Le 25ème vendredi consécutif, ce 9 août, de manifestations populaires contre le pouvoir et pour un changement politique radical, s'est déroulé comme d'habitude à Alger et dans les grandes villes du pays : une affluence citoyenne importante, une pression énorme des services de sécurité, et une volonté inébranlable des manifestants à marquer leur territoire et leurs revendications. Ces marches populaires, autant à Alger, Constantine, Annaba, Tizi Ouzou, El Tarf, Bouira, Sétif, Bejaia, Annaba, interviennent sur le plan social à la veille de l'Aïd El Adha, et, au plan politique au lendemain des premières rencontres du panel de dialogue national, notamment avec des représentants du Hirak populaire. Une rencontre qui a marqué en fait la volonté des Hirakistes de maintenir leurs revendications, et, plus généralement, de se constituer en force politique alternative face aux tergiversations du pouvoir et les hésitations de la classe politique. La tâche de l'instance de dialogue dont la mission est coordonnée par Karim Younès, l'ex-président de l'APN, est difficile, car les poids lourds de l'opposition et les principales figures du mouvement populaire exigent toujours la mise en place de mesures d'apaisement pour prendre part aux consultations. Des mesures d'apaisement balayées d'un revers de la main par le chef d'état-major Gaid Salah, pour qui seules des élections présidentielles sont à même de ramener le pays sur la voie de la légalité constitutionnelle. C'est donc un 25ème vendredi de protestation sociale et politique marqué ainsi par un discours toujours musclé du chef d'état-major de l'ANP, qui a rappelé son soutien au Hirak, mais qui a dans le même temps signifié que ses revendications ont été satisfaites, et donc, rien ne justifie le retard dans l'organisation d'élections présidentielles dans les plus brefs délais. Ce n'est pourtant pas là l'avis des manifestants qui avaient hier arpenté les grandes artères de la capitale, forçant les forces de sécurité à lever le barrage installé dans la matinée à la place Audin, pour interdire les manifestants de marcher vers la Grande Poste. Dans la capitale, les manifestants avaient commencé à affluer vers les principales artères de la ville vers 12h00. Les forces de police se sont quant à elles déployées sur toute la rue Didouche Mourad, et bloqué les accès à la Grande Poste au niveau de la Place Maurice Audin. C'est là où un important dispositif policier a été déployé, puis prolongé jusque vers la Grande Poste avec des camions de transport et d'intervention garés tout le long de l'avenue. Une situation difficile et stressante pour les manifestants, qui ont été confinés par la police, entre la place Audin et le siège régional du RCD, en haut de la Rue Didouche Mourad. La police a installé en fait deux barrages : un à la place Audin pour empêcher les manifestants d'aller vers la Grande Poste, et un autre devant le siège du RCD, en haut de la rue Didouche, pour les empêcher de descendre vers la place Audin. Entre les deux barrages policiers, les manifestants faisaient le va-et-vient, alors que certains groupes de manifestants sont descendus par l'avenue Khelifa Boukhalfa vers la rue Hassiba Benbouali pour contourner le dispositif policier et rejoindre le reste des manifestants à la Grande Poste d'Alger, point de ralliement. Vers 12h30, devant l'afflux des manifestants à la Grande Poste, la police a tenté de disperser des manifestants, qui y arrivaient par la rue Abdelkrim Khettabi, parallèle à l'avenue Pasteur et la rue Didouche Mourad. Et, vers 12h40, la police a fini par céder devant l'imposante foule de marcheurs, et a ouvert le barrage de la place Audin, permettant aux manifestants de se rendre, au point de ralliement de la Grande Poste, où des pancartes «Yetnahaw Ga3» (ils doivent tous partir), étaient bien mises en évidence. La menace d'un recours à la désobéissance civile a été également brandie par les manifestants à Alger, qui ont également dénoncé des «élections organisées avec la Issaba (bande)». A Tizi Ouzou, les marcheurs étaient au rendez-vous, malgré une forte chaleur que des habitants tentaient de réduire en arrosant le parcours des manifestants. Toujours dans la ville des Genêts, des manifestants avaient scandé «le peuple veut l'indépendance ». A Bouira et au cours d'une imposante manifestation, les marcheurs scandaient à l'unisson « Echaab Yourid Yetnahaw Ga3» (le peuple veut qu'ils partent tous). A Béjaia, où de l'eau fraîche avait été distribuée aux manifestants, les slogans habituels revenaient, à savoir «le départ du pouvoir et un changement politique radical». Des manifestants brandissaient également une pancarte sur laquelle on pouvait lire «le panel de Karim Younes est un chant de cigale», dénonçant ainsi la mission dévolue par le pouvoir à l'instance de dialogue et de médiation dirigée par l'ex-président de l'APN. A Ain Beida, les marcheurs revendiquent un «Etat civil, non militaire», alors qu'à Tlemcen, une importante foule scandait des slogans hostiles au chef d'état-major de l'ANP. Dans les rues d'Annaba, des centaines de manifestants avaient de leur côté dénoncé, pour le 25ème vendredi de protestation consécutif, le pouvoir, et revendiqué un changement politique radical: «Yetnahaw Ga3 », scandait la foule. Les manifestations se sont terminées dans le calme, et les marcheurs, souvent en famille, ont regagné leurs lieux de résidence, loin des centres urbains.