Deux jours après son passage devant la commission juridique de l'APN, le ministre de la Justice a saisi jeudi l'occasion de sa visite à Oran pour apporter des éclairages sur les projets de loi en cours d'élaboration. Le temps ne lui permettant pas de passer en revue tous les ateliers ouverts par son secteur, M. Zeghmati a concentré son intervention sur les textes de loi les plus importants. Parmi lesquels, la loi criminalisant l'enlèvement que le président de la République a instruit pour sa préparation en août dernier. Le projet de loi visant à lutter contre le phénomène du kidnapping, qui a pris des proportions alarmantes en Algérie, prévoit contre ce crime une peine d'emprisonnement allant de cinq ans à la réclusion perpétuelle en cas d'assassinat, assortie d'une amende pouvant atteindre 2 millions de dinars, selon les explications du garde des Seaux. Concernant le projet du nouveau code de procédure pénale, dont la mouture sera soumise aux magistrats pour l'enrichir, M. Zeghmati a souligné que «cette loi est importante et son enrichissement doit se faire par des propositions constructives de la part des magistrats du domaine». A propos du projet de révision du tribunal criminel, le ministre de la Justice M. Belkacem Zeghmati plaide a priori pour une toute nouvelle approche. Trois ans seulement après son entrée en application, le (nouveau) tribunal criminel d'appel institué au temps de Tayeb Louh en vertu de l'ordonnance 666-155 relative au code de procédure pénale, amendée en janvier 2017 et mise en vigueur en septembre de la même année, prouve déjà ses limites, voire ses inconvénients. La juridiction criminelle version Tayeb Louh qui, on s'en souvient, était au centre d'une vraie campagne de marketing politique pour la consommation interne et externe à la fois, avait été revue aussi bien dans sa composition que dans son fonctionnement. Un tribunal d'appel avait été mis en place au niveau de chaque cour, en sus de l'augmentation du nombre des assesseurs jurés et l'annulation de la prise de corps. A l'époque, on louait à l'excès les mérites de cette réforme - qui n'était en fait qu'un énième copier/coller sur des modèles importés - dont on répétait à satiété qu'elle aura une répercussion conséquente sur l'examen et le traitement des affaires criminelles, tout en mettant en avant la mise en conformité du système judiciaire algérien avec le droit universel qui stipule que tout accusé a le droit d'être jugé à deux degrés. Données à l'appui, sans doute, l'actuel premier responsable de la Justice, M. Zeghmati, a mis à nu une partie des nombreuses et non moins conséquentes tares de cette (nouvelle) structure, en indiquant à ce sujet que «ce tribunal est devenu très coûteux à l'Etat au vu de l'effort et du temps consommés par les magistrats et les avocats, voire également les citoyens, soulignant qu'une grande problématique existe également au niveau du tribunal criminel d'appel, sachant que la majorité des jugements de première instance font l'objet d'appels et sont pour la plupart confirmés, ce qui consomme beaucoup de temps et d'efforts». TRIBUNAL CRIMINEL OU LA REFORME DE LA REFORME D'autre part, M. Zeghmati a insisté sur la nécessité de programmer les affaires en retard au niveau des tribunaux pour qu'elles n'agissent pas contre les intérêts des citoyens, affirmant que le problème des notifications sera prochainement réglé définitivement. Dans ce cadre et en réponse à la question d'un magistrat qui a fait état d'un grand nombre de justiciables absents lors des procès car n'ayant pas reçu de convocations, le ministre a indiqué que «le taux des jugements et des décisions par défaut est de l'ordre de 32% au niveau national, ce qui représente une problématique devant être réglée bientôt par la numérisation». Il a également déclaré que, dans les deux ou trois prochaines semaines, une plateforme numérique réalisée avec le ministère de la Poste et des Télécommunications sera lancée pour les notifications, grâce à laquelle le problème sera réglé de manière définitive et il sera possible de notifier à tout justiciable habitant en Algérie d'être informé sur la date de son procès. SYSTEME CARCERAL : VERS LA GENERALISATION DES MILIEUX OUVERTS Les établissements pénitentiaires seront équipés de milieux ouverts permettant une formation aux détenus pour leur meilleure intégration une fois libérés, a indiqué par ailleurs le ministre de la Justice. Lors de son inspection du projet de réalisation d'un établissement pénitentiaire de 1.000 places à Misserghine, M. Zeghmati a souligné que «la stratégie adoptée jusqu'à présent pour la rééducation des détenus a montré ses limites», précisant que son département va créer des ateliers extérieurs permettant aux détenus de bénéficier d'une formation professionnelle qui leur permettra de mieux s'intégrer dans la société. A ce propos, M. Zeghmati a soutenu que «la rééducation et la réinsertion sont deux concepts qu'on ne peut dissocier» et que le détenu «ne peut pas s'intégrer dans la société s'il passe toute la durée de son incarcération dans un milieu fermé sans apprendre quelque chose d'utile». Cette réalité a incité le ministère à créer des ateliers externes dans des espaces ouverts, dont l'agriculture et le jardinage, a-t-il dit. Par ailleurs, le ministre a fait savoir qu'une réflexion a été engagée sur la manière d'alléger aux citoyens et aux instances judiciaires la procédure de délivrance du certificat de nationalité et de l'extrait du casier judiciaire, soulignant que bientôt seront déterminés les cas où l'administration publique peut demander ces deux documents. M. Zeghmati a ajouté qu'au moment où le pays a fait des avancées considérables dans la numérisation, de nombreuses administrations «exagèrent» en exigeant le certificat de nationalité et l'extrait du casier judiciaire dans des dossiers administratifs, même lorsque ces documents ont déjà été fournis pour la délivrance du passeport et de la carte biométrique.