran que «nous sommes en régression, et on ne peut être fiers de ce résultat, car chaque année on devait essayer de s'améliorer». Pour lui, «c'est comme cette expression d'avancer vers l'arrière, et on est contents d'avancer à l'arrière», estimant que «ces chiffres ne reflètent pas le vrai niveau de l'école algérienne, et on ne peut parler, comme l'a dit le ministre, d'un bon taux de réussite». Le ministre de l'Education nationale, Abdelhakim Belabed, avait affirmé qu'aucune fuite de sujets n'avait été enregistrée cette année sur Internet durant cette session, saluant «l'effort et le travail colossal des différents organes de l'Etat». Pour le président du Satef, «tous les indicateurs sont à la baisse, et nous demandons à revoir les profils des spécialités du bac, notamment pour la filière scientifique, car beaucoup d'élèves n'ont pas le profil», ajoutant que «nous avons régressé d'un demi-point cette année, malgré le fait qu'il n'y ait pas eu cette année de fuite au bac, que le climat était stable». Il a également relevé qu'il n'y a pas eu de grèves cette année, et que «le programme a été mené à son terme. Et malgré ces bonnes conditions, on n'a pas fait mieux ». Et de s'interroger : «Peut-on être alors fiers d'un taux de réussite au baccalauréat qui ne dépasse pas les 55% ? Tant qu'il ne dépasse pas les 70%, c'est inacceptable ». Pour Boualem Amoura, «l'Etat algérien ne fait rien pour remédier à cette situation, et nous devons aller vers des états généraux», préconise t-il, avant de souligner qu'« il faut un courage politique pour aller vers une école publique de qualité », et qu'il faut «arrêter cette mascarade». Même point de vue du porte-parole du Cnapest, Messaoud Boudiba, selon lequel «la session 2018 du bac, avec tous ses problèmes, a été meilleure que celle de 2019». Il a expliqué au Quotidien d'Oran que «la session 2018 a été meilleure que celle de 2019 malgré la stabilité cette année. On s'attendait à un meilleur résultat que l'année passée, à cause justement de cette stabilité, qu'il n'y avait pas de grèves, et même le mouvement politique actuel n'a pas eu d'impacts sur l'année scolaire». Pour M. Boudiba, «l'année scolaire s'est déroulée normalement, le programme scolaire a été appliqué, et donc on s'attendait à de meilleurs résultats que l'année dernière. Malheureusement, cela n'a pas été à la hauteur de nos attentes». Selon lui, «les sujets étaient compliqués, difficiles pour les élèves. Il y avait de la difficulté, et des questions n'étaient pas attendues par les élèves», estime-t-il, avant de faire remarquer qu'«il y a eu pourtant une aide dans le barème de notations». «Le barème de notations a été revu, a-t-il dit, dans des proportions qui arrangent les élèves». Mais, «malgré cela, la réussite a été moindre», regrette-t-il, avant de relever que «le problème est de savoir si c'est une question de niveau, car entre les résultats de 2018 et 2019, il n'y a pas une grande différence», et donc «il faut une évaluation profonde». «Avant, ils parlaient des grèves pour justifier les mauvais résultats lors des examens, mais cette année il n'y a pas eu de grève, et donc où est le problème ?». Pour le porte-parole du Cnapest, «il y a un système d'évaluation à revoir, tout comme le programme et la charge du programme au cours de l'année : ce sont des aspects qu'il faut analyser et revoir», estime t-il. Et pourtant, la session 2019 s'est déroulée, comparativement à celles de ces deux dernières années, dans un climat plutôt serein, sans fraude, sans triche, avec le moins de pression pour les candidats. Car la dernière session, celle de 2018, s'est déroulée pratiquement dans un climat démentiel, ahurissant. Par bien des aspects, le bac 2018 a été unique dans les annales de l'Education nationale, car il a été «blindé» par le gouvernement contre la fraude 2.0 à travers les réseaux sociaux. Tous les ingrédients d'une exécrable gouvernance de cet examen de fin de cycle scolaire étaient réunis : fuites 2.0 de sujets, tentatives de fraude classiques, hyper sécurisation de cet examen notamment la coupure de l'Internet, et une étrange intrusion du ministère de la Défense nationale. C'étaient les faits marquants du bac 2018, dont les résultats ont été, bien entendu, exécrables. Ceux de 2019 ne sont pas, également, emballants pour un système éducatif de plus en plus décrié.