Comme tout le monde le souhaitait, l'équipe nationale a bouclé l'année 2019 en beauté, avec une belle progression mondiale (35e au classement FIFA). Lorsque Belmadi avait déclaré son ambition d'aller remporter la CAN en Egypte, peu de gens l'ont pris au sérieux en raison du passé de l'EN, dont le dernier sacre était à domicile il y a 19 ans, un bail. A plus forte raison que la compétition se déroulait sur des terrains hostiles, dans un pays où l'ambition chauvine est dévorante dans toutes les disciplines, et particulièrement le football. En outre, l'Egypte, avec sa star Mohamed Salah et les avantages accordés au pays organisateur, était annoncée comme «le» grand favori de cette édition. On sait ce qui est arrivé, les Pharaons étant éliminés dès le premier tour. Il faut avouer que le «couac» égyptien a ouvert l'appétit des autres postulants, dont les Algériens bien que figurant dans le groupe du Sénégal, annoncé lui aussi comme futur vainqueur. Or les Verts, après avoir disposé du Kenya, ont justement battu le futur finaliste, avant de dérouler successivement face à la Tanzanie et la Guinée. Ensuite, ils ont bloqué un dangereux rival, la Côte d'Ivoire, puis ont disposé du Nigéria, autre équipe traditionnellement valeureuse, en demi-finale. Les Verts ont eu les ressources nécessaires pour parachever leur œuvre en battant le Sénégal au bout d'un match à suspense, car il fallait défendre le but de Bounedjah inscrit deux minutes seulement après le coup d'envoi. Avec six victoires, un nul et aucune défaite, c'était bien un parcours de champion unanimement reconnu. Une thérapie de choc Lorsqu'on pense que l'ossature a été maintenue tout au long de la compétition, on doit rendre justice à Djamel Belmadi. Sous sa conduite, les capés ont changé de comportement et se sont avérés beaucoup plus compétitifs que sous le règne des précédents sélectionneurs. Car, dès son installation et après le revers subi à Cotonou face au bénin le 18 octobre 2018, il a procédé d'abord à un état des lieux. Après une thérapie de choc du vestiaire où régnait une grosse anarchie, il s'est attaqué aux lacunes qui minaient la vie de l'EN. Il a instauré un autre état d'esprit et exigé de la rigueur et de la concentration, n'hésitant pas à écarter ou à mettre sur la touche les joueurs ne répondant pas à ses attentes. C'est à Lomé qu'à surgi le déclic avec une large victoire permettant aux Verts de chasser leurs complexes du terrain adverse. C'est connu, en football il est très difficile d'établir un juste équilibre entre la défense et l'attaque. Or, Belmadi a réussi au-delà de toutes les espérances. Il a mis en place un système que ses poulains ont vite assimilé en faisant preuve de solidarité. C'est ainsi que les millions de fans de l'EN ont vu des stars (dans leurs clubs), endosser le «bleu de chauffe», ne se limitant pas à jouer leurs partitions personnelles comme c'était le cas avant l'arrivée de Belmadi. Jamais on n'aurait imaginé voir les attaquants Mahrez, Belaili, Bounedjah revenir prêter main forte à leurs coéquipiers du secteur défensif. C'était une entreprise difficile et une gageure, car effectuer les va-et-vient suppose d'énormes efforts à consentir, du tempérament et une condition physique impeccable. Ils ont pourtant réussi à perturber tous leurs adversaires, même ceux qui avaient le statut de grandes équipes. C'est là sans aucun doute le «label» de Djamel Belmadi, qui a permis à ses protégés de s'extérioriser avec aisance face à des rivaux de valeur et pourtant avertis avec le visionnage vidéo des rencontres. Le talent au service du collectif Tous les experts ont admis et affirmé que «le football n'est pas une science exacte». C'est vrai, car on a souvent vu de petites équipes battre de plus fortes en observant strictement une organisation rigoureuse. On citera également les équipes dominées territorialement qui battent leurs adversaires pourtant techniquement supérieurs. Dans ces cas-là, ce sont d'autres vertus, comme la volonté, l'état d'esprit et la détermination qui font la différence. L'équipe d'Algérie a montré les qualités ci-dessus citées, mais pas que. En effet, d'autres paramètres ont fait pencher la balance de son côté. Nous faisons allusion au talent intrinsèque de chaque joueur. A commencer par ceux qui possèdent le niveau d'excellence, comme Mahrez, Belaili, Bennacer, Bounedjah et Benlamri. Chacun dans son rôle, tout en respectant l'indispensable solidarité, ils ont imprimé le tempo