«Le gros problème de football, en termes financiers, est qu'à des charges fixes correspondent beaucoup de recettes aléatoires. Vous pouvez maîtriser les dépenses, éviter le moindre écart, vous n'êtes pas maître des succès sportifs. Il faut donc prévoir les conséquences financières de chaque scénario ». Ces propos de Patrick Malvoisin, associé de l'ex-cabinet Arthur Andersen et ancien vice-président du Paris Saint-Germain, sont le reflet des difficultés qu'il y a à gérer un club de football professionnel comme une entreprise ordinaire. Les problèmes financiers liés à la gestion des clubs alimentent régulièrement les titres de la presse écrite : déficit chronique, endettement colossal, transfert fabuleux. Bref le football algérien n'est pas en bonne santé. Les salaires des joueurs représentent plus de 100% du chiffre d'affaires du club, le déficit et l'endettement se comptent en milliards de centimes. La fédération algérienne de football a mis en place une Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) qui a pour mission de surveiller les comptes des clubs de football professionnels. C'est une bonne initiative, mais c'est insuffisant car il faut en plus fixer des règles de fair-play financier qui doivent être appliquées avec rigueur par chaque club érigé en SPA, qui doit désormais crééer sa propre structure comptable et financière dotée de la logistique nécessaire et du personnel comptable qualifié avec des contrats de travail bien rédigés. Les anciennes structures des clubs basées sur un président « bon enfant » s'intéressant peu à la gestion, et sur un trésorier bénévole faisant de son mieux, sont révolues. En plus de l'obligation de produire les états financiers tels que définis par le NSCF, dans le respect des règles prudentielles et de transparence nécessaires, et selon les critères qui assurent la qualité des états financiers à savoir : propriété, existence, exhaustivité, évaluation, comptabilisation, ces structures comptables et financières doivent élaborer des budgets, des tableaux de bord et des plans de financement. Les clubs de football professionnels ne peuvent plus dépenser plus d'argent qu'ils n'en gagnent et leur besoin de financement ne doit pas être disproportionné par rapport à leur capacité d'autofinancement pour éviter les dérives provoquées par des mauvaises pratiques de gestion qui ont plusieurs fois entraînées des clubs au bord de la faillite. Cette nouvelle organisation tout en tenant compte des spécificités des clubs de football : - la volatilité importante des recettes due à l'aléa sportif (les résultats d'un club de football sont loin d'être linéaires dans le temps puisqu'ils dépendent énormément des résultats sportifs qui déterminent le classement, donc les droits audiovisuels, le sponsoring, l'affluence dans le stade) ; - l'importance de la masse salariale des joueurs et le fait que ceux-ci sont sous contrat à durée déterminée (généralement 3 à 5 ans), devra donc permettre, outre la gestion «normale» inhérente à chaque club : * d'établir des budgets reposant sur des hypothèses raisonnables qui feront apparaître le «résultat»; * de calculer la variation du résultat en fonction de la réalisation ou non de ses hypothèses (sensibilité du résultat aux divers classements dans les compétitions) ; * d'établir des plans de financement et les budgets de trésorerie correspondants ; * de réviser systématiquement ces budgets au fur et à mesure de la réalisation d'évènements non prévus sur le budget d'origine. Les règles de fair-play financier visent à instaurer de nouvelles règles visant à garantir une éthique financière pour le football algérien, avec notamment un renforcement des critères sur les impayés entre clubs, envers les salariés des clubs, les administrations fiscales et sociales. Le principe est ainsi introduit: « un club doit pouvoir faire face à ses dépenses «déterminantes» grâce à ses revenus «déterminants». Parmi les règles de fair-play financier, on peut citer: 1) le passif net de chaque club ne doit pas s'être détérioré entre la saison achevée et la saison précédente; 2) le résultat ne doit pas avoir été déficitaire en N-1 ou N-2 ; 3) le club ne doit pas avoir d'arriéré de paiement au 30 juin. En Algérie, la DNCG qui contrôle les clubs de football professionnels s'en trouvera dans ce nouveau contexte de fair-play financier « confortée » et « complétée » dans la réalisation de ses objectifs nobles : d'assurer la pérennité des clubs, de favoriser le respect de l'équité sportive et contribuer à la régulation économique des championnats. Signalons que la DNCG, qui ne cesse de lancer des mises en demeures en direction des clubs professionnels leur demandant de lui transmettre les comptes sociaux, n'a pas pour mission d'auditer les comptes des clubs professionnels au sens où peut le faire le commissaire aux comptes. Ce dernier occupe ainsi un rôle important pour la DNCG lors du contrôle des états comptables prévisionnels. La mission du commissaire aux comptes relative à l'examen des états comptables prévisionnels d'un club de football professionnels nécessite à la fois une parfaite connaissance du club sportif et de ses spécificités, mais aussi une compétence accrue de ce dernier en raison du cadre particulier de la mission et des nombreuses problématiques comptables. *Expert Comptable et Commissaire aux Comptes: Membre de l'académie des sciences et techniques financières et comptables Paris.