Contraints à vivre au rythme cyclique et routinier des astres du système solaire, les hommes ont fini par s'inventer un paradigme à l'identique : tourner en rond autour du même axe avec l'assurance qu'hier détermine aujourd'hui et qu'aujourd'hui préfigure demain. Dès lors, pour le commun des mortels, prévision et prospective ne sont que duplications d'un espoir de lendemains enchanteurs, boussole et sextant confiés aux mains de commandants de bord « choisis » ou imposés pour les guider sur une mer dont la houle peut pourtant survenir à tout moment, tout faire basculer par-dessus bord. Mais peu importe, incident de parcours, nourriture aux poissons, l'essentiel étant dans la conviction que cela n'empêchera pas le soleil de se lever. Quelle prétention que celle de vouloir figer l'avenir à partir d'une photographie du passé ! Nier le témoignage d'un miroir qui nous renvoie nos rides sans voir qu'il nargue la fraîcheur de notre juvénilité à jamais perdue, ou aduler cette science incapable de prévoir la météorologie au-delà d'un proche horizon : ne sont-ils pas les preuves de cette grandiloquence mue en incapacité à nous extraire de nos certitudes ? A se croire représentant de Dieu sur terre, on s'attribue par la même toutes les qualités sauf une : celle de reconnaître nos défauts. Or, c'est précisément sur l'un d'eux, parmi une liste de sept, que les humains ont choisi de bâtir le monde. Il s'appelle cupidité : profit pour les comptables, marché pour les masses, finance pour les intimes. Ainsi, le monde est une tirelire pyramidale, les premiers arrivés, les sans scrupules à l'égard des hommes, de la flore et de la faune, seront servis, les autres auront tenté. 100% de ceux qui ont gagné ont tenté leur chance, disait une publicité aussi débile que le produit dont elle était le support. Entre les aveugles et ceux qui détournent la tête, nul ne voit que, sans ceux d'en bas, la base écrasée, il n'y aurait point de sommet. La théorie économique néolibérale, par la voix de l'école de Chicago, parle de ruissellement bénéfique pour tous. Ainsi, ce serait donc des richesses amassées, grâce au crime, par les moins vertueux des hommes, que ruissellerait le bonheur sur le reste de l'humanité. Et voilà qu'un bien mal acquis profite ! A qui ? 10% des plus nantis possèdent 83% de la richesse mondiale tandis que 1% en engrange 50%. L'auteur de « La fable des abeilles », l'écrivain philosophe néerlandais Bernard Mandeville (1670-1730), disait que ce sont «les vices privés qui font la vertu publique». Aussi, avec un tel passif, s'effaroucher de la survenue du Covid-19, c'est s'étonner de l'accident quand on conduit en état d'ivresse. Le comble est atteint lorsqu'on y ajoute la prosternation devant Dieu avec l'arrière-pensée de lui endosser la responsabilité. Tout passe, le temps a du temps. Le Covid-19 passera aussi. Sans distinction entre coupables et innocents, il fera payer aux hommes leur folie. Les sages, les sans dents et sans pouvoirs retiendront peut-être la leçon mais à quel changement pourront-ils prétendre ? Bien malin celui qui le dira. Les préjugés sont si durs, plus difficiles à dissoudre que l'atome, disait Einstein. Pour les autres, les décideurs, les nantis, l'altruisme n'étant pas leur fort, ce n'est qu'un feu rouge en attendant le vert. Les coups de Jarnac autour des masques montrent qu'à choisir entre certains énergumènes et le virus autant prendre ce dernier, car lui au moins ne fait pas de différence et ne se laisse pas acheter. Quant à la finance, sa réaction, pour venir d'abord au secours de la spéculation boursière, traduit on ne peut mieux son absolue préférence pour les CAC 40, Dow Jones et assimilés par rapport au reste. Oui, pour elle, nous ne sommes que des restes.