Les treize syndicats autonomes qui ont appelé leurs adhérents à prendre part lundi à une grève générale de protestation contre les mesures économiques et sociales initiées par le contesté gouvernement Bedoui et en solidarité aussi avec le Hirak populaire et ses revendications politiques comptaient qu'elle prendrait la forme d'une démonstration de force qui introniserait leur confédération en tant que représentation et porte-parole de ce Hirak dont tout le monde parle en son nom. Las la mobilisation espérée n'ayant pas été au rendez-vous, leur tentative s'est soldée par un «flop» retentissant. Ce n'est pas pour accabler ces syndicats que nous relevons leur échec, mais pour les inciter à se départir de leur position opportuniste consistant à vouloir prendre le leadership d'une contestation populaire qui a d'emblée rejeté toute prétention de tutelle sur elle d'où qu'elle vienne. Avant d'être les leurs, les adhérents qu'ils ont appelés à participer à la journée syndicale de protestation sous leur égide sont probablement et en grande majorité des hirakistes qui ont refusé de s'inscrire dans une démarche perçue à tort ou à raison comme visant à la récupération du mouvement populaire. Ils se sont d'autant abstenus de répondre massivement à l'appel des syndicats que d'influents activistes au sein du Hirak ont ouvertement pris leurs distances avec l'initiative de ces derniers et fait entendre qu'ils n'encouragent nullement une démonstration qu'ils perçoivent comme visant à la dispersion de la mobilisation populaire. Cela est indubitable au regard des attitudes contrastées sur l'initiative syndicale de la part des partis et organisations issues de la société civile ayant formé groupe sous le vocable de «Forces de l'alternative démocratique» ; si les uns l'ont officiellement soutenue, d'autres par contre se sont fait étrangement silencieux pour ne pas dire plus. Si elles ont eu réellement pour ambition de se poser en acteurs influents et suivis au sein du mouvement populaire qui a pris naissance en dehors de tout cadre organique politique ou syndical, les directions des syndicats ayant essuyé le flop de lundi doivent désormais se faire à la raison qu'il leur faut respecter la dynamique de la contestation populaire telle qu'elle s'exprime depuis le 22 février et envisager d'autres formes d'action qui n'apparaîtront pas voulant lui substituer une autre à coloration typée et inévitablement clivante. La maturité et la perspicacité du Hirak ne sont pas une vue de l'esprit «romantique» seulement mais une réalité qui s'est imposée au pouvoir contre lequel il s'est dressé et dont doivent tenir compte également tous les acteurs politiques ou sociétaux qui prétendent le soutenir et être en accord avec ses revendications. Le fait que la grève des magistrats a focalisé l'intérêt de l'opinion publique et que la «démonstration de force» des syndicats n'a que peu suscité, oblige ces derniers à repenser leurs interventions dans la confrontation politique opposant le mouvement populaire au pouvoir de fait sans chercher à capter pour eux l'élan citoyen extraordinaire qu'il a généré, toutes couches sociales confondues.