aux actions les plus décisives. Ce n'est donc nullement par hasard si, hormis le défenseur Benlamri et le milieu Bennacer, on retrouve ces joueurs comme meilleurs buteurs (21 sur les 27). Mahrez et Belaili ont apporté leur sens de la créativité, une vertu très rare, tandis que Bounedjah a confirmé sa réputation de redoutable buteur. Quant à Bennacer, ce n'est pas par hasard qu'il a été élu meilleur joueur d'une CAN où les grands noms étaient pourtant légion. Il faut préciser qu'ils ont été bien épaulés par ceux qu'on appelle les joueurs de devoir. Bien des situations dans cette CAN ont été résolues par le formidable impact des Atal, Guedioura, Feghouli, Mandi et Bensebaini. Le juste équilibre Parfois, une équipe qui encaisse peu de buts n'en marque pas beaucoup. Or, l'EN a conquis tout le monde tant par sa solidité défensive que par son efficacité en attaque, c'est-à-dire l'idéal dans le sport-roi. Belmadi a d'abord placé les fondements derrière et la suite lui a donné raison. Il faut savoir qu'en 15 rencontres de l'année 2019, l'EN n'a concédé que 5 buts dont 2 face au Mali, à Doha en amical. Tour à tour, la Tunisie, le Kenya, le Sénégal, la Tanzanie, le Sénégal de nouveau, le Benin, la Colombie la Zambie et le Botswana n'ont pas réussi à battre M'bolhi. En revanche, et c'est ce qui remarquable, l'attaque algérienne a toujours trouvé le chemin des filets adverses, dont quatre gros scores de cinq et trois buts. Les jours où ses poulains ont vaincu par la plus petite des marges, Belmadi a expliqué ces scores serrés par la valeur des adversaires (souvent) ainsi que le laxisme de l'arbitrage, comme ce fut le cas récemment contre le Botswana, sans omettre certaines mauvaises conditions de jeu. Une marge de progression rassurante Tout au long de cette belle année, les mots-clés qui sont souvent revenus dans les discours de Belmadi sont : la gagne, la concentration, la solidarité, l'ambition et la progression. C'est ce dernier terme qui retient notre attention, puisque force est de constater que les mêmes joueurs, qui entraient sur les stades africains battus avant le coup d'envoi, se sont transformés en redoutables conquérants. De fait, l'état d'esprit a changé dans le bon sens, mais il ne faudrait pas oublier les progrès techniques et tactiques qu'ils ont acquis sous la tutelle de Belmadi. Certes, tout n'a pas été parfait, (c'est impossible) si l'on mentionne les déchets, les mauvais choix dans certaines rencontres, le plus souvent excusables en raison du niveau et sous la pression de l'adversaire. Nous faisons allusion aux longs ballons dans le camp adverse, les passes ratées ou bottées en touche sans qu'il y ait vraiment urgence. C'est la preuve que les Verts possèdent toujours une bonne marge de progression, ce qui est tout de même rassurant. L'autre force du sélectionneur c'est cet art à remettre le compteur à zéro et de ne plus se focaliser sur les précédentes victoires. Aussi, se projette-t-il toujours sur l'avenir, en fait sur les prochaines échéances de la CAN 2021, et de la Coupe du monde 2022 au Qatar où il réside une grande partie de l'année et où il a vraisemblablement des repères très intéressants pour lui et l'équipe nationale. Jamais totalement satisfait, il poursuit sa prospection tant en Algérie qu'à l'étranger pour dénicher des joueurs aptes à apporter un plus. Il rêve de mettre en place une concurrence même dans le banc des remplaçants ! C'est l'art de pousser ses capés à toujours faire mieux pour conserver leurs postes. Sous une apparence que d'aucunes jugeront rigoriste, Belmadi est considéré par les joueurs comme leur grand frère, vivant la même passion et engagé dans le même projet. Pour le moment, celui de faire de l'Algérie la meilleure en Afrique. A l'allure où les Verts mènent leurs rencontres, cet objectif pourrait être atteint à brève échéance. Nos adversaires du continent ne toisent plus l'équipe algérienne comme c'était le cas auparavant. L'ère Belmadi a généré de la considération et du respect. Lui-même est considéré comme l'un des meilleurs entraîneurs du monde, ce qui ne l'empêche pas de rester serein et de ne penser qu'à atteindre de nouveaux paliers, un sentiment qu'il est en train de transmettre à ses protégés. Alors, vivement le mois de mars 2020 pour la prochaine rencontre de l'EN ! Cette fois-ci, ce sont les autres nations qui éprouveront de la crainte lors des tirages au sort. Et ça, c'est déjà une victoire à apprécier à sa juste mesure.